Lucrèce Borgia de Victor Hugo

24 octobre 1994
02m 24s
Réf. 00339

Notice

Résumé :

Reportage sur la mise en scène de Lucrèce Borgia de Victor Hugo par la Comédie-Française, en 1994. Extraits de la pièce et interviews de Christine Fersen, interprète du rôle titre, et de deux autres acteurs de la distribution, Jean Dautremay et Eric Ruf.

Date de diffusion :
24 octobre 1994
Source :
FR3 (Collection: 19/20 )
Fiche CNT :

Éclairage

Dans Lucrèce Borgia, une pièce écrite en une quinzaine de jours, Victor Hugo propose un drame historique ancré dans la Renaissance autour de la célèbre empoisonneuse italienne, à la fois meurtrière diabolique, dévorée par l'orgueil et dévorant les hommes comme une mante religieuse, mais aussi mère brisée qui a défrayé la chronique de son temps. Dans cette pièce, Hugo porte à son paroxysme tous les préceptes romantiques : exacerbation de la péripétie, crescendo dramatique, dualisme du personnage, situations partagées entre élan grotesque et sublime, clôture grandiloquente de la pièce : dans la violence des effets, tout est fait pour impressionner le spectateur et produire du spectaculaire à la façon des grandes productions pour l'opéra.

La pièce a été créée en 1833 avec, parmi les principaux interprètes Mademoiselle Georges (Lucrèce Borgia), Frédérick Lemaître (Gennaro), et Juliette Drouet (la princesse Negroni) – qui deviendra la maîtresse d'Hugo et l'accompagnera jusqu'à la fin de sa vie – au Théâtre de la porte Saint-Martin où le tout Paris du Premier et du Second Empire se presse. Ce théâtre est en effet devenu en 1831 le « temple du drame romantique » et programme des auteurs à la fois applaudis et controversés : Dumas, Balzac, Georges Sand, Sardou, Hugo, Lamartine, Rostand... qui trouveront tous dans ce théâtre la scène que leur refuse la Comédie-Française, « temple de la tragédie ». De grands interprètes comme Marie Dorval, Coquelin, Sarah Bernhardt et Mounet-Sully s'y produisent et créent les grands rôles des drames et des mélodrames qui déplacent les foules et remplissent les jauges.

A son époque, le succès de Lucrèce Borgia est si grand que Donizetti s'empresse de composer un opéra d'après le texte d'Hugo (1833). Elevée au rang de mythe littéraire, cette figure de meurtrière féminine continue encore de fasciner le monde d'aujourd'hui, dans des genres aussi divers que variés : l'histoire de Lucrèce Borgia a été notamment filmée par Abel Gance (1935), Christian-Jaque (1953) ou encore transposée dans Scarface d'Howard Hawks (1932) ; elle est passée dans la bande dessinée sous la plume de Jodorowsky et Manara (Borgia, 2004-20-) ; elle apparaît dans les fresques historiques qui font l'arrière-plan de la saga Assassin's Creed (volet « Brotherhood »), un jeu vidéo vendu à plusieurs millions d'exemplaires à travers le monde.

Côté théâtre, le bonne fortune de cette pièce ne s'est jamais démentie et reste dans la mémoire collective comme l'un des fleurons du drame romantique. La pièce, sans doute parce qu'elle dit quelque chose de la violence du monde, qu'elle conserve un parfum de scandale et parce qu'elle laisser planer l'ombre du thanatos (la mort) sur les destinées humaines, conserve un impact certain sur le spectateur d'aujourd'hui. Outre la mise en scène importante de Jean-Luc Boutté avec la troupe de la Comédie-Française, présentée dans ce document, signalons également le travail très remarqué d'Antoine Vitez en 1985 lors du Festival d'Avignon, qui efface les effets visuels spectaculaires en choisissant un plateau nu, pour mieux reporter l'attention du spectateur sur la construction archétypale du personnage chez Hugo, qui concentre les traits et les passions des grands héros tragiques de la Grèce ancienne.

Céline Hersant

Transcription

Présentatrice
Et puis Victor Hugo superstar. L'adaptation de son mélodrame Lucrèce Borgia par la Comédie-Française est un véritable succès. Salle comble tous les soirs à l'Opéra-Comique, puisque la Comédie-Française est en réfection. L'histoire d'une femme mangeuse d'hommes, l'une des plus grandes criminelles de son temps. Reportage Dominique Poncet et Georges Minangoy.
(Bruit)
Journaliste
"Prenez-un monstre", dit un jour Victor Hugo, "mais donnez-lui le visage d'une mère. Et vous verrez que ce monstre, en dépit de ses pires turpitudes, parviendra à émouvoir et à faire pleurer quand même". Et pour prouver qu'il avait raison, Hugo écrivit Lucrèce Borgia .
Christine Fersen
Cette pièce me semble ressembler à quelque chose comem de la tragédie, quand même.
(Bruit)
Christine Fersen
Peut-être tragi-comédie à des moments, mais c'est comme ça, la vie.
(Bruit)
Jean Dautremay
Ca se joue droit, et les sentiments sont vrais, tout est carré, c'est, c'est comme un vrai théâtre populaire, c'est ça qui est beau.
(Bruit)
Eric Ruf
J'ai des bobos partout et je sais jamais quand je me les fait, parce que sur scène, on les sent pas, et puis ensuite je compte un petit peu les bleus que je peux avoir. Mais moi j'aime beaucoup ça, donc ça ne me dérange pas. J'aime bien... j'aime bien qu'on me demande de m'impliquer physiquement.
(Bruit)
Journaliste
Il y a tout, dans cette très belle mise en scène. Tout, c'est-à-dire la fougue, l'élan, l'ivresse et même l'outrance de Victor Hugo. Cette Lucrèce Borgia se déroule à un rythme de western, portée par l'interprétation souveraine des Comédiens-français.
(Bruit)