Le Maremne

03 septembre 1997
26m 05s
Réf. 00558

Notice

Résumé :

Pays situé dans le sud ouest des Landes, le Maremne s'étend sur 3 zones distinctes façonnées par l'homme en fonction des éléments : le littoral et ses dunes fixées au XVIIIe siècle par Brémontier, l'espace forestier et sa vaste pinède plantée sous l'impulsion de Napoléon III et, enfin, les barthes de l'Adour, prairies marécageuses canalisées et assainies par Colbert. Chaque partie de ce territoire est présentée tant au niveau de la faune et de la flore qui la composent qu'au niveau de son exploitation par l'homme.

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Date de diffusion :
03 septembre 1997
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Éclairage

Le "pays de Maremne" (pagus maritimus, "pays maritime") est l'une des quinze composantes du territoire défini par la Convention sous le terme générique de "Landes". Bordé sur sa façade occidentale par l'océan, confinant au nord avec le Marensin, au sud avec le Seignanx, il se borne dans la partie orientale à l'Adour en poussant une pointe vers le pays dacquois. Constituée d'une palette de paysages variée, cette ancienne vicomté, vivant jadis d'activités traditionnelles, s'est résolument tournée, à la fin des années 1960, vers le tourisme.

Si les aménagements du littoral opérés sous l'égide de la MIACA [1] dès 1967 altèrent la physionomie de la côte, dans l'arrière-pays, au bord du fleuve, tout est mis en place pour restituer les paysages anciens et redonner vie au biotope si particulier des "barthes".

Entre conservation et promotion, le Maremne, terre mouvante et fragile, doit trouver un équilibre constant. C'est une région apparemment sauvage dont l'authenticité n'est préservée qu'au prix d'une surveillance de tous les instants d'un milieu départi entre dunes, forêt et bas-fonds humides. Et tous ces milieux sont atypiques, exceptionnels, comme leur histoire, comme leur géographie. Interdépendants aussi.

Le littoral, tout d'abord. C'est avant tout la dune qui constitue une zone-tampon entre la plage proprement dite et les premières parcelles boisées ou construites sur l'arrière-dune. Elle se déroule selon un alignement continu résultant d'une volonté humaine. En effet, à partir de 1819, les Ponts et Chaussées puis les Eaux et Forêts, posent systématiquement des lignes de palissades pour protéger la forêt "sous le vent" et offrir de la sorte "au vent", c'est-à-dire côté océan, des espaces où s'accumulent les sables qui se stabilisent grâce à l'enracinement des oyats. Cette entreprise, toujours fragile, nécessite donc un entretien et une surveillance continues, mais elle assure la pérennité du "cordon dunaire".

Comme ailleurs dans les Landes de Gascogne, les hommes y ont lutté contre le sable et les eaux. L'Adour, avant d'être définitivement capturé par Bayonne grâce aux travaux de Louis de Foix, hésitait entre les dunes incertaines et avait une embouchure instable. De ces errements, le Maremne conserve un paysage de dunes littorales et d'étangs en partie asséchés, et un ruisseau plus ou moins artificiel, le Boudigau.

C'est un milieu vivant, offrant une biodiversité insoupçonnée que les spécialistes de ce biotope divisent en trois parties : la dune mobile, la dune fixée ou "lette grise" et la frange forestière ; ils y observent "tout un cortège de plantes", et une faune parfaitement adaptées à cet environnement si particulier.

Dans le premier secteur, pousse l'Astragale de Bayonne, l'Épervière laineuse, l'Euphorbe maritime, le Liseron des sables, le Panicaut de mer, la Roquette de mer et la Silène de Thore.

En seconde zone, on trouve : l'Alysson des sables, le Carex des sables, le Gaillet, l'Immortelle des dunes, le Lis mathiole, l'Oeillet des dunes, le Sedum acre et le Serpollet. L'Oyat ou Gourbet (Amophila arenaria) et le Chiendent des sables (Agropyron), plantés sur une idée de Nicolas Brémontier [2] fixent le sol.

Dans le dernier segment, frange forestière de transition, se fixent arbustes et arbres nanifiés sous l'effet du vent : l'Ajonc d'Europe, la Bruyère à balais, le Chêne-liège, le Ciste à feuilles de sauge, le Genêt à balais et le Pin maritime.

Au ras du sol, tout un petit monde rampant ou volant dont le Fourmillon, le Lézard ocellé, la Nébrie des sables, l'Oedipoda (un petit criquet à ailes rouges) et le Theba pisana (un petit escargot vivant en colonies) anime les lieux. De temps en temps, un toponyme y rappelle la fréquentation de gibier à poil ; c'est le cas de "Pichelèbe" [3], à Léon, en Marensin.

Et sur cet univers veille le Conservatoire du littoral dont le Panicaut maritime (Eryngium) ou chardon des dunes est l'emblème. Établissement public créé en 1975, cet organisme mène une politique foncière afin de protéger espaces naturels et paysages sur les rivages maritimes et lacustres [4].

Dans ce secteur, Capbreton, seul port de la côte landaise, s'enorgueillit de son passé, du temps où la pêche à la baleine faisait sa renommée, entraînant ses hommes loin du gouf [5], vers l'Islande et vers le Labrador, ce qui explique les toponymes "l'Île de Capbreton" au large de Terre-Neuve ou "l'Anse aux Gascons" dans le golfe du Saint-Laurent.

Mais le Maremne, c'est aussi la forêt de pins maritimes, bien présente sur le littoral, d'Arcachon à Bayonne, avant l'incontournable loi de 1857 imposant le boisement systématique des communaux [6]. C'est d'ailleurs dans le pays de Born et en Marensin, un peu plus au nord que, déjà au XVIIIe siècle, les frères Desbieys commencent à améliorer les boisements afin de juguler les mouvements des dunes, précédant le développement généralisé de la sylviculture, une orientation économique qui se maintient jusqu'aux années 1960 [7].

Malgré l'expansion de la maïsiculture à partir de cette période, la forêt demeure source essentielle de revenus. Et elle a ses ennemis : le feu, bien sûr, mais aussi le grand gibier. Aussi donne-t-on officiellement, au début des années 2000, un rôle prépondérant au chasseur quand l'agrainage [8] n'est plus suffisant. Et l'État de légiférer [9].

Pays aux multiples facettes, le Maremne offre une physionomie encore différente aux abords de l'Adour, dans l'arrière-pays. Né au col du Tourmalet, le fleuve draine la Bigorre, reçoit une bonne partie des eaux de l'Armagnac, du Tursan, de la Chalosse et du Béarn. Autant dire qu'il est soumis à de grandes variations de niveau, notamment en raison de son régime pluvio-nival. De ses humeurs naît un ensemble de paysages soumis à la fois aux lois de la nature et à celles des hommes ; ce sont les bartas [10], vastes prairies inondables recouvertes spontanément d'une végétation luxuriante faite d'aubiers. Là, comme dans le Médoc soumis aux caprices des eaux de l'estuaire de la Gironde, un vaste programme de drainage engagé à l'époque de Colbert, mis en œuvre par des spécialistes hollandais, permet de transformer cette zone en "vase d'expansion pour les crues". Les estèrs [11] remplacent seulement ici les wateringues de la Flandre.

L'ensemble de ce territoire est donc particulièrement complexe et, si l'on veut préserver son caractère d'une extrême richesse dans sa diversité, il convient de prendre des mesures. C'est le souci du Groupement d'Intérêt Public du littoral aquitain [12], face à des enjeux communs. Réuni depuis 2007 dans un collectif, il exprime la vision et les objectifs partagés par l'ensemble des acteurs qui se fédèrent pour assurer un développement équilibré et durable du territoire à l'horizon 2020. Il a l'ambition de relever six défis majeurs concernant la démographie, la gestion des risques, l'écologie, l'économie, le tourisme et le bien-être social : condition sine qua non, effectivement, pour préserver l'identité d'un territoire dont les composantes sont grandement interdépendantes.

[1] La mission interministérielle à la côte Aquitaine (MIACA) est créée en 1967, avec à sa tête Philippe Saint-Marc, puis Émile Biasini. Elle a pour objectif d'organiser plusieurs "unités d'aménagement", en augmentant la capacité d'accueil des stations balnéaires tout en préservant, dans un souci "environnementaliste", de larges fragments de côte, de dunes et de forêts de la spéculation immobilière.

[2] Ingénieur des Ponts et Chaussées, né au Troquay (Eure) en 1738 et mort à Paris en 1809, Nicolas Brémontier est en poste à Bordeaux de 1784 à 1802. Il oeuvre dès 1788 pour la fixation des dunes de la côte landaise. Il s'inspire des essais de son prédécesseur Charlevoix de Villers et des idées de Desbiey et de Peyjehan.

[3] Du gascon pisha lèba, "pisse-lièvre", soit un endroit fréquenté par l'animal.

[4] Au niveau national, 750 km de rivages sont concernés par son intervention consistant notamment en l'acquisition de terrains fragiles ou menacés. Dans les Landes, le Marais de la Tafarde à Sainte-Eulalie, les dunes de la côte sud, vers Capbreton, le marais d'Orx et la zone humide du Métro d'Ondres et Tarnos relèvent de ses compétences.

[5] Le gouf est un canyon sous-marin, c'est-à-dire une entaille profonde dans le talus continental.

[6] La loi du 19 juin 1857, également appelée loi relative à l'assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne, marque un tournant dans l'histoire de ce territoire. Elle vise à assécher les vastes zones humides marécageuses et à les mettre en exploitation. Elle marque le début de l'extension du pinhadar landais, conduisant au développement du gemmage et, de facto, a la fin du système agro-pastoral traditionnel.

[7] Avec l'amorce de profonds bouleversements liés à la crise économique des années 1930, aux grands incendies des années 1940 et à la concurrence des produits résineux par les dérivés pétroliers, l'activité décline peu à peu.

[8] L'agrainage est une pratique cynégétique qui consiste à nourrir les bêtes sauvages dans leur environnement. Si le mot est dérivé de "grain", il est possible d'utiliser d'autres nourritures. Les résultats de cette méthode sont aujourd'hui controversés du fait de l'impact positif sur la santé et la reproduction des animaux.

[9] L'article L1 du Code forestier stipule : "Le développement durable des forêts implique un équilibre sylvo-cynégétique harmonieux permettant la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire. Cet équilibre est atteint notamment par l'application du plan de chasse défini à la section 3 du chapitre V du titre II du livre IV du code de l'environnement, complété le cas échéant par le recours aux dispositions des articles L. 427-4 à L. 427-7 dudit code".

[10] Mot gascon issu d'un thème prélatin désignant des broussailles situées dans un bas-fond.

[11] Mot gascon issu du latin aestuarium. En Médoc, le réseau de drainage est constitué d'estèirs et de jalas.

[12] Le GIP Aquitaine regroupe les Services de l'Etat en Région, le Conseil Régional d'Aquitaine, le Conseil Général de la Gironde, le Conseil Général des Landes, le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques, la Communauté d'Agglomération du Bassin d'Arcachon Sud, la Communauté d'Agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz, la Communauté de communes de la Pointe du Médoc, la Communauté de communes des Lacs Médocains, la Communauté de communes de la Médullienne, la Communauté de communes du Bassin Arcachon Nord, la Communauté de communes des Grands Lacs, la Communauté de communes de Mimizan, la Communauté de communes Côte Landes Nature, la Communauté de communes de Maremne Adour Côte Sud, la Communauté de communes du Seignanx, et la Communauté de communes Sud Pays Basque.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

(Musique)
Journaliste
Situé au coeur du département des Landes, le Maremne est un terroir qui prend ses origines au Moyen-Âge, où le vicomté de Maremne appartenait au Duc de Dax. L’Homme l’a façonné en fonction des éléments en trois grandes zones. Le long de l’Adour, des prairies humides que l’on appelle ici les barthes, un milieu naturel sauvegardé où l’élevage maintient la présence de la faune sauvage comme par exemple ces cigognes nouvellement venues. En remontant vers l’ouest, on trouve une vaste zone forestière avec des lacs. Introduits par l’Homme, de nombreux cervidés y vivent. Enfin, la zone littorale, la plus connue, avec ses immenses plages bordées de dunes, obstacles artificiels fixés au milieu du XVIIIe siècle par Brémontier, dans le but de limiter l’activité envahissante des sables et pour protéger ce pays de marécages et de boisements à l’époque. Mais aujourd’hui, les dunes plantées par l’Homme demandent une protection et une surveillance permanente.
(Silence)
Gilles Granereau
Cette dune a été créée de toutes pièces par l’Homme grâce à un système de palissades qui captait le sable lorsqu’il y avait des tempêtes et qui donc permettait de monter progressivement la hauteur des palissades ; et cette dune est depuis devenue un milieu naturalisé. C’est-à-dire que l’Homme y a installé certains végétaux et l’on retrouve aujourd’hui un cortège de plantes, environ, pour le domaine aquitanien, 150 espèces de plantes. Et ces plantes-là constituent ce que l’on nomme nous, un épiderme dunaire, qui permet à la dune de rester quasiment stable. A condition, bien entendu, que l’Homme l’entretienne et évite certaines de ses dégradations, comme les motos, les 4x4, etc.
(Silence)
Jacques Recarte
Ici, une trace de chevreuil. Le chevreuil, c’est l’un des cervidés qu’on rencontre assez régulièrement sur la dune, sur la lette et dans la forêt de protection qui se trouve juste derrière. Il y a aussi quelquefois l’arrivée du cerf, qui est donc le plus grand des cervidés que nous ayons ici au niveau de la forêt des Landes. Le cerf qui sort sur la dune pour aller récupérer du sel en léchant tout simplement les détritus, les morceaux de bois qui sont chargés de sel de mer. Dans ce paysage qui est d’apparence hostile, tourmentée, il y a aussi au niveau des mammifères des petits carnivores, la martre, éventuellement le putois s’il y a quelques zones humides et surtout le renard qui va sortir le soir et qui va aussi essayer de pourchasser quelques lapins.
(Musique)
Jacques Recarte
Si vous voulez, comme on est sur une zone assez exceptionnelle du point de vue de la migration, ici, sur la façade atlantique, on avait envisagé de…
(Musique)
Jacques Recarte
Bonjour !
Inconnu 1
Ça va ?
Jacques Recarte
Ça va bien, et vous ?
Inconnu 1
Oh, ça va, ça va !
Jacques Recarte
Je suis venu chercher les carnets, les observations alouettes.
Inconnu 1
Oui.
Jacques Recarte
Vous en avez vu des alouettes en mer ?
Inconnu 1
Au mois d’octobre, on en a vu.
Jacques Recarte
Oui ?
Journaliste
Premier paradoxe de ce petit terroir, les pêcheurs en mer participent à la gestion de la faune migratrice. Leurs comptages annuels d’alouettes permettent de mesurer l’évolution des populations. Capbreton est le seul port de pêche sur les 150 kilomètres du littoral aquitain qui séparent Bordeaux de Bayonne. Les pêcheurs y pratiquaient une chasse particulière.
(Musique)
Jean Peyreblanque
Capbreton était un port avec une activité baleinière importante, car dans le golfe de Biscaye, il y avait une espèce de baleine qui était là en permanence. Donc, au XIIIe siècle, nous savons par des Arrêts du roi d’Angleterre que les baleines existaient à Capbreton. C’est la diminution des baleines qui a entraîné les pêcheurs gascons et basques à partir vers Terre-Neuve, toujours à la recherche de ce qu’étaient l’alimentation et l’huile, c’est-à-dire les baleines. Et c’est ainsi qu’on a trouvé la morue.
(Musique)
Jean Peyreblanque
L’Adour se jetait en principe à Capbreton bien que le port essentiel était Bayonne. Les bateaux passaient à Capbreton mais vraiment, n’accostaient vraiment qu’à Bayonne et au XIIIe siècle, la passe de Capbreton s’est obturée. L’Adour est remontée jusqu’à Port d’Albret qui est le Vieux Boucau, la vieille embouchure, et ce qui a entraîné, pour le port de Bayonne un dol extrêmement important. Donc, plaintes auprès des rois de France et lors du voyage de Charles IX en 1569 à Bayonne, les bourgeois bayonnais obtinrent que le roi envoie son ingénieur Louis de Foix pour redresser le cours de l’Adour. En fait de redresser, ils ont percé l’Adour à Bayonne et créer ainsi le Boucau Neuf, la nouvelle embouchure. Ainsi, Bayonne devenait un port direct alors qu’avant, c’était un port indirect.
(Bruit)
Journaliste
L’exploitation de la forêt landaise a connu une évolution rapide, la mécanisation est maintenant générale. Le sylviculteur, c’est le propriétaire, il vend habituellement ses bois sur pied. L’acheteur les fait exploiter par des bûcherons qui scient des troncs pour en faire des billes transportables, puis les billes sont sorties de la forêt à l’aide d’un débardeur et un camion transporteur, un grumier, les achemine vers l’usine.
(Bruit)
Journaliste
Au début du siècle, c’est l’exploitation de la résine qui contribua à l’expansion de l’activité forestière. Aujourd’hui, elle fait partie du passé et la filière bois en Aquitaine s’appuie sur l’immense forêt landaise d’un million d’hectares. Les fondements de ce succès économique ont comme origine une mesure d’incitation foncière.
(Musique)
Jean Peyreblanque
Dans le Maremne, la grande poussée a été au XIXe siècle à la suite de la loi édictée par Napoléon III. Napoléon III a repris une notion extrêmement simple du droit dacquois de perprise qui donnait la terre à celui qui la cultivait. Et vous pouviez donc gagner des propriétés des landes communales en les plantant de pins. Et en 20 ans, les Landes ont été assainies et ont été plantées de pins et les propriétés ont pris une valeur extrêmement grande.
Journaliste
La forêt a amené avec elle une faune nouvelle pour les landais, notamment les grands animaux, chevreuils et cerfs, ils se sont multipliés de façon extraordinaire. Les chasseurs locaux gèrent ces populations de cervidés, espèces soumises au plan de chasse, c’est-à-dire que le niveau des prélèvements annuels est contrôlé et limité. Celui des chevreuils dans les Landes est le plus important de France.
(Musique)
Jacques Recarte
Voilà, les grands animaux, notamment ici un chevreuil, peuvent occasionner quelques dégâts au niveau des plans forestiers, puisque le chevreuil, à l’aide de ses bois, est venu frotter l’écorce de ce pin qui est encore assez souple. C’est une manière pour le chevreuil de marquer son territoire. Il convient quand même de relativiser l’importance de ce dégât qui est assez souvent localisé. Voilà donc un pin qui a 6-7 ans, qui a été écorcé. On voit bien ici la marque des dents du cerf ou de la biche qui est venu faire ce dégât. C’est difficile sur un arbre aussi jeune d’évaluer la perte financière puisque cet arbre peut être aussi bien récolté à 30 ans, au moment d’une éclaircie, qu’à 60 ans, donc à la fin de sa vie.
(Bruit)
Jacques Recarte
Ici, c’est le feuillage qui a été consommé, les tiges. Le cerf a pris le rang en enfilade, il est allé tout droit, il a consommé dans un temps donc des pieds de maïs.
(Bruit)
Jacques Recarte
Dans le cas présent, ce n’est pas grave, c’est même au contraire voulu, puisqu’ici, nous sommes sur une culture de dissuasion qui se trouve que la commune d’Azur. Alors, cet espace a été ensemencé par les chasseurs d’Azur à des fins justement très précises, il s’agit d’attirer ici des animaux avant qu’ils ne commettent des dégâts dans les champs. C’est donc une culture de dissuasion. Ici, sur cet espace qui est communal, qui était plus ou moins improductif parce qu’on se trouve sous une ligne électrique, donc il n’y avait pas de possibilités d’effectuer des plantations forestières sur cet endroit-là ; les chasseurs ont eu l’idée de récupérer cette parcelle et de l’ensemencer. Ce qui nous fait quand même une superficie non négligeable de 5 hectares mise à la disposition des grands animaux, des cerfs et des chevreuils principalement.
Inconnu 2
On voit bien là, il est parti sur ce coin-là et il a fait toute la bordure !
Inconnu 3
Ah, c’est vraiment un grand… Il a des bois comme ça !
(Musique)
Journaliste
Soustons, qui fut rebaptisée quelques temps pendant la Révolution française, l’Ile Verte, était au Xe siècle la résidence du vicomte de Maremne. La ville bénéficie d’une situation privilégiée en raison de son cadre naturel. Cinq lacs, traces de l’ancien nid de l’Adour, dont le plus grand est un lac intérieur d’eau douce, et de vastes forêts de pins de plus de 6000 hectares.
(Musique)
Journaliste
A quelques kilomètres de Saint-Geours-de-Maremne, l’on trouve les barthes de l’Adour. Des prairies marécageuses qui s’étendent sur un cordon de 30 kilomètres de long au bord du fleuve. Excellent terrain d’accueil du gibier d’eau, il y a 15 ans les barthes étaient en péril. Maïs et peupliers envahissaient peu à peu ces terres d’élevage, espaces naturels d’exception aux origines fort anciennes.
Jean Peyreblanque
Les barthes ont été canalisées et assainies par Colbert qui a fait venir des ingénieurs hollandais. Les ingénieurs hollandais ont constitué les chemins de halage à la fin du XVIIe - début du XVIIIe siècle, et ont assaini les barthes par des canaux de drainage arrivant à ce que dans le pays on appelle des pelles et qui sont des vannes. Et d’autre part, ces barthes étaient des propriétés communales. C’était la vie communautaire donc, les propriétaires n’en bénéficiaient que pendant trois mois. Le reste du temps, la barthe était à la disposition de tout le monde. Donc, c’est une vie communautaire médiévale qui a subsisté, même maintenant en plein XXe siècle.
(Silence)
Jacques Recarte
Le régime hydraulique des barthes est étroitement liée à celui de l’Adour. Nous avons l’Adour qui passe le long des barthes hautes, ces barthes sont protégées par une digue qui servait aussi de chemin de halage. Cette digue va protéger les barthes des crues de l’Adour pendant un certain moment. Mais dès que la pluviométrie augmente et que le niveau de l’Adour monte, il y a un passage naturel qui se fait à la limite de Rivière et Saubusse, et par une dépression dans cette digue, l’Adour va pouvoir se répandre dans les barthes basses. Et ce phénomène se fait pratiquement chaque hiver, et selon l’importance de l’inondation, on va avoir de l’eau dans les barthes basses qui va remonter petit à petit dans les barthes hautes.
(Musique)
Journaliste
Pour vivre avec les inondations régulières, les paysans barthais construisirent sur les bords de l’Adour des fermes répondant à leurs besoins, toutes construites sur le même principe. Le rez-de-chaussée est constitué d’une vaste grange qui fait office d’étable et abritait aussi le matériel. A l’étage, les pièces d’habitation et le grenier. Le fumier, en cas d’inondation, faisait office de radeau pour le bétail quand il n’avait pas eu le temps de se réfugier sur les coteaux.
(Musique)
Jacques Recarte
Quand le cours du fleuve aura baissé, cela va permettre la décrue, elle va donc intervenir dans la barthe en premier temps. L’eau, petit à petit, est dirigée vers l’aval grâce aux différents émissaires qui vont sillonner la barthe, notamment la barthe basse, et ensuite, ces collecteurs se retrouvent finalement sur le collecteur principal qui est ici, c’est l’estey. Cet estey débouche directement dans l’Adour, et donc toute l’eau issue de l’amont lors de l’inondation, va passer par l’estey et déboucher sur l’Adour. C’est un système qui fonctionne depuis toujours dans les barthes de la même manière, et qui n’a pas été bouleversé, les barthes servant de vases d’expansion pour les crues et ça permet de protéger les riverains puisque toute l’eau s’en va en priorité dans la partie basse qui n’est ni habitée, ni aménagée par l’Homme.
Journaliste
Ce biotope particulier est à l’origine d’une race de chevaux, les poneys barthais dont on trouve les traces sur les berges de l’Adour à la fin du siècle dernier où ils avaient une vocation agricole. Menacée de disparition dans les années 60, la race doit sa survie à une poignée d’éleveurs acharnés.
Gérard Castagnet
Mon père était agriculteur, il était agriculteur et il était chasseur également. J’ai repris la ferme mais comme ce n’était pas vivable à l’époque, il a fallu que je parte ouvrier et après la journée, on cultivait la ferme quand même, on continuait l’exploitation. Mon père élevait des poneys, mon grand-père également, et surtout pour les menus travaux de la ferme et pour se déplacer en plus, pour aller au marché avec, le samedi. Et moi à l’époque, étant gosse, pour moi c’était plutôt une contrainte qu’autre chose, parce qu’il fallait aller à la barthe à pied chercher les poneys. Et après, de fil en aiguille, la passion est venue. Allez, allez ! Allez, marche, allez ! Allez, marche, allez !
(Bruit)
René Planté
Ici, c’est une ferme familiale de… au moins de… que l’on se rappelle, depuis au moins 500 ans. C’est une ferme d’éleveur et producteur de céréales quoi, en petite quantité mais surtout l’élevage, l’élevage qui est surtout branché sur les barthes quoi ! Nous ici, nous sommes branchés sur les vaches blondes d’Aquitaine et des chevaux de trait. Des chevaux de trait qui sont nés ici, qui sont particulièrement adaptés aux marais quoi !
(Bruit)
René Planté
Quand les premières chaleurs arrivent, les bêtes sentent qu’il faut partir aux barthes, elles sont impatientes, elles sont même parfois affolées. Et si elles trouvent le portail ouvert, croyez-moi, elles ne vont pas vers le bourg, elles vont vers le marais.
(Bruit)
René Planté
Au niveau nourriture, ces marais sont, contrairement à ce que l’on pense, très bons comme nourriture à condition que ce ne soit pas trop humide. Mais si on suit très bien les vermifuges et si les bêtes ont un très bon suivi, elles vont très, très bien. Parce que nous avons l’avantage d’avoir un ruisseau d’eau très pure là-bas en limite, et de l’autre côté pareil, et de l’ombre et tout et les bêtes ne pacagent jamais sous les reflux, c’est tout de l’herbe nouvelle quoi, le pacage ! Si on peut, les vaches restent de 6 à 8 mois, 9 mois à la limite, mais les chevaux, si on peut, ils restent toute l’année. Dans le marais, ici, il vient toujours quelqu’un. Si on s’aperçoit qu’un poulain est malade ou une jument est boiteuse, ou comme ça, on se le signale entre nous. Ça arrive même des fois qu’on se trompe de bêtes, quand on rentre les bêtes, on rentre celles du voisin, on s’est trompé.
(Bruit)
René Planté
Ici, nous sommes sur une partie qui reste ouverte toute l’année à condition qu’il n’y ait pas d’eau. Et là, derrière moi, ce sont des barthes à foin qui sont propriétés privées, gérées par une ASA. Sitôt le foin terminé, le dernier qui sort ses bottes, il faut qu’il s’arrête parce que nous allons ouvrir les barrières très vite et le bétail rentre dans les barthes, aussi bien de la commune Saubusse, que la commune de Rivière, les deux communes, tout le bétail se mélange. Y compris dans les barthes à foin, ça devient libre pacage.
Gérard Castagnet
Et l’année prochaine, au mois de mars, on ferme les barrières pour laisser pousser l’herbe. C’est un cycle tout à fait naturel, tout à fait normal, et l’herbe repousse sans apport d’engrais ni quoi que ce soit. Pour voir la qualité du foin déjà, prenez une poignée de foin, vous le humez. Vous pouvez sentir le parfum qu’il a, que vous ne retrouverez certainement pas dans les parfumeries, hein ! On en mangerait presque !
Sophie Laugareil
Dans un tel milieu, il faut impérativement favoriser et même développer les modes de gestion tels que le pâturage, afin de lutter contre une fermeture du milieu par les bois parce que c’est un milieu qui évolue très rapidement, il y a une dynamique incroyable, il faut à tout prix maintenir un pâturage aussi bien... bien sûr par les équins, mais aussi par les bovins parce qu’il existe une complémentarité entre les deux espèces. Et le refus de certains constituera l’alimentation des autres et ça permettra d’homogénéiser la végétation et d’avoir ce type de prairies.
Jacques Recarte
La fédération des chasseurs s’est occupée des barthes depuis assez longtemps, au moins depuis les années 1980, de manière synthétique. On peut dire que dans les barthes, il y a trois types de composantes. Il y a les forêts, tous les boisements. Il y a les cultures, principalement du maïs. Et il y a enfin, les prairies permanentes humides qui sont soit fauchées, la barthe haute, soit pâturées, la barthe basse. Ces trois éléments font un petit peu la richesse écologique des barthes. On a sur les barthes une mosaïque de milieux qui s’imbriquent les uns dans les autres, et qui contribuent de manière globale à la richesse écologique des barthes. Mais l’élément essentiel, l’élément primordial qu’il faut sauvegarder en priorité, c’est donc les prairies permanentes humides. C’est celles qui regroupent le maximum d’espèces végétales et d’espèces animales, d’où l’idée de fédérer plusieurs actions et de mettre en place ce qu’on appelle actuellement l’OGAF-environnement.
(Musique)
Journaliste
L’organisation groupée d’aménagement foncier de type environnement a pour but le respect du paysage actuel en proposant des primes aux agriculteurs et aux communes pour le maintien de l’eau dans les prairies en hiver, de novembre à mars, favorisant ainsi l’hivernage de l’avifaune migratrice. Ce fut le cas de la cigogne blanche, dont les premiers spécimens apparurent ici en 1981. Depuis, elles se sont multipliées et on en trouve aujourd’hui près de 150. Pour cet oiseau protégé, des nids sur des promontoires sont même aménagés dans les prairies par les chasseurs landais.
(Musique)
Journaliste
Comme dans toutes les zones humides, les ragondins se multiplient et creusant de nombreuses galeries sous les berges, ils les détériorent considérablement.
(Musique)
Journaliste
Près de 150 espèces d’oiseaux différentes sont recensées aujourd’hui. La variété et la richesse de la faune migratrice de ces territoires a de tout temps favorisé l’activité cynégétique.
Jacques Recarte
Sur cette barthe, la chasse est assez présente parce qu’il y a des potentialités intéressantes au niveau donc des zones d’alimentation, et bien sûr, ici, on pratique la chasse au gibier d’eau, à la tonne ou à la botte et donc, Pierre va nous expliquer ça en détail.
Pierre Amulet
Oui alors, la chasse à la botte donc, c’est au chien. Particulièrement ici, la spécialité, c’est de chasser la bécassine, donc au chien et à l’arrêt du chien. Egalement, on chasse le canard, le canard à la tonne, donc la tonne, c’est le nom local. C’est une chasse quand même assez exigeante sur le plan technique, c’est-à-dire qu’il faut prendre en compte l’emplacement de l’installation et du lac par rapport aux axes migratoires. Il faut prendre en compte également l’orientation du vent, et entre ces données, il faut essayer d’en déduire un petit peu comment on va disposer les appelants. Voilà, ça c’est l’installation, la construction et ça tient lieu d’abri, parce qu’il faut bien s’abriter, et ça tient lieu aussi de, comment dire, de cachette. Mais il ne fallait pas oublier qu’on est en zone humide, et donc en zone inondable et que le fleuve n’est pas loin et que il nous rappelle un petit peu sa présence de temps en temps avec des crues et des inondations. Donc, il a fallu s’adapter et on a pensé à faire des installations qui montent avec le niveau des eaux. Et donc en voilà un exemple, ce qui nous permet d’être là même quand les conditions sont un peu difficiles.
(Bruit)
Jacques Recarte
L’OGAF-environnement a été mis en place et réussi en partie grâce à ceux qui ont impulsé ce mouvement, mais surtout grâce aux gens qui vivent dans les barthes et qui ont à coeur, je pense, de sauvegarder ces milieux. Ils ont bien conscience qu’ils vivent dans un patrimoine exceptionnel et ils entendent veiller à ce que ce patrimoine subsiste.
Gérard Castagnet
Certainement, quelque part, on est dans un petit paradis dans le fin fond des Landes. Contrairement à ce que certains disent, c’est un pays perdu, mais enfin je pense qu’il y a une certaine qualité de vie que d’autres nous envient quand même. Ce qui me plaît surtout dans les barthes, le soir quand j’ai mangé, je prends, maintenant c’est le 4x4, je m’en vais dans les barthes, tranquille. Je ne vois personne à part les poneys qui… Le calme. Je vois plein de poneys.
(Musique)