Procès de la catastrophe Liévin
Notice
Le 27 décembre 1974, un coup de grisou tuait 41 mineurs à Liévin. Une procédure avait été engagée et 6 ans après, le tribunal correctionnel de Béthune vient de prononcer son jugement définitif. Des responsables des Houillères ont été condamnés, c'est une première en France. On a reproché à l'ingénieur, Augustin Coquidé, l'insuffisance des moyens pour détecter la présence éventuelle de grisou. Pour la première fois dans un jugement, on constate la responsabilité de l'employeur. Avec ce jugement les veuves des mineurs peuvent réclamer une augmentation de leur rente trimestrielle.
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Éclairage
Le 27 décembre 1974, un coup de poussière dévaste une galerie de la fosse 3 dite Saint-Amé du Siège 19 du groupe de Lens-Liévin à Liévin faisant 42 victimes. Ce XXe siècle marqué par l'exploitation intensive du charbon se clôt comme il avait commencé, avec la catastrophe majeure "de Courrières" de 1906 et ses 1 099 morts. Mais plus de six ans après les faits, les plaies de la dernière grande catastrophe minière intervenue en France ne sont pas encore complétement refermées. C'est chose faite lorsque le tribunal correctionnel de Béthune rend son jugement définitif, début 1981 et ses conclusions sont sans précédent : pour la première fois dans l'histoire de la mine en France, une société exploitante, celle des Houillères du Bassin du Nord-Pas-de-Calais (HBNPC), est reconnue civilement responsable du drame et condamnée pour "faute inexcusable". Une décision qui permet par ailleurs aux familles des victimes, et en particulier aux 140 orphelins, de voir leur pension trimestrielle augmentée de 50%.
Jusqu'alors, les drames de ce type étaient imputés à la fatalité, voire à l'imprudence des mineurs de fond, mais les circonstances de celui de Liévin changent la donne. L'enquête puis le procès établissent sans contestation possible que les moyens humains et matériels de détection du grisou étaient notoirement insuffisants, mettant directement en danger la vie des hommes envoyés dans les galeries. L'ingénieur en chef des Houillères Augustin Coquidé, reconnu coupable d'homicide et blessures involontaires, est condamné à une amende de 10 000 francs, ainsi qu'à verser 1 000 francs de dommages et intérêts aux syndicats FO, CGT et CFTD qui se sont portés partie civile. Pas de prison donc pour l'ingénieur incriminé qui fait somme toute figure de bouc émissaire, mais une "sanction morale" qui vaut avant tout pour sa portée symbolique.
L'action judiciaire est lancée au lendemain des obsèques. Des plaintes sont déposées par la CGT et FO et leurs représentants accompagnent au fond dans le quartier "Six sillons", sur les lieux de la catastrophe, le juge Henri Pascal, chargé de l'information par le parquet de Béthune. Celui-ci inculpe Augustin Coquidé, ingénieur en chef de la fosse 3, d'homicide et de blessures involontaires. Mais cadres et direction des Houillères font bloc contre le juge déjà rendu célèbre dans l'affaire de Bruay-en-Artois dans laquelle il avait déjà inculpé un "notable". En juillet il est dessaisi mais les expertises ne laissent aucun doute quant aux responsabilités des Houillères. Six juges vont se succéder jusqu'en 1978 où la chambre d'accusation de Douai renvoit Augustin Coquidé devant la chambre correctionnelle pour "maladresse, inattention et négligence".
On mesure d'ailleurs le ressentiment des mineurs aux plaques commémoratives qui parsèment le site de Liévin et la région. Elles sont au nombre de trois, de taille et de forme variables, et porteuses de messages de nature diverse : la première qui date de 1975, est balayée par le vent et les feuilles mortes, et rappelle immédiatement les monuments aux morts de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale, par la terrible succession des noms gravés dans le marbre, la seconde, également en extérieur, inaugurée en 1994, se veut en premier lieu un "hommage de la population à toutes les victimes de la mine" en général, avant d'établir un lien explicite avec la catastrophe de 1974 ; la troisième, un chevalement-potence de taille plus réduite, est la plus violente, la plus dénonciatrice aussi en ce qu'elle considère que les mineurs ont été "envoyés à la mort". Il est vrai qu'elle a été installée en 2004 à Calonne-Ricouart, sur une idée du mineur Joseph Tournel qui fut à l'origine d'une Commission populaire d'enquête créée dès le 5 janvier 1975, soit quelques jours à peine près la catastrophe, à l'initiative du Parti Communiste Révolutionnaire Marxiste-Léniniste et qui s'était fait la porte-parole d'un combat plus politique ou idéologique que social. Ces trois plaques deviennent ainsi des "lieux de mémoire" de la mine et de ses dangers, mémoire éclatée et pour partie encore conflictuelle.
Plus largement, l'arrivée à son terme du processus judiciaire de la catastrophe de Liévin sonne le glas de l'épopée du charbon dans le Nord-Pas-de-Calais puisque dans les quinze années suivantes, la totalité des puits sont fermés, à commencer par celui de Liévin même fermé en 1977 et déjà à l'abandon en 1981.