Spectacle du Théâtre d'animation picard "Les Picardisailles ou l'humour picard"

05 novembre 1977
05m 27s
Réf. 00002

Notice

Résumé :

Le Théâtre d'animation picard est une association, créée en juillet 1977, dont le but est de promouvoir la culture et la langue Picarde. Il est animé par Françoise Rose et Jacques Auvet piliers de la troupe de marionnettes Ches Cabotans d'Amien. Ils donnent un premier spectacle "Les picardisailles ou l'humour picard" ; Jacques Auvet explique que "picardisailles" est un néologisme qui traduit le côté picard et l'atmosphère de la Picardie. Pour le répertoire des spectacles à venir, Françoise Rose lance un appel aux auteurs picardisants.

Date de diffusion :
05 novembre 1977
Source :
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Éclairage

Ce reportage est consacré au premier spectacle de l'association Le Théâtre d'animation picard créée en juillet 1977 à l'initiative de Françoise Rose et Jacques Auvet. Ces deux figures majeures de la culture régionale ont été par ailleurs dès 1969, à la tête de la compagnie de théâtre de marionnettes Ches Cabotans d'Amiens, succédant dans cette tâche à son fondateur Maurice Domont.

La création du Théâtre d'animation picarde tient à la découverte progressive par ses fondateurs d'une vaste littérature populaire et poétique en langue picarde. Ils inscrivent alors leur démarche sous le patronage d'Edouard David (1863-1932), poète et écrivain, auteur entre autre de bouffonneries picardes avec Lafleur et qui déclarait vouloir sauver toute la littérature picarde de l'oubli. Au fil de leur recherche en bibliothèques ou en centres d'archives, Françoise Rose et Jacques Auvet exhument de nombreuses œuvres oubliées. De leur collecte, ils décident de monter un spectacle qu'ils appellent donc "Picardisailles". Un néologisme qui accole à l'appartenance linguistique des textes, la teinte emblématique et caricaturale des ciels picards, la grisaille. Une couleur qui s'impose notamment dans le reportage à travers les plans de la cathédrale d'Amiens, camaïeu bistre, avant son grand nettoyage qui débutera en 1992 et durera 7 ans.

"Picardisailles" prend la forme d'un cabaret picard et propose une succession de pièces de formes diverses : sketch, poème, chanson, fables, contes... jouées par Françoise Rose, Jacques Auvet et Guislain Rose. Spectacle intégralement en langue picarde, "Picardisailles" rencontre un grand succès et parvient même a accéder à la reconnaissance institutionnelle en étant programmé au petit théâtre de la Maison de la Culture d'Amiens (MCA). On se bouscule alors pour voir la pièce et Dominique Quehéc, qui dirige alors la MCA, se félicite de la redécouverte joyeuse par les picards de leur langue et de leur racine.

A la suite, l'association y organise également des veillées picardes. Le public se retrouve même parfois pour assister à des lectures à la lueur de chandelles autour d'un buffet régionale. C'est ainsi tout le patrimoine picard qui rassemble alors les amoureux de cette langue et de ses accents d'oïl à la Maison de la Culture.

Le spectacle s'exportera également dans toute l'aire linguistique picarde de la Somme à la Belgique en passant par l'Aisne, et le Nord-Pas-de-Calais.

A la différence des spectacles de Ches Cabotans, le répertoire est ici plus poétique et romantique et le public davantage adulte. Le répertoire étant vaste et le succès réel, il existera deux suites : sombrement intitulées Picardisailles 2 et 3. Si le second est comme son prédécesseur un patchwork de textes d'horizon divers, le dernier est composé exclusivement de texte du poète Louis Seurvat (1858-1932) installé à Ailly-sur-Noye. Picardisant tardif, Seurvat est l'auteur notamment de chansons devenus très populaires comme L'Catédrale d'Amièns et ln 'rvnant d' ché Barnum, et du conte en vers L'Soupe a cailleux.

Il n'y aura toutefois pas de suite au troisième volet des Picardisailles. Malgré le succès, le trio n'a plus le temps de s'y consacrer. Le développement important des Cabotans accapare bientôt toute leur énergie.

Les Picardisailles auront toutefois des prolongements indirects. Tout d'abord, Jacques Auvet se verra confier une mission de sensibilisation des écoliers à la langue picarde et aux marionnettes par l'inspecteur d'académie, André Grossetete, étape importante dans la reconnaissance de la langue et sa transmission.

Ensuite, il est indéniable que la démarche aura permis de réactivé un intérêt pour la littérature en picard et sa valorisation. D'autres associations prendront ainsi le relais comme Achteure, créée en 2000 par Philippe Boulfroy qui assure un recensement et une sauvegarde des chansons picardes déjà existantes, tout en proposant également de nouvelles productions. C'est le même type de démarche que poursuit depuis 1980 l'association abbevilloise Ch'Lanchron, de Jean-Luc Vigneux et Jacques Dulphy, qui offre un espace unique de production et d'édition de textes anciens et modernes en picard.

De nombreuses autres initiatives existent aujourd'hui pour la sauvegarde et le développement du picard et de sa culture. Elles doivent sans aucun doute, toutes, un petit quelque chose aux pionniers comme Françoise Rose et Jacques Auvet, qui sur cette voie les ont précédés.

Pierre Durteste

Transcription

Françoise Rose
T'as tout visité, l'ville d'Anmiens? Qu'o soéyeuche juif ou ben chrétien, mahométan, boin catholique, ou z'hérétique, o courez tertous vir d'abeurd, et j'prétinds qu'o n'avez mie teurt, el construction monumintale d'el cathédrale !
Jacques Auvet
La picardisaille, c’est un néologisme. C’est un terme que vous ne trouverez ni dans un dictionnaire français ni dans un dictionnaire picard. Nous avons simplement voulu, je dirais, par l’aspect esthétique du mot et par sa phonétique, d’une part, traduire qu’il s’agissait bien d’un spectacle picard attaché à la culture picarde, et d’autre part, par sa finale, « saille », on a voulu démontrer un petit peu ce qui était le climat général, l’atmosphère de la Picardie. La grisaille entre parenthèses par exemple.
Hubert Tilloy
Est-ce que ça veut dire que c’est spectacle triste ?
Jacques Auvet
Non, ce n’est pas un spectacle triste. Bien au contraire puisque, c’est bien connu, sous les latitudes du nord, les gens, au contraire, sont d’une exubérance, d’un tempérament très gai, et d’un humour quelquefois féroce, d’ailleurs. Et c’est ce que nous avons voulu démontrer dans ce spectacle.
Françoise Rose
Monsieu ch’cérusien ! Ej viens sé conme inne maguette ! Y o six moés, min boin Monsieu, j’étoais gros, nom d’un tonis, j’avoais inne poaire ed bajeues, dodues conme des fesses d’éjniche ! J’mingeoais, j’buvoais, ha, falloait vir cho, j’n’in fsoais des monts tout conme un vrai gvau, mais aujord’hui, j’én sus point riche : d’el pieu, des gros os, pi apreu pu rian ! J’ai consulté ch’marichau, i m’o dit qu’cho tnoait à l’âge ! No tchuré i dit conme cho eq ch’est seur : j’én sus point sage ! No vatcher i pinse, ch’qui m’san-ne pu feurt, eq ch’est un ver rongeur qui m’raboure min tchoeur ! Vir cho à vingt ans, a foait perde courage ! J’n’ai seur pu qu’à vous, Monsieu ch’cérusien. Mi j’dis que j’sus-t-inchorchlée : vlo pourquoè qu’ej sus malade… A vous, ej peux m’déclérer : ch’est Mamzelle Catin qui m’o jtè un seurt : oui, un vilain seurt, qui vo m’donner l’meurt ! Oh, si o povez m’seuver, disez llé feurt rade, sans cho, j’vais m’noéyer din l’mare à fian !...Mamzelle Catin, voéyez-vous, d’ech catieu, ch’est l’tchuisinière. J’vous dis cho inter-nous, ch’est seur eq ch’est inne sorcière. Bé, n’in vlo l’preuve, Monsieu : chaque foés qu’j’el voés, ej tran-ne, ej frémis, j’viens bête conme inne oèe, j’rougis, j’pâlis, pèr dvant, pèr drière. Cho ch’est aussi vrai que j’n’en nmande erien… Ej sus pu bête qu’inne andouille ! Ej braie conme un échervlé, sans savoér quoè qu’ej cafouille ! Quand qu’mes gvaux vont droét, ej croés qu’i vont d’travers, ej sème à contresins, ej raboure à l’invers ! J’ai bien l’invie de m’couper l’guergouille : ch’n’est que l’crainte dé Diu qui m’ertient !
Jacques Auvet
Tiens ? Tiens ? Mais c’est très cocasse ! Je m’aperçois, mon cher enfant, que l’amour vous tient dans sa nasse. J’ai, pour vous guérir, un remède certain. Il faut épouser mademoiselle Catin !
Françoise Rose
Picardisaille est le premier spectacle d’animation picard. Nous l’avons donné deux fois à la maison de la culture et le samedi 5 novembre, nous le donnons au théâtre Gérard Philippe du centre socioculturel Guynemer. Nous le donnons également à Molliens au Bois au mois de novembre. Et nous pensons le promener dans toute la Picardie et même jusque dans la Picardie belge puisque la Belgique est en partie picarde. La vocation, justement, du Théâtre d’animation picard, c’est de participer à la renaissance et à la promotion de la langue picarde et de la culture régionale. Alors bien entendu, en exhumant des bibliothèques des particuliers de certaines vieilles personnes qui possèdent des textes de bons auteurs anciens mais aussi, bien entendu, en faisant connaître des auteurs contemporains et même des auteurs inédits. Alors c’est pour cela, je me permets de donner l’adresse du siège du Théâtre d’animation picard : au 51 rue de Prague. Toutes les œuvres sont accueillies. Et bien entendu, s’il y a des choses qui collent dans certains de nos thèmes, nous nous ferons un plaisir de faire connaître les nouveaux auteurs.
Jacques Auvet
Un jour qu’ej péquoais à caimborgnes din l’rivière, sous des gros cailleux, j’voés Babet qui vient… Crac, j’el lorgne in m’muchant, l’drière de l’oésieu… Arrivèe au bord de l’rivière, a s’assit, al artire ses bos : Ah, j’vous dmainde si in voéyant cho, j’ouvroais des zius conme des catières ! J’éroais volu qu’oz y soiyeuche ! Oh, qué mollets ! Nom d’un tonnerre, on éroait dit des tchots Jasus ! Je zzés treuvés si tellemint rétus, eq j’éroais lo passié m’vie intière ! … Et pi al o boaissié s’boéyette : j’ai pu rian vu !Edpi ch’timps-lo, y o tchèque cose qui m’trotte in d’din m’tête : cho m’torminte, cho m’casse mes bros ! J’vodroais devnir propriétaire ed ses mollets, d’ses gambes, et pi d’tout ! Dpi six moés, pour n’in vnir à bout, à ch’boin diu, j’adrèche em prière !