Sankai Juku en suspension

22 mai 1980
02m 07s
Réf. 00760

Notice

Résumé :

En 1979, le Butô japonais reste largement méconnu. Pour attirer le chaland, les danseurs de la compagnie Sankai Juku d'Ushio Amagatsu, qui présentent un spectacle au Forum des Halles, à Paris, se suspendent le long de la façade.

Date de diffusion :
22 mai 1980
Compagnie :

Éclairage

« Troupe de Butoh grinçante et grimaçante ». La banderole, accrochée en 1979 aux flancs de béton du Forum des Halles à Paris, renseigne sur les débuts de la compagnie japonaise Sankai Juku (dont le nom signifie « Atelier de la montagne et de la mer ») en Europe. La danse Butô est encore peu connue, même si l'année précédente au festival de Nancy, Sankai Juku a fait une première apparition remarquée avec le spectacle Kinkan Shonen. La consécration ne viendra qu'en 1981, au Festival d'Avignon, avec Bakki, puis au Théâtre de la Ville, à partir de 1982, année où est présenté Jomo Sho. Pour l'heure, en 1979, il faut encore séduire et intriguer le chaland. Cette année-là, Sankai Juku présente Sholiba au Forum des Halles. Les performances dans l'espace public, au cours desquelles les danseurs de Sankai Juku, suspendus par les pieds, descendent lentement les façades des bâtiments, sont alors l'équivalent des parades publicitaires des troupes de cirque itinérantes. La lenteur des mouvements, les corps nus et entièrement poudrés de blanc, sont la marque de fabrique du Butô. [1]

Sankai Juku a été fondé en 1975 par Ushio Amagatsu (né en 1949), qui avait précédemment participé à l'aventure de la compagnie Dairakudakan. La troupe d'Amagatsu, exclusivement masculine, appartient à ce qu'il est convenu d'appeler la « seconde génération du Butô », quinze ans après les premières performances de Tatsumi Hijikata.

« Contre ceux qui nous accusent par une nouvelle forme de Butô, je me contente de tirer la langue sous la pluie », avait clamé Hijikata, dans sa dernière intervention publique, en 1985 à Tokyo, peu avant sa mort, mais les spectacles d'Amagatsu sont parmi ceux qui ont largement fait connaître le Butô en Europe et dans le monde. Une fois acquise la notoriété, Sankai Juku a continué à pratiquer ces « happenings » en extérieur, plébiscités par les festivals. Au cours de l'une de ces performances, le 10 septembre 1985 survint à Seattle un accident tragique. L'une des cordes lâcha, provoquant la chute et la mort de l'un des danseurs de Sankai Juku, Yoshiyki Takada, alors âgé de 31 ans. Ushio Amagatsu décida alors de poursuivre l'aventure de Sankai Juku, mais mit un terme définitif à ces spectaculaires suspensions, dont le Butô n'avait, au demeurant, plus besoin pour répandre son inquiétante étrangeté.

[1] Les premiers spectacles de Butô à avoir été présentés à Paris l'ont été en 1978 (Dernier Eden, de Carlotta Ikeda et Ko Murobushi, au Nouveau Carré Silvia Monfort) et en 1979 (Yōko Ashikawa, Saga Kobayashi et Min Tanaka au Festival d'Automne à Paris). En 1980, par ailleurs, Kazuo Ohno fait sensation au festival de Nancy avec son Hommage à la Argentina, mais on parle encore de « modern'dance japonaise ».

Jean-Marc Adolphe

Transcription

(Bruit)
Journaliste 1
Le simple mot de danse employé ici surprendra, les quatre danseurs suspendus pas les pieds se meuvent lentement, ils symbolisent un monde dur et grinçant. Cette danse buto, c’est son nom, représente le théâtre hérétique japonais à l’opposé des danses traditionnelles de ce pays.
(Bruit)
Ushio Amagatsu
C’est peut-être une des caractéristiques de la civilisation japonaise qui est justement ce contact avec la terre et le sol.
Journaliste 2
Ça a l’air de quelque chose de très dur, de très violent.
Ushio Amagatsu
Bien sûr, c’est très dur et c’est un peu l’expression de cette, l’intériorité de l’homme qu’il essaie d’exprimer par cette danse.
(Bruit)