Du VAL au métro de Lille

06 août 1973
02m 29s
Réf. 00071

Notice

Résumé :
Le projet de métro qui reliera le centre de Lille à Villeneuve d'Ascq, le VAL, a été développé à l'Université de Lille par le professeur Gabillard. Les automatismes ont été testés sur une maquette avant le développement industriel. Plusieurs critères ont été mis en avant afin que les automobilistes "abandonnent" leurs voitures pour ce transport en commun : confort des voyageurs et fréquence des rames.
Date de diffusion :
06 août 1973
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Éclairage

Au milieu des années soixante, alors que le charbon vit ses dernières années d’exploitation, la reconversion économique de la région s’inscrit dans le radar des prospectivistes. La métropole (on ne prononce pas encore ce mot) devrait permettre  la mise en place de "la révolution tertiaire". Encore faut-il prévoir des logements, des quartiers et des villes pour accueillir ces nouveaux travailleurs des bureaux. L’idée de villes nouvelles développée dans la région parisienne, est reprise ici. A l’est de Lille où après de longues hésitations et des débats locaux, le campus de l’université des sciences vient de s’ouvrir. Un second doit accueillir les facultés de lettres et de droit. Un environnement urbain s’avère nécessaire pour en rompre l’isolement. Mais il faut pouvoir assurer la liaison avec le centre de Lille, alors que le tissu urbain ancien  ne peut accueillir ce surcroît de circulation sans bouleversements violents. Jean-Claude Ralite, ingénieur d’arrondissement de l’équipement, et premier directeur de l’EPALE - l’établissement public pour l’aménagement de Lille-Est-  définit l’objectif : "Un système de transport en commun à petit gabarit, rapide, automatique et très fréquent, totalement aérien, qui [...] par l’automatisme de son fonctionnement jour et nuit, permet la charge de gestion la plus faible". Le VAL (Villeneuve d’Ascq-Lille ) doit voir le jour.

Un appel d’offres lancé le 25 février 1971 suscite l’intérêt de Matra spécialisé dans l’aéronautique et dirigé par Jean-Luc Lagardère qui est prêt mettre au service du projet la puissance du groupe. L’Epale se fait assister par Robert Gabillard, un professeur de l’université de Lille qui fait la démonstration théorique de l’automatisme en déposant le brevet 71 25 386 qui ne sera jamais vraiment exploité.

La communauté urbaine, créée en même temps que la ville nouvelle, devrait prendre en charge le financement de ce moyen de transport nouveau, mais l’inégalité de traitement avec les autres parties du territoire métropolitain se révèle trop forte pour obtenir l’accord de tous. Arthur Notebart le président de la communauté urbaine met à l’étude un vaste plan de transports collectifs prévoyant quatre lignes de métro. VAL devient alors l’acronyme de Véhicule Automatique Léger. Le plan est adopté le 29 mars 1974 et la construction du métro peut commencer sous la direction d’un ingénieur de 29 ans Bernard Guilleminot.

Si l’automatisme peut être mis au point théoriquement, on ignore encore la fiabilité d’un tel système et  si les utilisateurs accepteront de monter dans un véhicule sans conducteur. Une féroce campagne de dénigrement du VAL a prédit qu’il ne transporterait qu’un chien sur ses banquettes. Tous les dispositifs sont prévus pour que l’on puisse affronter un échec de l’automatisme, par exemple en doublant la longueur des stations pour qu’elles puissent accueillir des doubles rames, avec un conducteur à bord et de plus grande capacité parce que moins fréquentes.

Le métro inauguré le 25 avril 1983 par le président de la République, François Mitterrand, trouve immédiatement son public. L’ouverture de la totalité de la ligne 1 jusqu’au CHR, le 27 avril 1984, consacre l’importance du métro dans le dispositif des transports collectifs de la CUDL. Dès lors la bataille fait rage entre les "versants" de la métropole pour obtenir la construction des nouvelles lignes. La ligne 1 bis réalisée jusqu’à la sortie de Lomme sous l’influence de son maire-président de la communauté urbaine fait grincer des dents, mais elle ouvre l’ouest de la métropole à l’urbanisation et au développement. La ligne 2, décidée en 1989, allant vers Mons-en-Barœul, Roubaix et Tourcoing, consacre la réunification de la métropole au moment de  l’arrivée du TGV dans Lille.

Dès lors rassemblée, elle peut assumer sa marche vers la métropolisation autour de son moyen de transport dont tout le monde a oublié aujourd’hui qu’il avait été le premier métro automatique au monde.
Jean-Michel Stievenard

Transcription

Marc Drouet
La décision de construire le VAL a été prise dès 1969. Immédiatement, on a bien sûr parlé du métro de Lille. Métro, cela rappelle Paris, six heures du soir, le bruit, les bousculades, le métro qui reliera Lille à Villeneuve-d’Ascq ne ressemblera pas du tout à l’image traditionnelle qu’offre la RATP. La carte innovation a été jouée à fond. Au départ, une seule exigence, relier le centre de Lille à la ville nouvelle. A l’Université de Lille 3, les services du Professeur Gabillard étaient saisis du problème. Une étude était menée, elle faisait la synthèse des quatre caractéristiques essentielles du VAL. Investissement minimum, grande fréquence de passages, prix compétitif du billet, enfin, faible emprise au sol. En 1970, un projet était présenté à l’industrie.
Robert Gabillard
Il s’agissait de savoir quels allaient être les éléments de confort qu’on allait offrir aux voyageurs ; en particulier les dimensions dont ils allaient disposer pour leurs sièges, le pourcentage de places assises qui va être de 70 %, et la fréquence des rames, nous avons décidé qu’il passerait une rame toutes les minutes ; et cette fréquence est absolument nécessaire si on veut que ce mode de transport ait un pouvoir de dissuasion contre l’emploi de l’automobile. Il faut vraiment, si on veut éviter ces encombrements qui rendent la vie impossible dans le cœur des villes, que les propriétaires de voitures se rendent compte qu’ils ont vraiment intérêt à prendre un moyen de transport comme le VAL plutôt que d’utiliser leur voiture ; et intérêt, aussi bien du point de vue de leur confort personnel que du point de vue du temps qu’ils passent. Il faut qu’ils aient besoin de moins de temps en définitive avec le VAL qu’avec leur voiture.
Marc Drouet
Et c’est sur cette maquette, dans les laboratoires du Professeur Gabillard, que les automatismes ont été mis au point.
(silence)
Robert Gabillard
Il s’agissait qu’il soit économiquement possible d’offrir ce grand confort dont je viens de vous parler, c’est-à-dire une rame toutes les minutes. Pour cela, eh bien, il fallait supprimer le poste de dépense le plus important des systèmes de transport traditionnels, c’est-à-dire les frais occasionnés par le personnel de conduite. Et on ne pouvait y arriver qu’en automatisant entièrement le système.