Historique des sources

Les archives audiovisuelles conservées et valorisées par l’INA représentent une source exceptionnelle pour la compréhension du monde contemporain et de ses évolutions. Les fonds en langue régionale sont emblématiques de la place de ces fonds au sein d'une télévision publique nationale, dont l'histoire est révélée dans l'ouvrage L'Histoire de la télévision régionale, de la RTF à la 3*, de Benoît Lafon.

Cette coproduction entre l’INA et le CIRDOC - Institut occitan de cultura - a d’abord été guidée par la complémentarité des collections et ressources documentant l’époque contemporaine. Du côté de l’INA : les archives de l’audiovisuel public, dans ses dimensions nationales et régionales. Du côté du CIRDOC, les archives directes des acteurs du mouvement occitan : écrivains, personnalités, organisations militantes, etc.

L’INA

L’Institut national de l’audiovisuel est détenteur des droits sur les archives de l’audiovisuel public. À ce titre, il conserve la production des chaînes de télévision publique depuis leurs origines. Les documents sélectionnés pour le projet « 50 ans de borbolh occitan » proviennent ainsi majoritairement des collections de la télévision régionale, produites et diffusées en régions, mais aussi de quelques émissions produites et diffusées par le réseau national. Ils retracent en filigrane 50 ans de langue et culture régionales à la télévision publique.

La télévision française débute à la fin des années 1940, à Paris et ses alentours. La RTF (Radio Télédiffusion française) est un service public, monopole d’Etat, émanation du pouvoir politique. Elle est produite majoritairement en Ile de France même si des expérimentations de télévisions régionales sont menées dans les années 1950. De 1949 aux années 1960, le réseau d’émetteurs se développe lentement. Un émetteur est ainsi construit en 1954 à Marseille, au Pic du Midi en 1960...

À partir des années 1960, le pouvoir gaulliste lance un vaste plan de régionalisation de la télévision publique. Les émetteurs se multiplient, et la RTF, qui devient en 1964 l’ORTF, crée un maillage de centres de production, calqué sur la réorganisation administrative du territoire autour de préfets de région. Ces centres de production rendent compte de l’actualité régionale et promeuvent l’action de l’Etat au travers d’actualités télévisées, de magazines culturels et d’émissions sportives.

Cette télévision régionale vise à unifier le territoire national, y compris linguistiquement. Dès lors, la langue d’oc est extrêmement minoritaire à l’antenne, s’entendant occasionnellement lors de reportages consacrés à la culture occitane.

L’aire culturelle occitane est ainsi couverte notamment par le centre de Marseille pour le Sud-Est, de Bordeaux pour la Région Aquitaine (1962), Toulouse pour Midi-Pyrénées (1963), Montpellier pour le Languedoc Roussillon (1965), et Limoges pour le Limousin (1965).

Après 1968, un changement de ton s’observe dans le traitement de l’information à la télévision, qui s’amplifie avec la montée en puissance de la 2e chaîne, la création en 1972 de la 3e chaîne (devenue par la suite FR3), puis en 1974 avec l’éclatement de l’ORTF. Le contrôle étatique se desserre, et la télévision peut rendre compte de questions de société, des conflits sociaux ou des revendications des cultures minoritaires. Au niveau régional, cela se traduit également par une timide apparition de programmes en langues (en alsacien, basque, breton, corse…) mais leur place dans les grilles de programme reste très faible.

Les années 1980 voient le paysage audiovisuel français se modifier profondément. A son arrivée au pouvoir en 1981, la Gauche met en place, outre la fin du monopole d’Etat sur l’audiovisuel (1982), un soutien au développement d’émissions en langues régionales. De nombreux programmes, plus ou moins éphémères, naissent à cette époque sur FR3. L’un des plus importants est Viure al Pais, alternativement en occitan et en catalan, créé en 1981. Produit à Toulouse, il existe toujours.

Les années 1980 marquent aussi l’ouverture de l’audiovisuel à la concurrence et l’apparition de chaînes privées, concurrentes du service public.

Depuis les années 1990, la part d’émissions en langue régionale à la télévision publique reste dans l’ensemble stable : sans baisse notable… mais sans augmentation non plus. L’augmentation du volume d’heures de programmes produits par les antennes régionales, et l'apparition très récente de nouvelles chaînes de plein exercice émanant de F3, tel NoA en Nouvelle Aquitaine (2018), ouvriront peut-être de nouveaux canaux de diffusion pour des émissions en langue régionale.

Le CIRDOC - Institut occitan de cultura

Héritier de l’ancien Centre international de documentation occitane (CIDO), créé par les militants du mouvement culturel occitan en 1975, le CIRDOC d’aujourd’hui conserve son statut un peu à part de « bibliothèque nationale d'initiative populaire ». Longtemps sa politique d’acquisition et de conservation a été largement partagée avec les actrices et les acteurs de l’occitan contemporain, ce qui lui permet aujourd’hui de pouvoir puiser dans des dizaines de milliers d’archives et ressources, très souvent inédites, qui racontent d’une façon irremplaçable - par celles et ceux qui l’ont fait - cet extraordinaire borbolh social, intellectuel, artistique qui emporte l’Occitanie depuis 1968.

Les documents proposés en complément des archives de l’INA sont de deux ordres. D’abord, la sélection a été guidée par la recherche de ressources directes qui permettent d’apporter un autre regard, un autre point de vue sur le sujet ou l’événement traité par la télévision publique. Les fonds d’éphémères du CIRDOC, affiches, tracts, pétitions, et les fonds d’archives de personnalités et d’organisations militantes ont été largement sollicités. Les archives des radios et télévisions associatives occitanes - qui ne couvrent que la seconde partie de la période malheureusement - sont également un témoignage irremplaçable et donnent à entendre les voix des grands écrivains ou des prises de paroles sur le vif, lors des grands rassemblements sociaux ou militants. Ensuite la recherche universitaire occitane est un des secteurs actifs et importants de la période : même si elle prend la distance et le point de vue critique de l’analyse scientifique, elle permet aussi une approche directe, une plongée dans la culture occitane contemporaine, s’intéressant aux sujets d’actualité du mouvement, étant produite par des chercheuses et des chercheurs eux-mêmes engagés dans des mouvements politiques, syndicaux et associatifs.

Cette recherche dans les fonds de documentation contemporaine du CIRDOC a représenté une forme de « carottage » transversal sur deux à trois générations documentaires largement inexplorées. La recherche documentaire effectuée pour la rédaction des notices contextuelles des vidéos a permis l’ouverture de champs jusqu’alors inexplorés ou d'éléments jamais mis en relation. De même, ce travail de recherche a été, pour toutes les parties prenantes du projet, l’occasion de prendre conscience de la fragilité de la mémoire d’un mouvement social et culturel contemporain. Il a également mis en lumière l’importance de l’institution patrimoniale, au-delà des problématiques de conservation documentaire, pour appréhender une histoire - racontée par ceux et celles qui l'ont vécue -, une société, un territoire. Ce sont des milliers de documents originaux et inédits, photographies, archives filmées, tracts, archives personnelles qui ont été mis à jour et ont pu intégrer les collections du CIRDOC. En proposant des compléments documentaires sur le portail Occitanica, la fresque « 50 ans de borbolh occitan » continuera donc à s’enrichir par la mise en ligne régulière de cette documentation.

*Histoire de la télévision régionale, de la RTF à la 3, Benoît Lafon, INA éditions, 2012.