Parcours thématique

Le mineur, héros ou martyr ?

Marion Fontaine

Introduction

« Plus que quiconque, le mineur peut prétendre à incarner le type du travailleur manuel. Pas uniquement en raison du caractère particulièrement épouvantable de son travail, mais aussi et surtout parce que ce travail – si essentiel à notre survie – est en même temps si étranger à notre expérience quotidienne, si caché, en quelque sorte, que nous n'y prêtons pas plus d'attention que nous n'en prêtons à la circulation du sang dans nos veines ». Cet extrait du célèbre témoignage de George Orwell, paru sous le titre The Road to Wigan Pier (Le Quai de Wigan, 1937), témoigne des représentations paradoxales qui entourent la condition de mineur : métier dont la réalité est souterraine, cachée, il suscite à la surface d'innombrables images ou parfois de fantasmes ; profession rebutante et dangereuse, exposée aux ténèbres et à la mort, elle passionne en même temps en raison de son caractère longtemps vital pour la vie économique et aussi de la spécificité, au moins apparente, des règles qui la gouvernent.

Ces règles, pourtant, ne sont pas restées immuables et, au cours des deux siècles d'exploitation, le travail n'a cessé de se transformer (quoi de commun entre le mineur des années 1880 et le technicien des fosses mécanisées des années 1960-1970 ?). Mais ces changements sont largement restés inaperçus dans l'imaginaire collectif, tant le métier de mineur s'est trouvé saturé, presque du début à la fin, par une double mythologie, tour à tour misérabiliste et héroïsante. D'un côté, le mineur est le malheureux esclave du sous-sol, privé de la lumière du soleil, livré à la mort brutale (l'accident) ou à une lente agonie (la silicose) et qui, pour tout cela, suscite la pitié ; de l'autre, il est le fier ouvrier, le soldat de la production en lutte contre les forces naturelles ou humaines, le militant incomparable qui suscite l'admiration.

Ce mythe dual se met en place dès la seconde moitié du XIXe siècle. Les voies qu'emprunte sa construction sont multiples : les témoignages des experts ou des journalistes (l'un des premiers est le fameux livre de l'ingénieur Louis Simonin, La vie souterraine, 1867), les innombrables représentations romanesques, picturales, artistiques dont le Germinal d'Emile Zola (1884) est le canon, les discours militants. Tous investissent ces couples de représentations à la fois vraies et fausses, le martyr et le héros, l'aristocrate et le paria, qui forgent le double mythe minier. Ce dernier est caractérisé une étonnante continuité : du témoignage de George Orwell à celui de la journaliste et écrivain Hélène Parmelin, on note la même fascination des intellectuels pour le monde mystérieux et tragique des « gueules noires ». Reste, qu'au cours des deux siècles, le mythe a pu subir certaines inflexions que l'on peut parcourir et qui attestent les rêves et les cauchemars qu'ont suscités les mines et peut-être au-delà d'elles le monde industriel.

 Hélène Parmelin interviewée pour son livre <i>Léonard dans l'autre monde</i>

Hélène Parmelin interviewée pour son livre Léonard dans l'autre monde

Hélène Parmelin reçue par Pierre Dumayet, pour son livre Léonard dans l'autre monde, parle du personnage principal : la mine dans le Pas-de-Calais. Mariée au peintre Pignon fils de mineur, elle a pu aborder ce monde qu'elle ne connaissait pas à travers sa belle famille. Elle dit son étonnement à découvrir à chaque visite cet autre monde.

26 juin 1957
04m 09s

L'incarnation de la souffrance ouvrière

Chronologiquement, c'est le pan misérabiliste du mythe minier qui le premier est tracé. Dès le milieu du XIXe siècle, les ouvriers du charbon deviennent les martyrs de l'industrialisation, ceux qui souffrent pour la cause du progrès économique et témoignent dans leur chair de cette souffrance. Le travail des enfants, l'insécurité et les dangers bien réels du métier sont transmués dans les gravures, les témoignages ou les romans en tragédie : la mine n'est plus une entreprise mais devient le lieu où se marque l'impuissance des techniques et des hommes face à la fatalité souterraine. Dans le Germinal de Zola, la fosse, le Voreux, est un Saturne monstrueux dévorant sa progéniture.

Ces représentations redoublent d'intensité après la catastrophe de Courrières (10 mars 1906). Jaurès affirme alors : « Toute la vie, toute la personnalité des ouvriers est engagée dans la mine. Elle est pour eux le chantier, le tombeau, le lieu d'épreuve où, pendant des jours et des jours, ils luttent héroïquement contre la mort. Ils y laisseront par centaines des camarades, des amis, des fils, des frères. Le drame de leur vie bouleversée se confond avec la tragique histoire de la mine » (L'Humanité, 31 mars 1906). Courrières fixe par ailleurs un modèle pour la narration de ce genre d'évènement, un modèle dont on retrouve la trace aussi bien pour les accidents que pour les catastrophes les plus importantes, dont la dernière se produit à Liévin, le 27 décembre 1974. C'est toujours l'attente éperdue des familles, la douleur des veuves, la mine comme un monstre, l'espérance du sauvetage de ceux qui restent prisonniers au fond, l'évocation des corps mutilés ou brûlés.

 Catastrophe de Courrières : la sortie des survivants

Catastrophe de Courrières : la sortie des survivants

Le 10 mars 1906 une explosion géante dévaste les galeries de mine des fosses de Méricourt de la Compagnie des mines de Courrières. On pense qu'il n'y a pas de survivants mais 20 jours plus tard, 13 survivants sortent à la fosse 2 de Billy-Montigny. Parmi eux le galibot Anselme Pruvost qui a retrouvé son père par hasard. Marcel Pruvost, le fils d'Anselme raconte la sortie. En patois du Nord on les appelait des "rescapés", un mot entré depuis dans la langue française.

30 mar 1906
02m 05s
 Les mineurs ensevelis à Pecquencourt

Les mineurs ensevelis à Pecquencourt

A Pecquencourt les travaux se poursuivent pour sortir les quatre mineurs emmurés. Le point de la situation avec Claude Laplaud à la recette du jour. Interview d'un sauveteur très ému. M Legrand qui dirige les travaux de sauvetage déclare : "Nous avons découvert une lampe à flamme ainsi qu'un sac... nous n'avons pas encore entendu aucun signe de vie". Il reste néanmoins toujours de l'espoir de les retrouver vivants.

29 nov 1969
02m 14s
 Catastrophe de Liévin : les événements

Catastrophe de Liévin : les événements

Résumé des événements de la journée suite à l'explosion intervenue à la fosse 3 dite Saint-Amé du siège 19 de Lens à Liévin. Témoignage d'un mineur et d'un responsable de la fosse : "il s'agirait d'un coup de poussière ; il est difficile de s'avancer." Témoignage d'un mineur qui était sur place et a participé aux secours. Déclaration de Monsieur Légeois des HBNPC : "cette explosion a concerné le quartier "Six sillons" (...) l'ensemble du personnel qui y travaillait soit une quarantaine de personnes en est victime".

27 déc 1974
03m 13s
 Edouard Pignon peint l'accident à la mine

Edouard Pignon peint l'accident à la mine

Édouard Pignon évoque ses débuts, les réunions d'artistes qui voulaient s'engager dans un art pour les ouvriers dans l'objectif de diffuser des idées révolutionnaires. Opposés à la peinture réaliste, ils voulaient exprimer le symbole de la réalité, de la lutte pour la conquête du pouvoir. Édouard Pignon a peint deux toiles sur un accident à la mine. Interviewé dans une rue d'une cité minière au 2 de Marles, un mineur exprime son émotion après avoir vu L'Ouvrier mort qui lui a rappelé un accident similaire dont il avait été témoin.

05 juil 1966
05m 06s

Hormis ces moments paroxystiques, la peinture misérabiliste du mineur trouve aussi à s'alimenter dans les multiples maux auxquels sont exposés les ouvriers du fond. Parmi elles, la silicose, qui n'est reconnue comme maladie professionnelle qu'en 1945, demeure la plus effrayante aussi bien pour les mineurs eux-mêmes que pour les observateurs : le nombre de victimes connu ou supposé, le spectacle de la dégradation des corps et de l'asphyxie progressive qu'entraîne la maladie, ont, eux aussi, beaucoup contribué à faire de la condition minière l'expression de la souffrance ouvrière.

 Les dangers de la mine : les mineurs silicosés et morts par accidents

Les dangers de la mine : les mineurs silicosés et morts par accidents

Un mineur silicosé à 40% parle de la fin de vie avec cette maladie. Un autre mineur, retraité, déambule dans le cimetière de Liévin, et commente les causes de décès des mineurs défunts, dont certaines victimes de la catastrophe qui a eu lieu quelques jours auparavant à la fosse 3 bis à Liévin.

09 jan 1975
02m 46s

L'incarnation du prolétariat, le héros des luttes ouvrières

L'histoire, ou la légende, est bien connue : lorsqu'Emile Zola fut enterré en 1902, une délégation de mineurs de Denain accompagna le convoi en scandant « Germinal ! Germinal ! ». Les observateurs n'y virent pas seulement le cri des martyrs, mais aussi l'affirmation de ceux que les dernières lignes du roman présentent comme les graines de l'avenir.

A partir de la fin du XIXe siècle en effet, le mineur n'est plus seulement cette pauvre chose souffrante en proie à la fatalité ; il devient aussi l'incarnation magnifiée du prolétariat. Deux éléments aident à cette incarnation. D'une part, le travail du mineur, du moins tel qu'on se l'imagine à la surface, matérialise, à travers le corps à corps de l'homme avec la matière, toute une vision marxienne, et plus largement socialiste du travail : le mineur dompte la nature, fait de la roche une énergie indispensable aux activités industrielles et, par-là, affirme son humanité. D'autre part, les bassins miniers sont bien souvent les berceaux du syndicalisme, puis des organisations socialistes (dans le Nord, la Loire ou encore à Carmaux).

Les mineurs font dans ces conditions rapidement figure d'exemple, pour un mouvement ouvrier en voie de structuration. Ils sont perçus comme l'avant-garde impressionnante des plus grandes vagues de grève (en 1906 par exemple, ou bien sûr en 1936). Ils apparaissent aussi comme précurseurs en matière d'avancées sociales : ils sont les premiers à obtenir des représentants ouvriers, les premiers à pouvoir bénéficier d'une ébauche de protection sociale, etc. Quelles que soient les ambiguïtés qu'occulte cette imagerie (le syndicalisme minier demeure en majorité très corporatiste, et bien peu révolutionnaire), celle-ci opère dans l'imaginaire collectif. L'héroïsation des mineurs franchit une étape supplémentaire après la grève de mai-juin 1941. Sans doute cette grève a-t-elle des motifs mêlés mais, très vite, elle est transfigurée et devient la « grande grève patriotique des mineurs », le premier acte de la résistance ouvrière. C'est sous ces traits que la dépeint Aragon dans L'Homme communiste (1946) : « Alors que dans le reste de la France, seuls des hommes isolés encore avaient compris le sens de l'histoire, et préparaient le combat, ici dans les Indes Noires, chez eux, parmi les ruines de la guerre, dans les puits, les abîmes de la terre, les mineurs du Nord et du Pas-de-Calais traduisirent, les premiers, dans leur langage à eux la nécessité nationale, et entreprirent de défendre au plus noir de la nuit nationale la dignité humaine ».

 La vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières

La vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières

Évocation de la vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières en mars 1906 sur des illustrations de photographies et de gravures de l'époque. Un ancien mineur évoque la grève de six semaines qu'a fait son père suite à cette catastrophe. Un autre parle de Benoît Broutchoux qu'il avait vu à une réunion à Aniche et des femmes qui manifestaient.

1906
03m 23s
 Le Front populaire en 1936

Le Front populaire en 1936

Évocation de la période du Front Populaire par un vieux mineur et Augustin Viseux. Tous les deux étaient à la fosse 7 de Lens, ils se souviennent de l'espoir suscité après une période de crise ou sévissait le chômage partiel. Les vieux ouvriers qui avaient commencé le travail à 12 ans ont découvert les congés payés et les voyages à la mer.

19 jan 1973
03m 10s
 Témoignages sur la grève des mineurs de mai-juin 1941

Témoignages sur la grève des mineurs de mai-juin 1941

Témoignages dans les "Mémoires de la mine", d'anciens mineurs qui ont participé à la grève du 27 mai au 10 juin 1941. Ovide Legrand et Louis Caron en expliquent les causes : augmentation du temps de travail et rationnement. Le prétexte de la grève a été le manque du savon. Louis Lethien évoque un sursaut patriotique. Ils soulignent le soutien des femmes. Jean Wrobleski raconte comment la production était sabotée et la répression allemande qui s'en est suivie.

27 mai 1941
06m 19s

Les années de la nationalisation : l'apogée du mythe

Les années de la nationalisation des charbonnages (de la Libération au début des années 1950) portent à son acmé la figure tour à tour tragique et épique du mineur. Les événements politiques et sociaux jouent beaucoup dans ce phénomène. Encore nimbés du prestige de la grève patriotique » de mai-juin 1941, les mineurs se retrouvent à la Libération hissés au rang de héros de la résistance, mais aussi de la production. La pénurie énergétique impose de relancer l'extraction au plus vite : c'est la Bataille du charbon. Les mineurs passent alors pour former la corporation la plus courageuse et la plus solide, celle surtout qui peut sauver le pays en apportant la manne noire. Les ouvriers réels se plient inégalement à cette injonction symbolique : sans doute en tirent-ils la fierté de travailler pour une cause, mais ils savent que l'héroïsme productif auquel on les invite se paie (l'absence de modernisation des mines et le surtravail augmentent considérablement la dangerosité du métier).

 Funérailles de la catastrophe de la mine de Liévin

Funérailles de la catastrophe de la mine de Liévin

Le 30 janvier 1945 une galerie s'est effondrée à l'étage 432 de la fosse n°3 de Lens à Liévin tuant 9 mineurs. Reportage (muet) sur les funérailles. Les rues sont désertes dans les corons. La population et les familles sont rassemblées à l'église près de la fosse n°3, puis les cercueils sont portés par des mineurs en tenue de travail, entourés par des femmes portant des voiles blancs. Monsieur Lacoste, ministre de la Production Industrielle, prononce un discours devant les cercueils et les familles. Les cercueils sont portés sur des chariots vers le cimetière.

16 fév 1945
01m
 La bataille du charbon : le prix à payer

La bataille du charbon : le prix à payer

Après la projection d'un document des Actualités Françaises datant de 1945 sur la "bataille du charbon", vantant les efforts à faire pour la production charbonnière malgré la déficience des moyens d'extraction, Louis Lethien, un des mineurs témoins des Mémoires de la mine, réagit : les mineurs vont payer la "bataille du charbon" de leur santé (progression de la silicose).

17 sep 1945
03m 36s

Restent que ces réticences sont noyées sur le moment par un discours, des récits, des images qui, implicitement, invitent les mineurs à être à la hauteur de leur mythe. L'ensemble de ces représentations est porté par un Parti communiste qui est au somment de son influence et fait des « gueules noires » l'un des socles de l'identité ouvrière, telle que le Parti entend la représenter. Ce projet est matérialisé par Maurice Thorez lui-même : le secrétaire général du PCF met largement en avant dans son autobiographie idéale (Fils du peuple, 1937) ses origines minières. Le même refrain est entonné par les écrivains - Aragon, André Stil (Le mot mineur, camarades, 1950) -, les peintres (l'exposition d'André Fougeron, Le pays des mines, 1950), les réalisateurs (Louis Daquin, Le point du jour, 1947) proches ou membres du Parti.

 Louis Daquin parle du <i>Point du jour</i>

Louis Daquin parle du Point du jour

Le réalisateur Louis Daquin revient dans sa ville natale de Calais pour évoquer sa carrière de metteur en scène. En voix off, Jean Maillant, réalisateur, évoque l'importance de Gremillon et de Daquin dans le cinéma français. Sur des photographies noir et blanc du tournage, Louis Daquin explique les raisons pour lesquelles il a réalisé Le point du jour. Max Douy, décorateur, estime que Daquin, responsable CGT, a payé très cher cette activité syndicale.

déc 1948
02m 16s
 André Stil à Marles-les-Mines

André Stil à Marles-les-Mines

André Stil est membre de l'Académie Goncourt. C'est à Hergnies, son village natal, qu'il parle de son enfance, pauvre mais imprégnée de tendresse et de liberté. Les fenêtres de sa chambre s'ouvraient sur l'étang qui, dit-il, a marqué toute sa jeunesse, c'est de là que lui viennent l'envie d'écrire. L'étang est l'élément présent dans tous ses livres. Et autour il y a le coron.

26 oct 1979
01m 27s

L'entrée en Guerre froide et les violentes grèves de 1947-1948 ne font qu'accentuer cette tendance. Si pour le gouvernement, et une partie de l'opinion, les mineurs perdent alors de leur aura héroïque et passent, au mieux pour une masse manipulée, au pire pour des fourriers de la subversion, les communistes pour leur part s'agrippent au mythe. Le mineur, héros national de la résistance, doit le redevenir pour lutter contre le capitalisme américain et attester en même temps, par son corps blessé et son cadavre, les méfaits de ce même capitalisme et la dureté de « l'Etat-patron » français.

 Grèves des mineurs à Valenciennes : intervention de l'armée

Grèves des mineurs à Valenciennes : intervention de l'armée

Suite aux grèves dans les mines, Jules Moch, ministre socialiste du gouvernement Queuille fait intervenir l'armée pour protéger les puits de mine, considérant qu'il s'agit d'une grève insurrectionnelle. Images d'une intervention près de Valenciennes.

28 oct 1948
25s

Les années 1960 : l'effritement du mythe

Le mythe minier donne d'incontestables signes d'essoufflement à partir des années 1960. Le charbon, et ceux qui le produisent, apparaissent de moins en moins indispensables à la vie des sociétés industrielles. Le mineur ne semble plus guère pouvoir constituer l'avant-garde du prolétariat : il apparaît de plus en plus comme un archaïsme et l'antithèse de cette « nouvelle classe ouvrière », que sociologues et militants du renouvellement de la gauche (Alain Touraine, Serge Mallet) appellent de leurs vœux.

Certes, les mouvements sociaux des « gueules noires » sont encore susceptibles de frapper l'opinion : la grève de Decazeville en 1961-1962, celle des mineurs du Nord en 1963, sont là pour le montrer. Mais si elles ont encore pour partie une portée revendicative, elles sont de plus en plus défensives et apparaissent comme telles dans l'espace public. On ne craint plus guère les mineurs, on les admire encore moins, mais on les plaint pour les souffrances passées et l'absence de futur. Seules les facettes les plus misérabilistes du mythe minier persistent. Mais le martyr des mineurs ne revêt plus aucun sens, il ne sert plus au progrès économique, ni à l'élévation de la production : le sacrifice est vain et l'invocation des valeurs minières devient un discours sans perspective.

 La grève de 1963

La grève de 1963

Après une évocation des grèves des mineurs de 1963 à travers la presse de l'époque et d'images d'archives de la marche des mineurs de Lorraine sur Paris, puis du meeting de Lens avec 40 000 personnes, d'anciens mineurs témoignent sur leur métier. Marcel Barrois (CGT), explique que la grève a été retardée à cause d'un hiver rigoureux et que l'unité syndicale a permis d'obtenir des avancées conséquentes. Le commentaire évoque la fin de la mine sur des images couleur de la destruction d'un chevalement.

mar 1963
01m 47s

Les années 1970, qui voient une reviviscence du militantisme, dans le sillage de Mai 68, redonnent d'abord des couleurs à la figure du mineur. Certains militants gauchistes se mobilisent pour tenter de faire de nouveau du monde minier le terrain exemplaire de la lutte des classes : c'est le cas notamment lors de la célèbre « affaire de Bruay-en-Artois » (1972). Il s'agit là de tentatives sans lendemain. La mine perd peu à peu de sa légende. Lorsque l'on demande à l'un des derniers survivants de la catastrophe de Courrières si c'est un beau métier d'être mineur, il répond laconiquement : « C'est tellement beau que plus personne ne veut y aller ».

 L'affaire du notaire de Bruay-en-Artois

L'affaire du notaire de Bruay-en-Artois

Reportage après le meurtre de Brigitte Dewèvre à Bruay-en-Artois, sur les lieux mêmes du drame. Un regard panoramique embrasse les maisons ouvrières et des terrains vagues qui séparent les maisons des mineurs de celles des gens aisés. Celui que l'on accuse est un notaire, un "notable" qui possède villa au Touquet, yacht, chasse privée. C'est une personnalité puissante et respectée. A Bruay, son inculpation a ranimé les antagonismes sociaux.

16 avr 1972
02m 10s
 Avis des mineurs sur le RC Lens

Avis des mineurs sur le RC Lens

Les mineurs qui remontent du fond, donnent leur avis sur le RC Lens qui enregistre à nouveau des succès en première division.

04 déc 1973
01m 28s
 Un survivant de la catastrophe de Courrières

Un survivant de la catastrophe de Courrières

C'est à la fosse 3 de la Compagnie des mines de Courrières à Méricourt que le 10 mars 1906 a lieu la plus grande catastrophe minière en Europe. Anastase Dehaye, le doyen des mineurs (95 ans), explique sur des illustrations de photographies d'époque, les raisons de l'explosion. Suite à la catastrophe, les mineurs ont fait grève pendant 51 jours. Témoignage de Aristide Jaquard qui avait alors 17 ans et qui est le dernier survivant de la catastrophe.

10 mar 1906
03m

Le mythe minier : traces contemporaines

On aurait pu penser qu'avec la remontée des derniers mineurs (1990 dans le Nord, 2004 en Lorraine), l'ensemble des représentations qui avaient érigé le groupe en symbole allaient perdre toute espèce de résonnance. Ce n'est pas entièrement le cas.

 Pierre Bachelet l'interprète des <i>Corons</i> rencontre d'anciens mineurs

Pierre Bachelet l'interprète des Corons rencontre d'anciens mineurs

Pierre Bachelet interprète de la chanson Les Corons évoquant la vie dans les mines dans la région Nord-Pas-de-Calais, a rendu visite à d'anciens mineurs de Fouquières-les-Lens. Il leur explique pourquoi il a écrit cette chanson, tandis que les anciens mineurs lui parlent de leur vie dans ces corons, des coups de grisou, etc. Cette rencontre est entrecoupée de scènes tournées dans les corons et des paysages miniers où Pierre Bachelet chante des extraits de sa chanson.

26 juin 1982
02m 57s
 La dernière remontée des mineurs à la fosse 9/9 bis d'Oignies

La dernière remontée des mineurs à la fosse 9/9 bis d'Oignies

En direct de la fosse 9/9 bis d'Oignies, on assiste à la remontée de la dernière gaillette qui marque l'arrêt définitif de l'exploitation charbonnière dans le Nord-Pas-de-Calais. Olivier Montels interroge les mineurs sur leurs sentiments et sur l'avenir.

20 déc 1990
03m 37s

Qu'il s'agisse de l'imagerie positive (la fierté, la solidarité) ou tragique (la catastrophe, la silicose, la défaite, la fatalité), les deux se retrouvent dans un certain nombre d'œuvres ou d'actes symboliques, qui font de la condition minière un « lieu de mémoire » pour une société ouvrière et industrielle en voie de disparition. Le mythe minier a même été en quelque sorte patrimonialisé, lorsque le bassin minier du Nord a été classé, à l'été 2012, par l'UNESCO. Ce classement s'est fondé en effet non seulement sur les traces matérielles laissées par l'exploitation, mais aussi sur les traces culturelles : ce sont les valeurs et les images associées au monde minier qui ont également été reconnues comme un patrimoine.

 Visite de François Mitterrand pour la commémoration de la catastrophe de Liévin

Visite de François Mitterrand pour la commémoration de la catastrophe de Liévin

Le Président François Mitterrand s'est rendu à Liévin pour le vingtième anniversaire de la catastrophe minière de la fosse 3 alors que se tient le congrès du Parti socialiste dans la ville. Il a répondu aux critiques de récupération de la mémoire des mineurs et a déposé une gerbe au mémorial. Dans son discours, il a célébré les combats des mineurs pour un minimum de justice pour les conditions de travail, les retraites et la maladie. A la mairie de Liévin, François Mitterrand s'est adressé aux socialistes réunis en congrès.

19 nov 1994
02m 24s
 Le ballet <i>Danse avec le grisou</i>, commémorant les 100 ans de la catastrophe de Courrières

Le ballet Danse avec le grisou, commémorant les 100 ans de la catastrophe de Courrières

Dans ce premier épisode du "Feuilleton de la semaine" du 13 heures d'Antenne 2, on suit en région parisienne la répétition d'un ballet, Conditions humaines, commémorant la catastrophe dans les mines de la compagnie de Courrières le 10 mars 1906. Sous la direction de la chorégraphe française Marie-Claude Pietragalla, ce spectacle a été créé à la demande de la région Nord-Pas-de-Calais.

17 avr 2006
04m 42s

Reste que ces valeurs et ces images s'inscrivent dans un contexte radicalement différent de ce qu'il était quand les mineurs constituaient une réalité vivante. Ce qui reste du mythe minier ne peut plus guère servir à mobiliser un groupe qui s'est éteint, et peut encore moins servir de modèle militant ou de vecteur d'identification pour la société environnante. Faut-il le continuer, et pour quoi faire ? Sera-t-il abandonné ? Comment s'appuyer ou bien sur le passé minier, tout en sortant de la double mythologie misérabiliste et héroïsante, qui si longtemps l'a enserré ? Toutes ces questions aujourd'hui restent posées.

Bibliographie

  • Héros ou martyrs. Identités, conditions et statuts des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, Lewarde, éditions du Centre historique minier, coll. « Mémoires de Gaillette », n° 10, 2010.

  • Claude Grignon, Jean-Claude Passeron, Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Hautes Etudes-Gallimard-Le Seuil, 1989.

  • Marc Lazar, « Le mineur de fond : un exemple de l'identité du PCF », Revue française de sciences politiques, 2, 1985, p. 190-205. Article visible sur le site Persée .

  • Bruno Mattéi, Rebelle, rebelle !: révoltes et mythes du mineur, 1830-1946, Seyssel, Champ Vallon, 1987.