La cribleuse

15 janvier 2003
02m 07s
Réf. 00092

Notice

Résumé :

Inventée en 1985 à Vieux-Boucau par Joël Canicas, la cribleuse est à l'origine destinée au nettoyage des plages. En 1999, quelques réglages suffisent pour qu'elle retienne dans ses mailles les boulettes et les plaques d'hydrocarbure de l'Erika. Depuis 2002 et le naufrage du Prestige, la Canicas s'exporte partout dans le monde.

Date de diffusion :
15 janvier 2003
Source :

Éclairage

Le golfe de Gascogne n'avait jamais connu de catastrophe de telle ampleur. La longue litanie des noms des pétroliers auteurs de pollutions n'était pas encore véritablement associée aux côtes aquitaines mais, depuis le 1er janvier 2003, Gironde, Landes et Pyrénées-Atlantiques sont désormais concernées par une catastrophe de grande ampleur, difficilement contrôlable.

Un "bateau-poubelle" transportant du fuel, le Prestige qui a sombré au large de la Galice le 19 novembre 2002, laisse échapper une vaste nappe d'hydrocarbure qui se déplace, au gré des courants et des vents, et atteint, le 1er janvier suivant les côtes gasconnes après avoir défiguré les environs du Cap Finisterre. De petites "boulettes" sont tout d'abord repérées dans les Landes ; la Gironde est touchée le lendemain comptant ses premiers oiseaux morts. La catastrophe écologique est inévitable et la lutte commence. Au large, le long de la coque éventrée qui gît par plus de 3000 mètres de fond, le Nautile [1] tente de colmater les brèches de l'épave ; sur les côtes, 700 agents qualifiés sont à pied d'œuvre auxquels s'ajoutent, le surlendemain, des centaines de bénévoles, du Pays basque à la Pointe de Grave.

Bien que 450 tonnes de fuel aient été récupérées au large de la France, la marée ramène sans cesse d'autres boulettes et, le 21 janvier, 13 000 oiseaux sont déjà recueillis alors que l'Espagne doit débourser 1 milliard d'euros pour faire face au désastre. Les moyens humains ne suffisent plus, la pollution s'accroît, il faut passer à des moyens plus efficaces ; on a dès lors recours à la mécanisation mais les engins disponibles sont peu nombreux d'autant plus que l'Espagne, touchée en premier, a acheté tous ceux qui étaient disponibles.

Inventée en 1985 par un mécanicien landais, Joël Canicas, la seule machine susceptible d'être efficace est une "cribleuse". Conçue initialement pour nettoyer les plages des souillures ordinaires - laisses de mer naturelles mêlées aux rebuts de la société de consommation - elle a été adaptée à une mission plus spécifique après la catastrophe de l'Erika qui pollue toutes les côtes, de la pointe de la Bretagne à la Vendée, en décembre 1999. Désignée par un nom issu du latin cribellum, "tamis", l'énorme machine doit son succès à l'efficacité d'un "tapis vibrant qui retient boulettes et plaques de fuel". Parfaitement adaptée au nettoyage des plages et plutôt respectueuse de l'environnement, la cribleuse inventée par le mécanicien landais nettoie 2 à 3 ha à l'heure, affouillant le sable à 25 cm de profondeur seulement sans bouleverser le milieu de façon irréversible.

On comprend, dès lors, l'optimisme du jeune cadre qui présente les derniers modèles prêts à l'exportation dans un monde qui bouge et qui connaît une croissance exponentielle des flux en matière de navigation commerciale.

Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres !

[1] Sous-marin de poche appartenant à l'IFREMER capable de travailler à de grandes profondeurs.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
Ce matin encore, un millier de personnes est mobilisé pour le nettoyage des côtes aquitaines. Mais avec près de 150km de plages, rien que pour la Gironde, les moyens humains seuls ne suffiront pas. La solution, la mécanisation du ramassage, d’où l’intérêt pour cette machine, la canicas. Une cribleuse qui, grâce à ce tapis vibrant, retient dans ces mailles, les boulettes et les plaques de fioul. C’est dans ce modeste garage à Vieux-Boucau dans les Landes, que sont assemblés ces engins. Dans un joyeux bric-à-brac, Joël Canicas, l’inventeur de la machine qui porte son nom, a l’œil sur le moindre détail. En 1985, ce mécanicien de voiture invente sa première cribleuse destinée à l’origine à l’entretien des plages pour les vacances. 1999, catastrophe de l’Erika, la canicas trouve une nouvelle application.
Joël Canicas
Donc on est parti avec une machine, et puis on s’est aperçu que notre système allait très bien en changeant de vitesse de rotation, on était parfait quoi. Aussi bien sur les grandes plaques ou sur les boulettes.
Journaliste
2002, nouvelle catastrophe. Le fioul du Prestige souille les côtes de Galice. Pour l’entreprise et ses 8 salariés, difficile de suivre la demande.
Joël Canicas
Les espagnols nous ont appelés, on a été là-bas voir, déjà, et puis bon, ben on a livré tout ce qu’on avait en stock en Espagne.
Journaliste
26 000 à 56 000 euros pièce, le chiffre d’affaires explose. Avec la demande sur les côtes aquitaines, la modeste entreprise prévoit de doubler sa production.
Thierry Helbringer
La machine sera bien disponible sur vos plages demain.
Journaliste
Car à l’exportation vers l’Afrique du nord et l’Asie pour l’entretien régulier des plages, s’ajoute ce nouveau créneau de la dépollution.
Thierry Helbringer
Malheureusement, il n’y a pas que la côte Aquitaine qui est exposée. On n’a pas encore eu de catastrophe majeure en méditerranée mais tout comme sur les autres parties du globe, des pétroliers circulent.
Journaliste
Vue la demande, la société compte s’agrandir et s’installer dans des locaux neufs. Car plus encore après cette pollution, la propreté des plages deviendra un argument touristique majeur, les canicas ne sont pas prêtes de s’arrêter de tourner.