Historique des sources
La source audiovisuelle est d’une grande richesse pour la compréhension et la perception de l’Histoire des XXe et XXIe siècles. La presse filmée puis la télévision se sont fait tour à tour l’écho de l’évolution de notre société sur les plans politique, économique, social et culturel, accompagnant en images et en sons les événements majeurs de l’histoire du pays. La mise en valeur des archives audiovisuelles constitue donc aujourd’hui, avec le recul, un formidable outil pédagogique au service de l’Histoire.
Le travail sur les sources audiovisuelles a été tardif, tant à cause d’une certaine frilosité des chercheurs à explorer un média nouveau que par la difficulté qu’il y a eu, pendant longtemps, à y accéder. La création du dépôt légal de l’audiovisuel en 1992, dont l’Ina a la charge, favorise la consultation par les chercheurs des archives de la télévision et de la radio. L’archive audiovisuelle représente désormais un outil de recherche à part entière et donne lieu à des études portant autant sur le média lui-même que sur les contenus que celui-ci produit, révélateurs du monde en marche.
Les documents proposés dans cette fresque consacrée à la métropole nantaise, extraits de journaux ou magazines d’information, sont issus des archives audiovisuelles de l’Ina, presse filmée et télévision publique, nationale et régionale.
Pour la période 1944-1969, ce sont les documents des Actualités françaises qui dominent. Ce fonds a été acquis par l’ORTF à la disparition de cette société en 1969 et il est rentré naturellement dans le fonds de l’Ina à la création de l’institut en 1974. Il correspond aux archives des actualités cinématographiques diffusées dans les cinémas à une période où la télévision, encore balbutiante, était loin de couvrir l’ensemble du territoire national. Les informations régionales constituent une infime partie du fonds, traitées le plus souvent sous la forme de très courts sujets.
Si la télévision (RTF) a commencé à émettre à la fin des années 40, c’est surtout dans les années 60 qu’elle a véritablement pris son essor, remplaçant petit à petit la presse filmée. Elle devient alors une source d’information importante, un enjeu de communication majeur pour le pouvoir gaulliste. C’est vrai au niveau national mais aussi à l’échelon régional : les deux antennes de la région Pays de la Loire, celles de Nantes (Télé Loire Océan actualité) et du Mans, ouvertes en 1964, sont inaugurées en personne par le ministre de l’Information Alain Peyrefitte. C’est le signe d’une prise en main d’un outil de communication destiné à contrebalancer le poids jugé trop important et incontrôlé de la presse quotidienne régionale. Par les informations qu’elle diffuse, la télévision sert à promouvoir l’action de l’État, relayée par les préfets en région.
Progressivement, dans les années 70, sous les coups de boutoirs conjugués de Mai 68, du départ de de Gaulle et de l’éclatement de l’ORTF, un changement de ton est observé dans le traitement de l’information. La télévision s’interroge alors plus ouvertement sur les questions de société, les conflits sociaux, tout en continuant à s’intéresser, surtout grâce aux stations de FR3, aux mutations économiques régionales. C’est particulièrement vrai pour l’Ouest de la France. L’image et la parole des décideurs économiques prennent alors le pas sur celles du préfet.
Le mouvement est amplifié dans les années 80 avec le mouvement de libéralisation du paysage audiovisuel français, engagé par la gauche en 1982 (fin du monopole d’État) et accentué par la droite de retour aux affaires en 1986. TF1 est privatisé et de nouvelles chaînes de télévision émergent, désormais concurrentes du service public. L’information télévisée s’en ressent. Dès cette période, et plus encore au cours des années 90, les chaînes privilégient l’information courte en même temps qu’elles se penchent sur les préoccupations des téléspectateurs dont elles veulent être proches. France 3 en fait sa marque de fabrique : un maillage de plus en plus serré de stations lui permet la pratique du décrochage, ce qui facilite la diffusion de l’information locale. C’est dans cette optique qu’est créée en octobre 1990 la station locale TV Estuaire qui diffuse chaque jour un journal de 7 mn avant le JT régional.
C’est dans ces archives, cinématographiques d’abord, télévisées ensuite, que nous avons puisé pour donner à revoir, sous forme de fresque, les moments clés de l’histoire de la métropole nantaise depuis 1940. Certes, certains de ces moments manquent, parce que non enregistrés par les caméras ; d’autres sont traités brièvement, révélateur du peu d’importance que leur accordaient la télévision alors. Il faut aussi garder à l’esprit, en regardant ces documents, qu’ils ne donnent à voir qu’une représentation de la réalité, celle qu’ont choisi de mettre en forme les cadreurs et journalistes qui les ont produits.
Néanmoins, le tableau est au final très proche d’être complet. Et sa lecture est facilitée par les parcours rédigés par des spécialistes qui permettent de dépasser cette forme journalistique. Ils replacent l’événement dans son contexte, dans l’Histoire. C’est la valeur ajoutée intellectuelle de la fresque Nantes, métamorphose d’une ville.
Jean-Paul Dibouès
Responsable documentaire, Ina Loire Bretagne