Création de Wozzeck à l'Opéra de Paris

04 août 1964
02m 31s
Réf. 01079

Notice

Résumé :

Au terme d'une saison 1963-1964 exceptionnelle, le compositeur Georges Auric évoque l'entrée de Wozzeck d'Alban Berg au répertoire de l'Opéra de Paris, illustrée par un court extrait montrant Pierre Boulez au pupitre de l'Orchestre de l'Opéra, et dirigeant l'interlude entre les deux dernières scènes de l'œuvre.

Date de diffusion :
04 août 1964
Source :

Éclairage

Wozzeck, considéré comme l'œuvre lyrique la plus importante du XXe siècle, est créé à la Staatsoper de Berlin le 14 décembre 1925. Premier opéra d'Alban Berg, inspiré d'une pièce inachevée de Georg Buchner de 1824 et jouée pour la première fois en 1913, il retrace un fait-divers réel. Mais plus que ce caractère sordide, ce qui a séduit le compositeur, c'est bien la puissance expressive du thème « nous, pauvres gens », qui est l'élément structurant de la pièce. Wozzeck est l' apologie même de la différence, de l'exclusion, de l'oppression des faibles, de la disgrâce universelle qu'apporte la misère, et porte la condition humaine à un niveau d'horreur encore jamais montré sur scène à son époque, suscitant aujourd'hui encore une gêne particulièrement efficace autant qu'une compassion irrépressible, portée par la musique de façon quasi rédemptrice.

Berg adopte pour structurer le discours atonal de sa partition des formes musicales strictes, anciennes comme la passacaille ou nouvelles comme l'invention, sans toutefois transformer l'opéra en exercice de style, tant ces formes sont naturellement dissimulées, tout en pratiquant l'usage du leitmotiv ou de la prémonition musicale. Son lyrisme profond en fait l'une des œuvres fondamentales, et l'opéra le plus important sur le plan historique du XXe siècle.

Salué dès sa création comme un chef-d'œuvre, et relativement beaucoup joué avant la Seconde Guerre mondiale, Wozzeck devint un pilier du répertoire des principaux opéras du monde dès les années cinquante. En France, s'il est représenté à Paris dès 1952, dans la production de l'Opéra de Vienne sous la direction de Karl Böhm pour 2 soirées au Théâtre des Champs Elysées, puis en 1959 à l'Opéra de Strasbourg qui présente cette fois la production de Munich, et en 1962 à Lyon, qui en offre une adaptation française, c'est seulement en décembre 1963 que l'Opéra de Paris inscrit enfin l'œuvre à son répertoire dans une production qui fait événement. Pierre Boulez dirige, Jean-Louis Barrault met en scène dans des décors signés André Masson, et Heiner Horn et Helga Pilarczyk étreignent le public par la vérité poignante de leur interprétation. La production n'est reprise qu' en 1966.

Il faut ensuite attendre 1979, et la visite de La Scala de Milan pour retrouver Wozzeck au Palais Garnier, dans la production de Luca Ronconi et sous la direction de Claudio Abbado. Une nouvelle production, signée Ruth Berghaus et Christoph von Dohnanyi suit en 1985, remplacée en 1999 à l'Opéra Bastille par une production signée Pierre Strosser et Jeffrey Tate, puis en 2008 par une production signée Christoph Marthaler et Sylvain Cambreling.

Pierre Flinois

Transcription

Journaliste
Après une saison exceptionnelle, l’Opéra de Paris vient de fermer ses portes. Cette salle qui a connu au cours de la saison qui vient de s’achever bien des galas exceptionnels s’est vidée tout à coup. Le rideau va, ce soir, s’ouvrir une dernière fois sur l’homme qui a été l’artisan de ce que l’on pourrait appeler le réveil de l’opéra, monsieur Georges Auric.
(Musique)
Journaliste
Monsieur Georges Auric, pouvez-vous nous dresser un bilan de la saison à l’Opéra de Paris ?
Georges Auric
Tout a commencé, en somme, je crois avec Wozzeck . Wozzeck , c’est cet opéra d’Alban Berg, ce chef-d’œuvre d’Alban Berg qui attendait depuis près de quarante ans d’être installé d’une façon permanente sur une grande scène française. Nous l’avons fait, nous l’avons fait avec beaucoup d’amour grâce à l’admirable concours d’artistes comme Pierre Boulez, comme Jean-Louis Barrault, comme André Masson et grâce à notre orchestre qui, je dois dire, s’est surpassé dans l’exécution d’une partition très difficile.
(Musique)