Matthias Langhoff met en scène La Danse de mort de Strindberg à la Comédie-Française

09 avril 1996
02m 23s
Réf. 00068

Notice

Résumé :

En 1996, Matthias Langhoff met en scène, dans la salle Richelieu de la Comédie-Française, La Danse de mort d'August Strindberg. Cruelle et drôle, la pièce décrit l'affrontement sans fin d'un couple isolé du reste du monde. Extraits du spectacle et interviews de Gilles Privat, Muriel Mayette et Jean Dautremay, comédiens.

Date de diffusion :
09 avril 1996
Source :
FR3 (Collection: 19/20 )
Fiche CNT :

Éclairage

En 1996, Matthias Langhoff met en scène, à la Comédie-Française, La Danse de mort d'August Strindberg. Ecrite en 1900, la pièce est adaptée par Michel Vittoz. Elle est la troisième œuvre de Strindberg à entrer au répertoire. Il s'agit de la première mise en scène de Matthias Langhoff à la Comédie-Française.

L'action se passe sur une île de garnison surnommée « le Petit Enfer ». Mariés depuis vingt-cinq ans, Edgar, capitaine (interprété par Jean Dautremay) et Alice, ancienne comédienne (interprétée par Muriel Mayette), y vivent coupés du monde. Ils répètent inlassablement la même scène de ménage lorsque le retour de Kurt (interprété par Gilles Privat), cousin d'Alice, vient perturber leur jeu macabre. Celui-ci est symbolisé par l'« Entrée des boyards » (musique composée par Michel Frantz) qu'Alice joue au piano et sur laquelle danse le Capitaine de manière effrénée. Régulièrement, Edgar entre en état de catalepsie et s'affaisse brutalement, arrêtant ainsi le temps et l'action. De la même manière, le décor de la pièce (conçu, comme les costumes, par Catherine Rankl) s'effondre sur le bric-à-brac accumulé. Les ruines du passé constituent ainsi le terrain de jeu précaire des personnages qui passent leur temps à ressasser leur rancœur sans pouvoir se départir de leur haine ni de leur amour respectifs. La théâtralité et le ludisme de la pièce sont constamment affirmés, telles les didascalies prononcées initialement par la voix-off de Jean-Baptiste Malartre. Les comédiens investissent par ailleurs les loges à l'avant-scène pour se préparer. La mise en scène et l'interprétation renvoient au music-hall mais aussi au cinéma et à la photographie lorsque sont projetées, à différents moments, des images faisant écho au discours des protagonistes.

Le reportage, diffusé lors du « 19/20 » (France 3) du 9 avril 1996, donne la parole aux comédiens qui insistent sur l'interprétation inhabituelle de l'œuvre de Strindberg. Si celle-ci interroge les extrémités auxquelles la haine et l'amour poussent successivement les personnages, elle n'en demeure pas moins pleine d'un humour cruel, à l'image de celui qui préside à certains jeux des enfants.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentatrice
Du théâtre pour terminer. Et les habitués de la Comédie-Française vont être un peu bousculés. Matthias Langhoff signe en effet sa première mise en scène, avec La Danse de Mort de Strindberg. La Danse de Mort c’est la destruction d’un couple, présentée de manière provocante, sur un plateau où tout s’écroule, dans un joyeux chaos. Le reportage est signé Dominique Poncet et Stéphane Taponier.
Comédien
Ce fut certes misérable, mais nous avons eu de bons moments. Il faut profiter du peu de temps qui nous reste, après ce sera fini.
Comédienne
Fini ? Si seulement c’était vrai.
Comédien
Fini !
Journaliste
La Danse de Mort , cela raconte l’histoire d’un couple carnassier, qui, isolé du reste du monde se déchire à belles dents depuis 25 ans sur une île de Garnison. La seule raison d’être de ce couple, dont lui est capitaine et elle ancienne actrice, s’adonner à de rituelles et violentes scènes de ménage. L’arrivée inopinée d’un cousin va bouleverser la donne.
(Musique)
Gilles Privat
Ça exige beaucoup de légèreté, beaucoup de concentration. Parce que ce n’est pas, comme on a l’habitude de faire Strindberg un psychodrame au premier degré, mais c’est plutôt, comment expliquer, enfin c’est une façon de jouer qui est assez spéciale.
Comédienne
C’est une haine absurde sans raison, sans but et aussi sans fin. Sais-tu pourquoi il craint tellement la mort ? Il a peur que je me remarie !
Comédien 2
Alors, il t’aime !
Comédienne
Vraisemblablement ! Mais cela ne l’empêche pas de me haïr.
Muriel Mayette
Bien sûr c’est terrible. Ce sont des gens qui se vampirisent et qui ont un art incroyable pour se bouffer. Mais je ris parce que, en même temps, c’est très drôle. C’est très drôle, puisque j’imagine de voir des gens se faire… être tellement géniaux pour se faire le mal.
Comédien
Je me demande ce que j’ai comme maladie.
Comédienne
Qu’est-ce que tu crois ?
Comédien
Le coeur ou la tête ! C’est comme si l’âme voulait s’envoler et se dissoudre en nuage de fumée.
Jean Dautremay
Je crois que oui, qu’il y a beaucoup de moments très drôles. Parce qu’au fond, la mort n’est pas si triste que ça !
Journaliste
On pourrait sortir de cette Danse de mort suffoqué par la violence verbale de Strindberg, mais ici on rit souvent, parce que les comédiens sont comme des enfants terribles qui joueraient à la guerre. On rit aussi à cause du décor qui se déglingue en même temps que le couple. Et cela donne à ce spectacle iconoclaste un air de joyeux chambardement.