La vie politique, l'intimité d'une agglomération : le cas nantais

La vie politique, l'intimité d'une agglomération : le cas nantais

Par Jacques Floch, Ancien secrétaire d'État et député de Loire-Atlantique, maire honoraire de RezéPublication : 2016

La guerre de 1939-1945 est vécue dans l’agglomération nantaise comme dans la plupart des grandes villes de France. De 1939 à 1940 la drôle de guerre plonge la population dans l’incertitude. Elle se terminera par une guerre éclair et c’est ainsi que l’agglomération est livrée sans combat aux troupes allemandes le 18 juin 1940.

Le maire socialiste de Nantes Auguste Pageot, élu en 1935, démissionne. Son secrétaire général Gaëtan Rondeau est nommé maire, en mars 1941, par le gouvernement de Vichy. Il est limogé par Pétain, en octobre 1942, compte tenu de son attitude face à l’occupant. La terreur subie par les populations, c’est d’abord le massacre des 48 otages suite à l’exécution de Karl Hotz, officier allemand, par un commando communiste le 20 octobre 1941. 

Le 11 novembre 1941, la ville de Nantes reçoit la croix de la Libération. Elle sera remise officiellement par le Général de Gaulle le 14 janvier 1945. Nantes sera la première des 5 villes françaises (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-En-Vercors, Ile De Sein) honorées par cette décoration.

Le gouvernement de Vichy nomme Henry Orrion, négociant en droguerie jusqu’alors adjoint du maire Rondeau, Président de la délégation spéciale (1942-1944) afin de gérer la ville de Nantes.

     

# Une ville meurtrie

Les bombardements alliés de 1943 toucheront durement la ville, tuant 1 463 personnes, en blessant 2 500. 

Le bilan de la guerre sera très lourd : 2 000 immeubles détruits et 3 000 gravement endommagés (25 % des immeubles de Nantes) et 3 000 autres plus légèrement touchés. Au total 23 000 logements et 66 000 habitants seront sinistrés. À cela s’ajoutent les réquisitions de la main d’œuvre pour construire le mur de l’Atlantique ou pour satisfaire aux exigences du service du travail obligatoire. Enfin, ce sera l’exode de 70 000 Nantais vers le milieu rural, principalement des femmes et des enfants.

Nantes et l’agglomération nantaise essaient de se protéger mais aussi résistent. La résistance est d’abord spontanée, sans organisation précise, c’est le fait d’initiatives individuelles - celles de Léon Jost, grand invalide de la guerre de 1914, animateur d’associations d’anciens combattants, d’Alexandre Fourny, conseiller général (SFIO) et de Jean-Baptiste Daviais, fondateur de la Fédération des Amicales Laïques - qui organisent l’évasion de prisonniers détenus dans divers camps de la région, entre autres ceux du castelbriantais.

La Libération, le 12 août 1944, verra  se rencontrer et parfois s’opposer les forces de la Résistance. Les attentistes, pétainistes, que l’entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler et la cruauté des représailles nazis ont fait basculer, parfois en s’engageant contre l’occupant, certains ne voulant pas laisser un rôle majeur au Parti communiste. Les socialistes qui attendaient beaucoup de Jean-Baptiste Daviais, celui qui aurait pu devenir maire de Nantes à la Libération, mais qui fut arrêté en avril 1944. Déporté, il meurt à Dachau en janvier 1945. À droite, c’est le général Audibert qui joue un rôle majeur, en tant que responsable de l’Armée Secrète puis des FFI de Bretagne. Lui aussi est arrêté puis déporté à Buchenwald. Libéré, il sera élu député en octobre 1945.

Le 28 août 1944, la municipalité Orrion est révoquée. Clovis Constant (Vice-président du Comité départemental de Libération) est nommé maire de Nantes par arrêté du Commissaire de la République de la région d’Angers, Michel Debré. Il est installé dans ses fonctions par le Préfet Alexandre Vincent.

# Le retour aux urnes

Le printemps 1945 sera l’occasion pour la population de retrouver le chemin des urnes à l’occasion des élections municipales des 29 avril et 13 mai 1945. Ces élections municipales donnent l'occasion aux Françaises de voter pour la première fois de leur histoire. Alors que la gauche a le vent en poupe partout en France, Nantes et les villes de l’agglomération nantaise constatent une tentative de retour d’une droite républicaine, surtout sous la forme d’un mouvement né dans la Résistance, issu de la tradition démocrate chrétienne, intitulé Mouvement Républicain Populaire (M.R.P). Le programme économique et social du M.R.P en faisait un parti de gauche, ses prises de position sur l’école privée et son accaparement par un électorat conservateur en firent aux yeux de beaucoup un parti de droite. A Nantes circula un tract qualifiant le M.R.P de « Machine à Ramasser les Pétainistes » !

Lors des élections municipales du 29 avril 1945, Jean Phillipot (membre de la Délégation municipale provisoire dirigée par Clovis Constant) est à la tête de la liste d'obédience communiste d'Union républicaine et antifasciste qui arrive en tête. Elle fusionne pour le second tour (13 mai) avec les listes socialiste (Jean Lepage) et radicale (André Morice). Cette liste de coalition emporte largement les élections municipales. Jean Philippot devient le 129e maire de Nantes.

Les élections législatives d’octobre 1945 en Loire-Inférieure assurent un retour de la droite urbaine associée aux conservateurs. Cette nouvelle droite sut mettre en avant d’authentiques résistants comme le général Audibert (Parti républicain de la liberté - PRL), Olivier de Sesmaisons (PRL) ou Jacques Chombart de Lauwe (PRL). La région nantaise voit aussi émerger un nouvel élu issu du radicalisme et de la Franc-maçonnerie, André Morice, jeune turc du parti radical avant la guerre. Une controverse l’oppose au maire Jean Philippot alors qu’ils sont sur la même liste au conseil municipal nantais. Le maire dénonce la participation de l’entreprise de travaux publics dirigée par André Morice à la construction du mur de l’Atlantique, avec une main d’œuvre réquisitionnée par les nazis. André Morice se défendra en répondant qu’à cette époque il était prisonnier en Allemagne. Son associé Padiou se suicidera en 1945 et les archives se sont dispersées. Son entreprise ne fut pas démantelée, André Morice en resta un des dirigeants jusqu’en 1968.

La situation économique est catastrophique, Nantes compte 25 000 chômeurs début 1946. La reconstruction de 25 000 immeubles dans l’agglomération nantaise se heurte à la pénurie de matériaux et à l’absence de transports performants. Les politiques conduites par la municipalité Philippot ressemblent à un sauve-qui-peut permanent pour ce qui est du ravitaillement de la population, la remise en état des hôpitaux, les transports publics, la lutte contre le marché noir y compris dans l’approvisionnement des usines et des entreprises.

La municipalité Philippot a un très grave problème à régler : la reconstruction de Nantes et ses relations avec sa périphérie. Pour ce deuxième point une erreur de stratégie renvoie aux calendes grecques toutes velléités de rencontre avec les communes de l’agglomération. En effet c’est par voie de presse que celles-ci apprennent le désir d’absorption par la ville de Nantes !

Henry Orrion sera réélu en 1953 et 1959 sous l'étiquette UNR et restera maire jusqu’en 1965. 

Les deux années de guerre au cours desquelles il dirigea la délégation spéciale nommée par Pétain, marqueront son bilan politique. Cet épisode collaborationniste occultera une partie de son action municipale, de la reconstruction aux Trente glorieuses, entre la disparition du pont transbordeur, symbole de la Nantes industrielle, et la renaissance de l'université, prémices de la métropole.

Il sera battu par son éternel adversaire, André Morice, député de 1945 à 1958, plusieurs fois secrétaire d’État et ministre, et sénateur de 1965 jusqu’en 1983.

Les deux municipalités Morice sont basées sur une rencontre de partis politiques (SFIO et CNI) anti-gaulliste et anti-communiste avec des contrats internes et confidentiels, entre autres sur l’école privée catholique. On note aussi une approche plus fonctionnelle abordant ce que pourrait être le Nantes du XXIe siècle : l’aménagement de la partie est de l’île de Nantes avec la création de Beaulieu et de la deuxième ligne de ponts. André Morice évite la création par l’État d’une communauté urbaine en 1968. Il invite une trentaine de maires à participer à l’Association Communautaire de la Région Nantaise (ACRN). Cette sorte d’amicale aura réussi à poser les bases de réflexions sur un devenir commun. 

Mais des tentatives pour aller plus loin dans l’organisation et le rapprochement des communes de l’agglomération nantaise, mal préparées, subiront des échecs. Il faudra attendre les changements de municipalités tant à Nantes que dans plusieurs communes de la périphérie pour qu’une approche sérieuse et continue conduise à la Métropole Nantaise.

# La mutation économique et politique

Cette période de 1948 à 1980 verra se développer, c’est le moins que l’on puisse dire, une vie économique mouvementée conduisant souvent à une vie sociale très perturbée. 

L’industrie lourde et les chantiers navals donnent le change en 1950 : Dubigeon avec 12 000 salariés, les ACB avec 3 500, les ACL avec 2 600. En 1954 l’agglomération recense 58 320 emplois industriels et 61 400 emplois tertiaires. LU emploie 1 000 salariés. 

En 1955, un conflit social sur fond d’inflation galopante oppose les ouvriers au patronat. Des salaires qui stagnent et un coût de la vie qui augmente, contrairement à la région parisienne, entraînent un fort mouvement de protestation.

Le mouvement national qui porte en plus sur le « travailler plus et gagner moins » dans un contexte de modernisation de l'économie, se termine sur un accord à la Régie Renault qui servira de base à de multiples accords d'entreprise. Le mouvement perdurera à Nantes suite au revirement du patronat nantais sur les accords passés avec les métallurgistes de Saint Nazaire et de Nantes.

Les métallos se mobilisent alors et manifestent dans le centre de Nantes. Les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre sont particulièrement violents. Le 19 août 1955, un jeune ouvrier maçon, Jean Rigollet, est tué par balle. 

L’espoir industriel survivra jusqu’au début des années 80. Il obligera les responsables économiques et politiques à imaginer de nouvelles bases de développement en utilisant au mieux les récentes dispositions de la décentralisation et de la régionalisation. Cette nouvelle donne fait apparaître de nouvelles personnalités politiques tel Olivier Guichard, ancien chargé de mission au cabinet du général de Gaulle en 1947, puis chef de cabinet jusqu’en 1958. 

En 1963 il est nommé Délégué à l’aménagement du territoire et de l’action régionale (DATAR), poste qu’il occupera jusqu’en 1967. Elu député de Guérande de 1967 à 1986, plusieurs fois ministre, il donna une réelle orientation à la régionalisation. Il refusa toujours de s’investir en tant qu’élu dans l’agglomération nantaise, préférant la mairie de La Baule. Olivier Guichard est apparu longtemps comme le seul homme politique de la Loire-Atlantique d’envergure nationale de l’après-guerre.

À partir des années 70, la gauche bouscule la droite à Nantes et dans l’agglomération. Alain Chénard, socialiste, devient maire de Nantes en 1977 à la tête d’une liste d’Union de la gauche, tout comme Jean-Marc Ayrault à Saint Herblain. L’agglomération nantaise bascule à gauche. Son programme de modernisation prévoit la construction du périphérique et surtout la refonte complète de l’organisation des transports publics urbains autour desquels se fera l’aménagement des territoires urbains.

À ces deux compétences s’ajoutent neuf propositions. Elles nécessiteront une modernisation de la fiscalité locale qui conduira à une uniformisation sur l’ensemble du territoire de l’agglomération. Les élus sont obligés de faire face à la transformation profonde de la vie économique, ils se réunissent d’abord dans un syndicat à vocation multiple, le SIMAN, et font front commun en multipliant les rencontres avec les responsables économiques et syndicaux. Cela ne sauvera pas la Navale Nantaise, dont le sort est scellé en 1983, avant qu'elle disparaisse en 1987.

En 1983, Alain Chénard, initiateur d'un nouveau modèle nantais, sera battu, confortant l'adage qu'un bon bilan ne suffit pas. Michel Chauty s'appuya notamment sur les travaux du tramway, dont les Nantais avaient subi les inconvénients sans encore en apprécier les avantages. Dans le même temps les communes de l'agglomération confortaient la montée de la gauche, comme par exemple Jacques Floch à Rezé et Jean-Marc Ayrault à Saint Herblain.

Après François Autain et Jacques Floch qui devinrent secrétaires d'État, Jean-Marc Ayrault est devenu Premier Ministre. L'agglomération nantaise consacre ainsi des hommes politiques du parti socialiste au niveau national.

# La grande aventure de la fin du XXe siècle : la construction d’une métropole

L’histoire dit que l’agglomération nantaise n’existait pas au XVIIe siècle, ni au XVIIIe, ce que confirme le voyageur anglais Arthur Young en 1788. Il a traversé les landes bretonnes sur de mauvais chemins pour arriver dans une ville qui l’éblouit par son port, ses constructions et son dessin urbain. Une ville de 80 000 habitants (elle en avait 40 000 un siècle plus tôt). Nantes était une ville d’immigration, son commerce maritime réclamait capitaines et marins ; ils venaient de tout l’Ouest, comme ses commerçants qui étaient souvent originaires des Pays-Bas voire de l’Angleterre, de l’Irlande ou du Portugal.

Autour de la ville, des villages, des bourgs dont le rôle est d’assurer l’approvisionnement de la grande cité. Leurs populations ne dépassent guère 1 000 à 2 000 habitants, Rezé est la plus importante avec 3 000 habitants. Nantes d’ailleurs manifeste un intérêt épisodique pour ses franges. Si elle cède en 1792 une partie de son espace agricole à La Chapelle sur Erdre, elle se battra par contre pour garder Pirmil, St Jacques et la rue Dos d’âne au moment où se dessineront les nouvelles limites communales, Saint Sébastien ayant quelques velléités sur ces territoires. Nantes en avait fait sa tête de pont vers le Pays de Retz, la Vendée et le Poitou depuis... neuf siècles. Mais dès cette date (1792) elle regarde déjà vers Chantenay et Doulon. Elle insistera en 1821, le maire Mellinet en reparlera en 1840, des édiles nantais en 1875 en y ajoutant Rezé. Le motif essentiel étant le développement du port pour Chantenay et Rezé, et pour Doulon le contrôle de la nouvelle cité "cheminote" -  le train est arrivé à Nantes le 17 août 1851.

En 1908 le Parlement est saisi d’une proposition de loi organisant la fusion de quatre communes : Nantes, Chantenay, Doulon et Rezé. Il ne retiendra que les trois premières nommées mais les municipalités et les populations de Chantenay et Doulon se prononcèrent contre. Il faut dire que les motifs, les sous-entendus, n’étaient pas de nature à convaincre : les industriels nantais installés à Chantenay voulaient être… nantais. C'était le cas de Cassegrain dont les boîtes de conserves portaient la mention d’origine Nantes-Chantenay. Quasi inacceptable ! La municipalité nantaise, républicaine et radicale souhaitait se renforcer avec l’appui des électeurs républicains et socialistes de Chantenay et Doulon voire de Rezé. Patrons et municipalité nantaise espéraient un meilleur "contrôle" des populations ouvrières des trois villes périphériques, populations qui avaient été souvent à l’origine, tout au long du XIXe siècle, des appels pour une amélioration de leur sort.

Suite à 1908, les nouveaux quartiers nantais Chantenay et Doulon sont quelque peu délaissés par les municipalités nantaises. Certes ils "bénéficient" d’une mairie annexe mais sans pouvoir sur l’organisation de leurs espaces. De ces évènements naîtra une méfiance de la périphérie à l’égard de la ville centre.

Des tentatives de fusion apparaissent en 1945, en 1972 et en 1982. C’est toujours Nantes qui propose - par voie de presse, sans concertation préalable - alors qu’autour de la ville-centre les communes grandissent au point de cumuler le même nombre d’habitants que la grande cité. Cet équilibre démographique est un des points forts de la construction de l’agglomération nantaise, il n’existe nulle part ailleurs en France.

Après l’échec de la proposition de fusion d’André Morice en 1972, une prise de conscience apparaît chez les élus. Cette prise de conscience de la réalité intercommunale se traduit par la création de syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU), de la fin des années 60 à la fin des années 80. 46 SIVU voient le jour, regroupant de 2 à 36 communes. Si l’efficacité de ces syndicats n’a pas été démontrée, compte tenu de la lourdeur structurelle et réglementaire, en revanche ils furent particulièrement utiles pour permettre aux élus et aux fonctionnaires territoriaux l’apprentissage du travail collectif. 

Peu de réalisations, certes, mais des rencontres fructueuses. On peut affirmer que tous les grands projets actuels, réalisés ou en cours d’étude, trouvent leurs origines dans ces nombreux débats. Par ailleurs des échéances importantes apparaissent à l’horizon. D’abord des échéances électorales : élections cantonales en 1973 avec de nouveaux cantons urbains, désignations des conseillers régionaux pour les établissements publics régionaux (EPR) en 1974, renouvellement des conseils généraux en 1976, élections municipales en 1977 ; la gauche détient alors la majorité dans l’agglomération nantaise. En 1978 les élections législatives  confirment les élections municipales de l’année précédente.

Mais ces échéances politiques sont accompagnées par d’autres dont la plus importante semble bien être la fin du contrat centenaire liant la ville de Nantes depuis 1879 avec la Compagnie Nantaise des Transports en Commun (filiale du Groupe Empain). Par quoi remplacer une société vieillissante, remplissant difficilement ses missions ? La gauche et quelques municipalités dirigées par la droite envisagent une gestion publique dont la forme resterait à définir. La municipalité Morice préfère confier à la Société Transexel (filiale du groupe Empain), société spécialisée dans les transports urbains, l’organisation d’un nouvel outil avec un contrôle limité par un syndicat intercommunal, le SITPAN, qui possède les biens (garages, bus, ateliers) et qui est censé définir la politique des transports. Transexel détient la majorité du capital de la Société des Transports de l’Agglomération Nantaise (STAN). Solution d’attente ou manque de prise de risques ?

En 1977, André Morice se représente, il a 77 ans. Face à lui son ancien colistier Alain Chénard qui avait décidé de se retirer en 1974, comme le Parti Socialiste le souhaitait, d’une majorité municipale allant de la droite "forte" à des anciens de la SFIO. Alain Chénard à la tête d’une liste d’union de la gauche remporte les élections nantaises. Préalablement, toutes les listes de gauche dans l’espace nantais, et c’est une première, élaborent un "Programme Commun" d’agglomération. Ce programme comporte, entre autres, comme priorités et sans préalable, l’étude pour la mise en place d’une structure intercommunale, la rénovation des transports publics, le contournement de l’agglomération, le traitement des eaux usées, les problèmes communautaires d’urbanisme et d’aménagements.

# La structuration intercommunale

Les élections passées, les maires de gauche et de droite prennent la décision de créer un outil leur permettant de disposer d’études et de documentations les autorisant à faire les choix les mieux adaptés. Ainsi 11 communes et l’État mettent en place en 1978 l’Agence d’Etudes Urbaines de l’Agglomération Nantaise (AURAN). Ils seront rejoints dès 1979 par le Conseil général de Loire-Atlantique et la Chambre de commerce et d’industrie de Nantes.

La création de l’AURAN suscite rapidement des inquiétudes tant auprès des élus que des fonctionnaires communaux, les responsables nouvellement élus font appel à des organismes extérieurs - la Caisse des dépôts et consignations (CDC) - ou à ses filiales. Juan Azcarate promu directeur de l’AURAN vient de la CDC.

En 1979, la SEMITAN sera créée en remplacement du Syndicat Intercommunal des Transports Publics de l’Agglomération Nantaise (SITPAN). Michel Bigey (cadre de la Sofretu, filiale de la RATP) jusqu’alors chargé de mission auprès du syndicat des transports devient le premier directeur de la SEMITAN. Il est à ce titre, avec Alain Chénard, le père du tramway nantais. Juan Azcarate et Michel Bigey constitueront des équipes plus que performantes en faisant venir à Nantes des personnels d’horizons divers. On peut comprendre le questionnement des agents locaux. Quant aux élus locaux ils acquiesceront les choix ainsi faits par ceux de leurs collègues désignés pour être à la manœuvre.

En 1982, le travail effectué depuis 1978 par l’agence d’urbanisme aboutit à la création d’un Syndicat Intercommunal à vocations Multiples de l’Agglomération Nantaise qui portera l’appellation symbolique de SIMAN. 

Quatre années fructueuses car elles portent en elles toute l’histoire future de l’espace nantais. Les 19 communes qui ont commencé à délibérer en 1981 proposent au Préfet un arrêté de création qui sera pris le 15 mars 1982. Le SIMAN a six compétences de base, obligatoires, qui s’élargiront au fil du temps et six compétences optionnelles qui, elles, s’intégreront petit à petit dans les obligatoires.

Cette approche globale fera le succès du SIMAN et appellera à un développement structurel. On doit à Alain Chénard cette performance. En 1983, la droite nantaise gagne les élections municipales. Michel Chauty devient maire de Nantes et Président du SIMAN. L’agglomération nantaise l’intéresse peu, les transports en commun encore moins. Il souhaite arrêter les travaux du tramway mais compte tenu de leur avancement, il ne peut pas. Très symboliquement il ne mettra jamais les pieds dans une rame et surtout rendra impossible toute velléité d’inauguration. L’ambiance au SIMAN devient rapidement ambiguë. Les adjoints de M. Chauty ne sont pas tous de son avis mais surtout les maires de droite des communes de l’agglomération, qui ont participé très activement à la création du SIMAN, restent sur leurs positions et le font savoir. Luc Dejoie, maire de Vertou, Donatien de Sesmaisons, maire de La Chapelle sur Erdre, François Baudry, maire de Sautron, Francis Sergent, maire de Carquefou et André Louisy, maire d’Orvault, tous membres du bureau du SIMAN, participent à la sauvegarde des acquis.

Les maires de gauche, Jean-Marc Ayrault, Yves Laurent (nouveau maire de Saint Sébastien sur Loire), Camille Durand (maire de Saint Jean de Boiseau) et Jacques Floch sont omniprésents dans les instances intercommunales. La machine ne grippe pas. Elle ne grippe pas d’autant qu’André Louisy, nouveau président de l’AURAN qui a vu ses crédits diminués de moitié, propose la mise en place d’un dossier intitulé : « Prospectives ! ». Ce dossier cumulera données et points de recherches sur la ville intercommunale dans un grand souci d’avenir. En 1988, à la veille des élections municipales, les élus engagent une réflexion sur l’évolution de la structure intercommunale qui aboutira en 1990 à un colloque dénommé : « La ville Intercommunale ». Un vrai pied de nez à tous ceux qui, à droite comme à gauche, voulaient se contenter d’un minimum de coopération. Un projet d’agglomération sera adopté en 1991. Une nouvelle étape est franchie.

# Du SIMAN au District

Les élections municipales de 1989 consacrent un retournement de situation. Michel Chauty, maire sortant, ne se représente pas. La liste de droite (UDF–RPR) menée par Daniel Augereau peine à convaincre. Pour Michel Chauty, plus qu’une défaite, c’est un « suicide de la droite… ». Jean-Marc Ayrault remporte les élections et est élu maire de Nantes et Président du SIMAN.  Aussitôt reprennent les débats sur l’évolution de la structure. 

Le 29 mars 1991 le comité du SIMAN approuve la création du District de l’agglomération nantaise, il regroupe 20 communes. Cette création engendre une fiscalité propre à l’intercommunalité et l’octroi par l'État d’une dotation globale de fonctionnement (DGF). De plus le district devenant l’organisateur des transports en commun perçoit le versement  transport (VT) auprès des établissements de dix salariés et plus.

Les élus de l’agglomération nantaise vont une fois de plus franchir les étapes à leur rythme, c’est-à-dire celui de l’analyse, de la réflexion, de l’échange, du pragmatisme pour aboutir à la décision, à l’action. Il faut saluer la participation constante de haut niveau des personnels communaux et ceux des organismes associés. Un exemple parmi tant d’autres : la deuxième ligne de tramway, refusée par Michel Chauty mais qui "accepte" la création d’une voie de transport en site propre. Il "suffira" pour en faire une ligne de tramway d’y poser des rails ! La décision sera d’ailleurs prise dès l’élection de Jean-Marc Ayrault en 1989, mais dorénavant le tramway ne sera plus seulement un élément de transport de masse mais aussi un outil d’urbanisation.

Cela ne se fait pas sans mal. Les responsables de l’agglomération et particulièrement ceux de Nantes sont régulièrement accusés de faire tout ou trop pour la ville centre. Si Rezé et son maire restent partisans d’une politique active d’agglomération, ils restent très vigilants sur l’équilibre nord-sud en matière d’investissements publics. À Bouguenais, François Autain, sénateur-maire, est le premier maire de gauche élu dans l’agglomération (1971). Il bénéficie de la taxe professionnelle de l’usine Sud Aviation (devenue Airbus-Industrie) et de l’aéroport Nantes-Atlantique. Cette manne financière lui permettra de transformer le bourg rural de Bouguenais en une ville bien équipée, équilibrée, sauvegardant l’espace rural et agricole. La droite nantaise et la droite de l’agglomération ont eu quelques difficultés à faire leur place même si elles reconquirent plusieurs municipalités telles qu’Orvault au nord et Saint Sébastien sur Loire au sud, sans que ces reconquêtes ne modifient le rapport des forces au sein de l’espace nantais. Luc Dejoie sénateur et maire de Vertou en restera le leader jusqu'à son élection comme président du Conseil Général de Loire Atlantique en 1994.

# Nantes métropole

La méthode Ayrault va jouer à plein à partir de 1996 avec la création de la conférence consultative d’agglomération, devenue conseil de développement en 2001. Il en confie l’organisation et la présidence à Jean-Joseph Régent, ancien président de la chambre de commerce et d’industrie de Nantes, ancien président du port autonome. Jean-Joseph Régent fit du conseil de développement un outil de réflexions et de propositions qui regroupait nombre de sages. Il sera écouté, souvent entendu et surtout respecté.

En 1998, en vue d’une transformation fiscale d’importance, la mise en place d’une taxe professionnelle unique sur l’ensemble du territoire de l’agglomération, le district décide de la création de l’agence de développement économique de l’agglomération nantaise (ADEAN). L’agence changera de nom en 2001 pour devenir Nantes Métropole Développement.

Tout est prêt, enfin, pour une mutation équivalente à ce qui existe dans les grandes cités françaises.

Dans les années 2000, la loi Voynet, la loi Chevènement et la loi SRU posent les bases d'une nouvelle étape.

Les syndicats d'assainissement qui s'étaient unifiés adoptent le projet Neptune qui se donnera le double objectif de la reconquête des milieux naturels et un niveau de rejets en Loire qui rendent nul l'impact de l'activité de l'agglomération.

La péréquation de la taxe professionnelle que recevaient les communes diminuera les enjeux financiers entre communes.

La création par la loi SRU du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU) communaux, en cohérence avec ceux-ci, obligera à une stratégie urbaine commune de l'agglomération.

Enfin un amendement législatif créera la possibilité pour les agglomérations de plus de 500 000 habitants de se constituer en communauté urbaine avec des compétences renforcées par rapport aux communautés d'agglomération. Jean-Marc Ayrault concrétisera le long chemin de l'intercommunalité, non sans réticences, en obtenant une majorité pour la création de la communauté urbaine de Nantes (CUN) en 2001.

Le développement de nombreux bourgs ruraux allait de pair avec l’extension de l’aire urbaine telle que dessinée par l’INSEE et qui atteint aujourd’hui le nombre de 114 communes. 114 communes qui envoient chaque jour au moins 40 % de leur population active travailler dans les villes de la Communauté urbaine de Nantes (CUN). La population, souvent jeune et active, provenant des communes hors de la CUN, regarde de très près les services mis à sa disposition par la communauté urbaine et la rend de plus en plus favorable à des coopérations avec leurs communes d’origine.

C’est dans ce contexte que la gauche remporte les élections cantonales de 2004.

Patrick Mareschal devient alors le premier président de gauche du Conseil Général de Loire-Atlantique.

En 2004 la CUN devient Nantes Métropole, appellation annonçant sa nouvelle qualification de Métropole, ce qui sera fait le 1er janvier 2015, sans opposition apparente !

# Bibliographie

  • Dominique Amouroux, Alain Croix, Thierry Guidet, Didier Guyvarc’h (directeurs), Dictionnaire de Nantes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
  • Patrick Thomas, Nantes Les Bombardements 1940-1944, Montreuil-Bellay, Éd. CMD, 1996.