Vera Chytilová, cinéaste tchèque

01 février 1994
04m 18s
Réf. 00213

Notice

Résumé :

Suite à un extrait de son film Les petites marguerites, Vera Chytilová parle de ses sept d'années de chômage forcé après la sortie de ce film, puis de ses réalisations suivantes Le Jeu de la pomme et Fruit du paradis. Elle évoque aussi la situation difficile du cinéma tchèque actuel.

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Date de diffusion :
01 février 1994
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Éclairage

Vera Chytilová, née en 1929, fait partie de la génération des jeunes cinéastes tchécoslovaques qui prennent le relais des réalisateurs de la "génération de 1956" - déjà en rupture avec l'idéologie socialiste - et s'affranchissent, au début des années 60, des idéaux manichéens et didactiques de l'art officiel.

A côté d'anciens tels que Vojtech Jasny (Un jour un chat, 1963) ou Jan Kadár (La Boutique sur la Grand-Rue, 1965) émergent quelques personnalités qui vont rapidement constituer aux yeux du monde une "Nouvelle Vague" dont les audaces et la liberté de ton rappellent parfois celle qui vient de déferler sur la France. Figure majeure, Milo? Forman réalise L'As de pique (1963), Les Amours d'une blonde (1965) et Au feu les pompiers (1967). Au milieu d'autres noms (Jiri Menzel, Jaromil Jire?, Jan Nemec), Vera Chytilová est remarquée en 1963 avec Quelque chose d'autre avant de participer au succès du film collectif Les Petites Perles au fond de l'eau (1965) puis de triompher avec Les Petites Marguerites (1966). A cette période faste succède hélas le temps de la répression. Condamnée à l'exil (Forman) ou au silence (Chytilová), la nouvelle vague tchécoslovaque ne survivra pas à l'année 1968.

Thierry Méranger

Transcription

Michel Field
On fait un saut de puce dans cette Europe continentale, avec vous, Vera Chytilova, vous avez carte blanche demain à la Vidéothèque de Paris, dans le cadre d'une manifestation qui s'appelle Histoire(s), avec - au singulier ou au pluriel, au choix - Histoire de Prague. Vous êtes une figure emblématique de ce qu'on a appelé la « nouvelle vague », et qui a été le signe d'un renouveau manifeste du cinéma tchèque dans les années 70, avec notamment un film culte de 66 qui s'appelle Les petites marguerites, et dont on voit un extrait tout de suite.
(extrait du film)
Michel Field
Voilà Vera Chytilova, c'est un film qui je crois avait été, avait inauguré la nouvelle Cinémathèque de Chaillot quand Henri Langlois vous avait invité.
Vera Chytilova
Monsieur Langlois, quand j'étais ici, moi j'ai introduit ce film ici à Paris dans 66-7, je pense. Avant j'étais, il y avait la mondial première à New York, à Lincoln Center.
Michel Field
Alors ce film vous a valu des gros problèmes avec le régime de l'époque, puisque on vous a accusé d'une sorte de nihilisme, etc. On vous a supprimé les aides, et pendant plusieurs années vous n'avez pas pu travailler.
Vera Chytilova
Oui, c'était une époque de 7 années, je ne pouvais pas travailler. Mais...
Michel Field
Et comment vous avez vécu ces 7 années de chômage forcé, d'interdiction professionnelle ?
Vera Chytilova
Ah, jamais je n'ai perdu espoir, comme pour travailler après, mais j'avais les enfants petits, j'étais jardinière aussi, j'ai bâti ma maison, alors j'ai toujours, j'ai écrit plusieurs scénarios.
Michel Field
Et le film qui a suivi c'était Le Jeu de paume ?
Vera Chytilova
Oui, c'était après cette époque. Je pouvais travailler sous la condition que mes films seront plus réalistes.
Michel Field
Et du coup vous avez eu un montage de Belges, c'est ça, c'est avec des producteurs belges que vous avez pu monter Le Jeu de paume ?
Vera Chytilova
Non, non, non, Le Jeu de paume, les Belges, c'était une production après Les petites marguerites, c'était Les Fruits de paradis, ce film n'est pas ici. Ce film est encore plus dirigé dans le sens, dans le sens de l'art cinématographique, dans le sens expérimental, des expériments dans la caméra.
Michel Field
Aujourd'hui, comment, quelle est votre situation, en tant que cinéaste ? C'est-à-dire : vous pouvez travailler à nouveau, plus facilement ou ?
Vera Chytilova
Ah oui, aujourd'hui, cette cinématographie tchèque est détruite complète. C'est parce que, à cause de la transformation économique, la culture est à zéro...