Rencontre avec Delphine Gleize

20 juillet 2002
02m 24s
Réf. 00407

Notice

Résumé :

Rencontre, dans les arènes de Mont-de-Marsan, avec la réalisatrice Delphine Gleize dont le premier long métrage, intitulé Carnages, a été primé au festival de Cannes. Elle revient sur son film et évoque sa passion pour la corrida.

Date de diffusion :
20 juillet 2002
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Souvenirs d'enfance.

Dans ce reportage, la réalisatrice est filmée dans les arènes du Plumaçon [1], à Mont-de-Marsan, ville dans laquelle elle a des attaches familiales, et où elle a passé ses vacances enfant. Elle vient présenter son premier film de long métrage, Carnages, à l'occasion des Fêtes de la Madeleine, qui ont lieu chaque année au mois de juillet dans la ville. Ces fêtes s'inscrivent dans la tradition des manifestations taurines de la région gasconne avec ses courses landaises, ses corridas, ainsi que ses bandas et ses bodegas. Ce moment, temps fort de la vie de la ville est aussi celui qui rythme la vie familiale et personnelle de la réalisatrice : "dans l'année il y a les fêtes de la Madeleine et mon anniversaire" [2].

Le point de départ du film : un jeune torero vient noviller pour la première fois et il se fait encorner par le taureau, qui devra être tué. Les morceaux épars du taureau remis à différentes personnes seront le prétexte narratif à la présentation de plusieurs destins qui se croisent au fil du temps. L'intérêt de la réalisatrice pour la tauromachie remonte à l'enfance, et est associé à la vie familiale. En effet, pour Delphine Gleize, dans ses souvenirs et dans les choses transmises, tout fait signe : l'affiche de la corrida de juillet 1973, jour de son baptême, mais aussi, la photo qu'El Cordobes [3] offre à son grand- père et qu'il lui transmet à son tour. Elle se souvient qu'elle a vu des courses landaises très jeune, aux alentours de 6 ans, mais qu'elle a assisté à sa première corrida vers l'âge de 12 ans : "Ma première corrida m'a énormément touchée, bouleversée, mais je me suis dit : où va ce taureau une fois qu'il est mort." [4] Dans ce répertoire d'images personnelles, reste également l'histoire fondatrice de l'accident d'un torero qui restera handicapé et se suicidera [5].

Son intérêt pour les taureaux se porte également sur les représentations qui en sont faites par Picasso, mais aussi celles qu'elle a vues sur les vases crétois. C'est ainsi que souvenirs personnels, visuels et culturels, composent l'univers de Carnages, en faisant du taureau un personnage à part entière.

De fait cet animal, énorme, associé à un spectacle, la corrida, contient tous les ingrédients de la dramaturgie. En effet où trouver un meilleur répertoire d'émotions fortes, dans lequel cohabitent force physique et habileté corporelle, affrontement de l'homme et de l'animal, dans un combat à la vie à la mort, avec ses figures de style. Les arènes deviennent elles même un espace très cinématographique,dans lequel le regard du spectateur découpe l'espace de la tension dans des cadrages cinématographiques tout personnels, et dans lequel il invente son propre récit, tant le suspense est fort, avec ses codes et son rythme fait d'attente, d'effroi et de respirations.

En ce sens, pour Delphine Gleize, la transposition cinématographique s'effectue "naturellement", d'autant plus fortement qu'ils sont associés à une mémoire enfantine qui en augmente les contours imaginaires.

[1] Arènes de Mont-de-Marsan, du nom du lieu-dit où elles ont été construites en dur au XIXe siècle.

[2] Interview dans Sud-Ouest, 14 février 2011.

[3] Mythique toreador espagnol, né en 1936, en Espagne dans la région de Cordoue.

[4] Cf. cadrage.net : TYLSKI, Alexandre, "Quand l'œil émerveillé délibère...", Cadrage, novembre 2002.

[5] Nimeno 2, toreador français, 1954-1991, en septembre 1989, un accident aux arènes d'Arles, le laissera handicapé, il se suicidera en 1991.

Anne-Marie Moulis

Transcription

Présentatrice
A Mont-de-Marsan, les fêtes de la Madeleine ont débuté avec le concours landais. C’est parti pour une semaine de corridas et de fête dans la rue. A cette occasion, la réalisatrice Delphine Gleize est venue présenter son film Carnage . Ce film qui évoque la tauromachie a été primé au dernier festival de Cannes. Montoise d’adoption, Delphine Gleize a passé toutes ses vacances dans les Landes où elle a été initiée dès l’enfance aux pratiques torées. Michelle Faure et Vincent Dubroca l’ont rencontrée.
Delphine Gleize
Je suis venue la première fois en 85 en fait. J’avais 12 ans, la première corrida. Sinon, j’allais au concours landais. Seulement, mes parents ne voulaient pas que j’aille. Enfin, ils avaient peur de ma réaction face à la mise à mort mais c’était à la fois légitime et en même temps je savais exactement ce qui se passait pendant les corridas. Et comme eux en parlaient, eux me racontaient, c’était encore pire un désir d’y être. C’était terrible.
Michelle Faure
Dans ce premier long métrage, la réalisatrice a retenu au casting le jeune torero landais Julien Lescarret qui sera mardi dans les arènes de Mont-de-Marsan. Mais le film ne conte pas une histoire de corrida pas plus que l’histoire personnelle de Delphine.
Delphine Gleize
Ce n’est pas autobiographique. Je pense que cela naît d’une espèce de fantasme enfantin de quand je suis allée à une corrida la première fois, de me poser la question de ce que devenait le taureau une fois qu’il passait, voilà, enfin qu’il sortait là. Tiré par les bêtes, qu’est-ce qu’il devenait. Et aussi parce que tous les jeux taurins m’ont toujours intéressés enfin, que ce soit à partir de l’époque minoenne ou ce qu’on faisait avec le taureau. Et toujours quand même il est au centre de tout. Et je suis convaincue que le seul animal qui met l’homme à sa place, qui ne le remet pas, qui le met définitivement. C’est une émotion de voir des taureaux. Et en fait, je pense qu’il y a encore plus d’émotion parce qu’on ne peut pas se pencher. En fait, parce qu’il y a un truc un peu interdit. J’adore les cours d’arène. Il fait toujours frais. On a toujours envie de boire et cela sent le taureau. Cela, c’est pour l’enfant la grenadine.