Isabelle Huppert regarding The Lacemaker and The Indians Are Still Far Away.

20 mai 1977
02m 55s
Ref. 00177

Information

Summary :

Isabelle Huppert talks about the two characters she plays in the films The Lacemaker and The Indians Are Still Far Away, in which she had very little dialogue. She says this allowed her to explore "the art of silence" that cinema is to her.

Media type :
Broadcast date :
20 mai 1977
Source :
Personnalité(s) :

Transcription

Journaliste
Isabelle Huppert, vous êtes présente à Cannes pour deux films : "La Dentellière" de Claude Goretta et "Les Indiens sont encore loin" de Patricia Moraz. Or, dans ces deux films, vous avez deux rôles qui sont à la fois semblables et différents. J'aimerais que vous m'en parliez, étant donné que ce sont deux rôles, finalement, de jeune fille très réservée.
Isabelle Huppert
Oui. C'est-à-dire c'est deux rôles différents dans la mesure où c'est des héroïnes qui n'ont pas du tout le même univers social. Le personnage de "La Dentellière", c'est l'histoire d'une petite coiffeuse qui est d'un milieu sans culture, qui vit seule avec sa mère, et le personnage du film de Patricia Moraz, c'est assez différent. C'est un film sur l'adolescence. Et elles ont, toutes les deux, des silences et des réserves, mais enfin, dans le film de Patricia Moraz, c'est un personnage qui est plus intellectuel, enfin qui a une attitude plus réfléchie sur les raisons de son silence. Tandis que "La Dentellière", c'est un personnage... Ce n'est pas du tout une intellectuelle. Enfin, elle est comme ça parce qu'elle n'a pas le langage pour elle, elle n'a pas la culture qui lui permet de s'exprimer, de passer par les mots.
Journaliste
Elle a l'intelligence du coeur ?
Isabelle Huppert
Elle a une très grande intelligence, oui. C'est un personnage très profond, très riche, très très sensible, intuitif, qui comprend toutes les situations, qui ressent absolument tout, mais qui intériorise tout et qui ne s'exprime pas.
Journaliste
Je suppose que pour une actrice, c'est quand même une énorme difficulté à tout faire passer sans la parole, puisque dans le cas de ces deux personnages, ce sont des personnages qui parlent très peu ?
Isabelle Huppert
Non, pour moi, ce n'est pas une difficulté. C'est plutôt... C'est plus facile. J'ai plus de mal à jouer des rôles où il faut beaucoup parler que des rôles où il faut se taire. Parce qu'au cinéma, on peut exprimer plein de choses comme ça, par des regards et des silences. C'est l'art du silence.
Journaliste
Ce sont des personnages qui vous ressemblent peut-être un peu aussi ?
Isabelle Huppert
Oui. Un petit peu. Enfin, je m'y retrouve un petit peu. Et puis, s'ils ont été moi pendant l'un, pour huit semaines, et l'autre, cinq semaines, c'était quelque part qu'ils me ressemblent un petit peu. Bon, mais pas sur le plan anecdotique, j'espère. J'espère que je ne vais pas terminer comme eux parce que ça ne se termine pas très bien.
Journaliste
Et curieusement, il s'agit de deux films suisses, d'un cinéma qu'on peut qualifier d'intimiste ?
Isabelle Huppert
Oui, c'est très intimiste, oui. Oui, c'est des histoires, comme ça, assez feutrées, où les choses se passent d'une façon assez lente, où pour la comédienne, c'est très agréable parce qu'on a l'impression qu'on peut distiller, comme ça, le rôle. C'est comme un goutte à goutte. Donc, on a la possibilité d'exprimer les choses, comme ça, petite touche par petite touche, et puis, au bout du compte, on a un grand rôle.
Journaliste
Et vous êtes plus attirée par ces grands rôles-là que par, par exemple, un grand rôle dans une superproduction où il y aurait beaucoup d'action, par exemple ?
Isabelle Huppert
Non, non, il faut voir. J'aimerai bien, maintenant, jouer des rôles plus vindicatifs, des rôles où je m'affirme un petit peu plus, parce qu'il ne faut pas se laisser enfermer dans ce genre de personnage.