Maurice Béjart à propos de sa conception de la danse

28 juin 1970
01m 04s
Réf. 00404

Notice

Résumé :

Au cours de l'une des nombreuses reprises de sa chorégraphie du Sacre du printemps (créé en 1959), entretien de Maurice Béjart pendant lequel il revient sur sa conception de la danse comme art du mouvement organisé par le temps et l'espace.

Date de diffusion :
28 juin 1970
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Éclairage

Stravinsky compose Le Sacre du printemps, sous-titré Tableaux de la Russie païenne en deux parties en 1913 pour les Ballets russes dirigés par Diaghilev. Nijinski crée la chorégraphie et interprète l'un des rôles principaux, au Théâtre des Champs Elysées à Paris le 29 mai 1913. Cette œuvre musicale est considérée comme l'une des plus importantes du XXe siècle, encore empreint d'un certain symbolisme ; elle évoque le sacrifice d'une jeune femme. Elle a influencé de nombreux chorégraphes qui en proposeront leur propre version, de Martha Graham à Emanuel Gat, en passant par Pina Bausch ou Angelin Preljocaj.

Maurice Béjart crée sa chorégraphie du Sacre du printemps le 8 décembre 1959, au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles, au cours d'une soirée qui réunit des ballets de tous horizons. La chorégraphie de Béjart est interprétée, entre autres, par Patrick Belda et Tania Bari qui font partie des danseurs fétiches du chorégraphe. Pour Maurice Béjart, influencé fortement par Martha Graham à qui il doit tout selon ses propres mots, Le Sacre du printemps présente une musique au rythme quasi respiratoire. Alors qu'il ne devait rester que temporairement au Théâtre de la Monnaie, il y réside finalement plusieurs années et fonde le Ballet du XXe siècle en 1960 avec lequel il tourne dans le monde entier. Lorsque Le Sacre du printemps est repris au Festival d'Avignon en 1968, Maurice Béjart a déjà présenté l'année précédente Messe pour le Temps Présent, en collaboration avec le compositeur Pierre Henry (et Michel Colombier). La danse s'installe durablement au Festival et dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes. Et en 2011, il n'est pas surprenant de voir Boris Charmatz, chorégraphe et directeur du Centre chorégraphique national de Rennes, artiste associé de la 65e édition du festival, présenter plusieurs créations (comme l'avait fait auparavant Josef Nadj).

La chorégraphie de Maurice Béjart sur la musique de Stravinsky s'inscrit dans une volonté de correspondance entre la danse et le monde moderne. Durant les années soixante et soixante-dix, la danse, art du mouvement par excellence, cherche de nouveaux espaces, et pas seulement scéniques, pour se déployer. Les chorégraphes tentent de sortir des salles de spectacle traditionnelles, souvent imaginées pour la création théâtrale, et veulent s'émanciper des codes de la représentation. De même, la musique, selon le créateur, n'est pas seulement composée de sons et de rythmes mais aussi de silence ; il s'agit d'une musique spirituelle. Il conçoit la danse en termes de temps et d'espace.

Marie-Aude Hemmerlé

Transcription

Journaliste
Oui, mais je pense d’ailleurs que Martha Graham a dit, la danse c’est l’art du mouvement. Je crois que c’est ça et puis pas autre chose. C'est tout, c'est tout, vous voyez.
Maurice Béjart
C’est l’art du mouvement à la fois libre, et composé et organisé par rapport au temps et par rapport à l’espace. Par rapport au temps, puisque la danse est liée à la musique, même lorsqu’il n’y a pas de musique, puisqu’elle crée une musique spirituelle. Et par rapport à l’espace, parce que la danse se déroule dans un certain espace scénique, un certain espace... enlevons le mot scénique.
Journaliste
Oui.
Maurice Béjart
Je crois oui parce que…
Journaliste
Mais parce que les scènes se créeront d’elles-mêmes d’ailleurs, au fur et à mesure que les besoins du public de danse, s’affirmeront, les salles se créeront d’elles-mêmes.
Maurice Béjart
De plus en plus, on a besoin, tous les gens sentent qu’il faut se libérer de salles, qui ont été conçues par une certaine idéologie du spectacle, et qui ne correspondent pas du tout au monde moderne. Et c’est pour ça que de plus en plus, les créateurs, qu’ils soient de théâtre, de danse, enfin, de spectacle tout court, cherchent à trouver un nouvel espace scénique.