La Cagnotte d'Eugène Labiche et Alfred Delacour

08 décembre 1988
05m 25s
Réf. 00380

Éclairage

Un petit groupe de bourgeois de la Ferté-sous-Jouarre, qui a constitué une « cagnotte », décide de monter à Paris pour dépenser leurs économies et s'offrir du bon temps. Mais les provinciaux, peu habitués aux usages des grandes villes, accrochés à leurs a priori sur la Capitale, sont rapidement pris au dépourvu devant des séries de catastrophes incidemment provoquées par leur naïveté : ils sont floués au restaurant, accusés de vol et arrêtés par la police, dépouillés de leurs achats... La pièce joue sur la confusion des personnages, perdus dans un environnement qu'ils ne maîtrisent pas, et sur le brouillage des identités sociales (on se fait passer pour ce qu'on n'est pas). Les quiproquos vont bon train, les personnages se débattent les uns avec les autres à coup de petits mensonges et de faux-semblants. Dans La Cagnotte, la satire du bourgeois provincial est sans concession : Labiche fait de l'argent et de la cupidité le principal sujet de préoccupation et le trait essentiel qui dessine le personnage (comment s'enrichir sur le dos des autres, comment marchander une dot).

La Cagnotte a été écrite à 4 mains avec Delacour – Labiche a composé avec divers collaborateurs 170 pièces, seules 4 pièces sont de sa main seule, mais ne présentent qu'un intérêt mineur – et la pièce a été créée en 1864 au Théâtre du Palais-Royal, auquel Labiche restera longtemps attaché. Son ambition cependant était de se voir joué à la Comédie-Française, ce qui lui sera longtemps refusé (la première pièce majeure de Labiche à entrer au répertoire est Le Voyage de M. Perrichon, en 1906, presque vingt ans après la mort de l'auteur). La mise en scène de La Cagnotte à la Comédie-Française par Jean-Michel Ribes est donc comme un pied de nez à l'histoire. Le spectacle avait été à l'origine commandé par Jean le Poulain (mort peu de temps avant la création) et s'oriente ostensiblement vers une reprise des conventions spectaculaires du vaudeville tel qu'on le jouait à l'époque de l'auteur. Ribes en effet, avec la complicité du musicien Michel Frantz, renoue avec la tradition de la pièce accompagnée d'une orchestration et entremêlée de couplets chantés.

Parmi quelques autres mises en scène intéressantes de cette pièce, on peut signaler celle de René Lesage en 1949 à la Comédie de Saint-Etienne, celle de Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil au Théâtre National de Strasbourg, celle de Jean-Luc Lagarce en 1995 à la Coursive (la Rochelle) ou encore celle de Jacques Lassalle en 1998 au Théâtre Hébertot. Les théâtres privés parisiens et de province programment également très régulièrement La Cagnotte et les autres pièces de Labiche. On peut noter aussi l'adaptation télévisée réalisée par Philippe Monnier pour France 2 dans la série « Contes et nouvelles du XIXe siècle » (diffusée le 10 mars 2009 en prime time) avec en vedette Eddy Mitchell, Philippe Chevallier et Marie-Anne Chazel.

Céline Hersant

Transcription

Présentateur
Voici maintenant Jean-Michel Ribes, pas de la Comédie-Française mais à la Comédie-Française, pour La Cagnotte, c’est signé conjointement d’Eugène Labiche qu’on connaît et de Monsieur Alfred Delacour qu’on connaît moins.
Jean-Michel Ribes
Oui, c’est un collaborateur de Labiche parce que Labiche écrivait ses pièces avec toujours quelqu’un…
Présentateur
Comme certains peintres, ils faisaient faire un petit peu de la toile par d’autres par les élèves, non, c’est cela ?
Jean-Michel Ribes
Oui, je pense que c’est même un précurseur des méthodes américaines, des scénaristes qui écrivent à plusieurs finalement et je pense que c’est très bien, ça fait un ping-pong et cela donne une pièce jubilatoire.
Présentateur
Alors, jubilatoire à voir, à monter aussi je suppose, on va le voir dans quelques instants, c’est de quelle date à quelle date ?
Jean-Michel Ribes
Je crois que la pièce est programmée à la Comédie-Française, donc on commence le samedi 10 et on va jusqu’en avril dans une première tranche de programmation et…
Présentateur
Alors, nous allons voir maintenant de quoi il s’agit très précisément puisque Yoba Grégoire et Claude Barrier sont allés voir cette pièce. En gros, trois provinciaux décident d’aller dépenser les gains de leur jeu à Paris. Voici ce spectacle, enfin un extrait.
Journaliste
Un salon bourgeois à La Ferté-Sous-Jouarre, chaque soir, on joue à la bouillotte, le poker du XIXe siècle, pour grossir une cagnotte dont le produit va servir à monter à Paris.
(Bruit)
Journaliste
La pièce est construite comme une opérette où les situations comiques et parfois tragiques sont soulignées de chansons écrites par le metteur en scène.
(Musique)
Journaliste
Mais pourquoi venir à Paris ?
Jean-Luc Bideau
Je crois trouver à Paris ce qui me manque à La Ferté-Sous-Jouarre.
Philippe Khorsand
A la Foire de Crépy, pour voir la femme qui pèse 300 kg, puis des serpents, des magiciens et tout cela. Puis, on efforce de voyager.
Yves Gasc
Et moi, tout simplement parce que j’ai mal aux dents. Alors, je veux aller à Paris pour me faire soigner les dents.
Journaliste
Vous aviez un secret, pourquoi venir à Paris ?
Catherine Sami
L’amour, l’amour, l’amour et l’amour et encore l’amour et toujours l’amour.
(Musique)
Journaliste
Notables dans leur province, inconnus à Paris, perdus dans l’immensité de la capitale qui broie, ils vont vivre des événements extraordinaires où leur naïveté est parfois mise à rude épreuve.
Yves Gasc
Qu’est-ce que c’est ce plat-là, nous n’avons pas demandé ça.
Jean-Luc Bideau
Mais enfin, "terrine de Neyrac", 2 francs !
Comédien 3
20 francs Monsieur, c’est le cadre qui cache le zéro.
Catherine Sami
Nous sommes volés.
Comédien 4
Tous les zéros sont cachés.
Yves Gasc
Mais nous ne payerons pas. Où est le patron ?
Comédien 3
Dans le salon [inaudible]
Journaliste
Nos pauvres provinciaux n’en sont qu’au début de leurs malheurs, la capitale réussira-t-elle à les broyer complètement ou à les révéler ?
(Musique)
Présentateur
Voilà, cela vous donne envie probablement d’aller voir cette pièce. Si vous passez par Paris, eh bien, pendant les fêtes, allez voir La cagnotte . Alors, je disais tout à l’heure, un insolent à la Comédie-Française, c’est vrai de Charlie Hebdo à la maison de Molière.
Jean-Michel Ribes
Je n’ai jamais été à Charlie Hebdo
Présentateur
Il y a tous vos copains là-bas.
Jean-Michel Ribes
Non, non, non, je n’ai jamais été à Charlie Hebdo, moi, je suis un homme de théâtre et je suis insolent dans le théâtre, je suis insolent, mais oui, on le sait. J’ai amené quelques amis comme Philippe Khorsand, quelques insolents, mais sachez que la Comédie-Française en est pleine, il y a plein d’insolents de talent à la Comédie-Française et tous les comédiens que vous avez vus là sont des insolents, il faut pas se faire une fausse idée sur la Comédie-Française qui n’est pas poussiéreuse.
Présentateur
Vous avez raison, ce n’est pas aussi poussiéreuse comme on le croît. Cela dit, un petit coup de plumeau de temps en temps, cela ne fait pas mal ?
Jean-Michel Ribes
Oui, s’il est insolent.
Présentateur
Alors, Catherine Sami, il faut dire un mot parce que tout à fait remarquable, elle s’est fait une tête et c’est vraiment quelqu’un qu’on ne connaît pas assez, il faut aller la voir jouer, Catherine Sami.
Jean-Michel Ribes
Oui, c’est une comédienne géniale, mais comme Yves Gasc, comme tous les gens qui sont là, comme Bideau, comme Khorsand, comme je dirais Barbin, Guy Michel, tous les gens qui sont là, la petite Vella est formidable, etc.
Présentateur
Jean-Michel, un mot de la musique, cela fait un petit côté Offenbach, non ?
Jean-Michel Ribes
Oui, alors là, il y a quelqu’un que j’ai rencontré à la Comédie-Française, qui est quelqu’un aussi, qui est dans cette maison, un petit peu institutionnelle, et qu’on ne connaît pas, quelqu’un de grand talent, qui est Michel Frantz, qui occupe la place qu’occupait Offenbach à la Comédie-Française, qui est le Directeur de la musique et qui a écrit la musique dont j’ai composé les paroles ou plutôt j’ai écrit les paroles dont il a composé la musique, etc. Et… ça dépend, remarquez, je peux vous siffloter un petit truc de ma composition... tout à l’heure, d’accord ! Et c’est quelqu’un formidable et je voudrais aussi que Nicolas Sire qui est quelqu’un qui a sans arrêt des Molière ou presque des Molière qui a fait les décors et mon ami Patrick Dutertre avec qui j’ai fait Palace qui a fait les costumes.
Présentateur
Très bien, alors, c’est Jean Le Poulain qui avait été vous chercher pour…
Jean-Michel Ribes
Oui, un mois avant sa mort, je ne le connaissais pas. D’ailleurs, c’est quelqu’un que j’ai rencontré, j’avais découvert un homme tout à fait extraordinaire, très cultivé, qui m’avait demandé de faire cela et j’espère que de-là où il est, il sera content du travail qu’on a tous fait.
Présentateur
Et j’espère aussi. Merci beaucoup de votre visite. Alors, je rappelle, c’est du 10 décembre au moins jusqu’au 28 avril à la Comédie-Française, vous allez voir de ces excellents comédiens et puis tous les noms que viennent citer Jean-Michel Ribes qui donc n’a jamais travaillé à Charlie Hebdo, mon œil, il connaît toute la branche, je peux vous dire, il était rue des Trois Portes, vous y allez souvent ?
Jean-Michel Ribes
C’est vrai, j’habitais en face.
Présentateur
Ah ben tiens, je savais bien. Il habitait en face.