Rétrospective, Mont Blanc

17 septembre 1986
07m 10s
Réf. 00016

Notice

Résumé :

Reportage à propos du Mont Blanc, point culminant des Alpes, à une altitude de 4 807 mètres. Depuis toujours, il passionne scientifiques et alpinistes. Il fut conquis pour la première fois en 1786 par Michel-Gabriel Paccard et Jacques Balmat, réalisant le rêve du savant Saussure, qui le gravira à son tour l'année d'après. Chamonix et Saint Gervais se disputent toujours sa propriété.

Type de média :
Date de diffusion :
17 septembre 1986
Source :
FR3 (Collection: Montagne )

Éclairage

Associé aux imaginaires liés à la haute altitude et à la nature préservée, le Mont Blanc constitue à la fois un sommet et un espace territorial caractérisé par son étendue et sa pureté investie tardivement par l'homme. Ce reportage, diffusé quelques semaines après les manifestations célébrant le bicentenaire de la première ascension du Mont-Blanc, a pour fonction de retracer les principaux événements ayant jalonné sa conquête en montrant que, malgré les progrès et les moyens importants investis pour le conquérir, une part d'incertitude et de mystère demeure. Les premières images comme les premiers mots rappellent cette situation en insistant sur la constance dans le temps d'un Mont Blanc éternel. Cette permanence a été déstabilisée le 8 août 1786 par la première ascension qui atteint son sommet. Véritable tournant dans l'inscription territoriale et politique du Mont Blanc, cette date structure ce reportage de la première à la dernière séquence. La saga de l'alpinisme est ainsi retracée pour souligner les profondes modifications qu'elle a engendrées dans l'appréhension d'un sommet resté longtemps vierge de toute présence humaine. Les températures extrêmes, la pente, les conditions difficiles sont illustrées par une série de séquences reconstituées ou réelles afin de souligner la dimension épique que revêt cette ascension. Images d'archives et prises de vues contemporaines associées à des reconstitutions en costumes d'époque sont mobilisées pour inscrire le Mont Blanc dans un processus historique et pour illustrer les étapes principales de sa conquête pédestre ou aérienne. Devenue une passion, elle s'est inscrite dans l'aventure touristique, sportive et scientifique. Elle a pu conduire à des duels dépassant la rationalité comme celui opposant au tournant du XXe siècle Charles Vallot, qui cartographia la topographie du massif, et Jules Janssen, qui installa un observatoire astronomique, rappelant le rôle important de ce sommet dans l'expérimentation dans des conditions extrêmes. Toutefois, c'est bien la dimension sportive qui s'est imposée au fil du XXe siècle amenant à enchaîner les exploits dont la contrepartie a été la multiplication des accidents ayant conduit à de nombreuses pertes humaines. S'il s'agit d'insister sur les risques importants associés à cette ascension même pour des alpinistes chevronnés, le reportage rappelle que de nombreux professionnels travaillent aux secours en montagne au péril de leur vie. L'accident de Pierre Mazeaud en juillet 1961, à l'occasion de la première ascension du pilier central du Freney sur le versant italien du mont Blanc est, parmi d'autres, un moyen de rappeler la puissance des éléments face à l'homme. En effet, réputé pour son fort caractère et son expérience gouvernementale au poste de Ministre de la Jeunesse et des Sports entre 1973 et 1977, Pierre Mazeaud est une personnalité reconnue au milieu des années 1980. La souffrance et le désespoir que lui a fait endurer le Mont Blanc, que les images et les commentaires rappellent avec force pour interpeller le téléspectateur, permet de mesurer l'exigence de ce massif qui reste, malgré l'accroissement du nombre d'alpinistes, un espace de haute montagne avec ses contraintes et ses dangers. La saga du Mont Blanc est aussi marquée par des accidents retentissants comme les crashs de deux avions de lignes en 1950 et en 1966, illustrés par des extraits des Actualités Françaises issus de plusieurs journaux télévisés de la 1ère chaîne de l'ORTF de février 1966. Ce territoire est également un lieu d'innovation via de nouvelles pratiques telles que l'aile delta, le parapente ou le surf. Alors que le Mont Blanc a été très longtemps abordé par l'intermédiaire de son ascension, les années 1980 ouvrent de nouvelles possibilités avec la valorisation de sa descente grâce à l'apparition de nouvelles glisses. Au cœur de controverses territoriales entre Chamonix et Saint Gervais, mais aussi entre la Suisse, l'Italie et la France, le Mont Blanc continue à attiser les passions.

Michaël Attali

Transcription

(Musique)
Bernard Lagarrigue
Pendant 45 millions d’années, il ne s’est rien passé au Mont-Blanc, du moins, rien d’exceptionnel. Le soleil et la lune jouaient à cache-cache avec le sommet, seul l’orage ou l’avalanche troublait cette vie paisible.
(Musique)
Bernard Lagarrigue
Il ne se passait rien jusqu’à ce 8 août 1786 où deux hommes venus du fin fond de la vallée foulèrent le sommet.
(Musique)
(Bruit)
Bernard Lagarrigue
Jacques Balmat et Gabriel Paccard, c’étaient leurs noms, réalisaient ainsi le rêve d’un jeune savant genevois Horace-Bénédict de Saussure.
(Bruit)
Bernard Lagarrigue
De ce jour, le Mont-Blanc ne devait plus connaître la paix. Chaque année plus nombreux, les alpinistes allaient parcourir ses faces, ses piliers et ses arêtes et s’appelaient Gervasutti, Bonatti, Desmaison, ou encore, Gabarrou, Christophe Profit.
(Musique)
Bernard Lagarrigue
D’autres, les plus nombreux, restaient anonymes, mais tous vivaient la même passion du Mont-Blanc.
(Musique)
Bernard Lagarrigue
Cette passion du Mont-Blanc devait prendre parfois des tournures très étonnantes.
(Musique)
Bernard Lagarrigue
Ainsi cette guerre des observatoires qui opposa, à l’aube de ce siècle, deux scientifiques, Charles Vallot et Jules Janssen, qui, malgré leur intelligence, se disputèrent la gloire d’avoir le plus haut laboratoire du monde. Janssen avait même installé son laboratoire au sommet, affront que le Mont-Blanc ne devait pas accepter, engloutissant la fragile construction dans ses glaces.
(Bruit)
Bernard Lagarrigue
Seule trace de cette guerre fratricide, le laboratoire Vallot qui, aujourd’hui encore, accueille diverses équipes de chercheurs.
(Bruit)
Sylvie Bertholet
Faire le Mont-Blanc à l’heure actuelle, c’est toujours une aventure, même si l’on dénombre en moyenne 2000 personnes à l’année qui parviennent à son sommet par les voies normales. Pourtant, le maître ne se laisse pas conquérir sans dommage et la saga du Mont-Blanc ne s’est pas écrite sans drame. Certains ont marqué douloureusement les mémoires.
(Bruit)
(Musique)
Journaliste
Pendant de longs jours, des regards angoissés se sont fixés sur les pentes du Mont-Blanc. Le 27 décembre, Chamonix avait été alerté, deux alpinistes, Vincendon et Henry étaient en péril. Une tempête de neige noyait la montagne.
(Musique)
Journaliste
Enfin, on les avait découverts à la jumelle, vivants. Depuis quatre jours et quatre nuits, ils résistaient à la neige et au froid. A la première éclaircie, les hélicoptères partirent.
Sylvie Bertholet
Ainsi en 1957, le drame Vincendon-Henry fût peut-être l’histoire la plus tragique du massif.
(Bruit)
Journaliste
Mais en voulant atterrir, le premier se fracassait à quelques mètres des deux hommes en perdition. Il y avait maintenant 6 naufragés de la montagne.
(Bruit)
Sylvie Bertholet
De l’organisation des secours devait découler une longue polémique et aussi plus positivement, la généralisation du sauvetage héliporté.
(Bruit)
Sylvie Bertholet
Autre tragédie en 1961, quatre des meilleurs alpinistes français et étrangers disparaissaient au pilier du Frêney.
François Barnole
Lieutenant [Potel], vous arrivez à l’instant,
Lieutenant Potel
Oui Monsieur !
François Barnole
Je crois de l’hôpital Saint-Luc où…
Lieutenant Potel
Oui !
François Barnole
Où vous venez de déposer Mazeaud, que vous êtes allé chercher ce matin à Courmayeur.
Lieutenant Potel
Oui.
François Barnole
Il était dans quel état ?
Lieutenant Potel
Oh, ben, quand je l’ai pris dans la montagne, il était, il m’a fait l’effet d’un homme foudroyé par les événements, il était complètement nettoyé. Quand on l’a chargé dans l’appareil, il pleurait, sa tête bougeait, il était vraiment, vraiment au plus bas degré qu’un homme puisse être du point de vue de la douleur et du point de vue du désespoir.
Pierre Mazeaud
Nous sommes 3 donc sur 7 à être vivants, ce qui était un très lourd tribut pour la montagne. Pour moi, ça a été terrible, ça le sera toujours d’ailleurs. Et des amis comme Kohlmann, ou Antoine Vieille hélas, je ne les reverrai jamais, voilà.
(Bruit)
Sylvie Bertholet
Auparavant en 1951, l’histoire de l’aviation avait été, elle-même, marquée par la catastrophe du Malabar Princess, un avion de ligne indienne. Le glacier des Bossons continue à rejeter parcimonieusement les restes des 300 corps qu’il conserve jalousement depuis.
(Bruit)
(Musique)
Sylvie Bertholet
Ultime demeure pour certains, le Mont-Blanc n’en reste pas moins pour d’autres le plus grand terrain de jeu d’Europe. Il est ainsi le théâtre des exploits les plus insolites et les plus fous.
(Musique)
Sylvie Bertholet
Exploit que celui d’Henri Giraud qui, en 1960 posa pour la première fois un avion au sommet.
(Musique)
Sylvie Bertholet
D’autres, après lui, l’atteignirent par la voie des airs, en ULM, en parachute, en deltaplane.
(Musique)
Sylvie Bertholet
Mais le grand livre des records et des premières est loin d’être refermé. C’est à qui, aujourd’hui, s’octroie la montée la plus rapide, le plus grand nombre d’ascensions ou encore le plus long bivouac à 4807 mètres. Certains allant même jusqu’à s’offrir en 10 minutes, les joies d’une descente en surf de 1800 mètres de dénivelés.
(Musique)
Sylvie Bertholet
Terrain d’entraînement, sujet de convoitise, exutoire des passions humaines, le Mont-Blanc est pourtant l’objet de polémiques plus terre à terre. Ainsi, si d’en haut, il continue de dominer la vallée, en bas, deux communes, Chamonix et Saint-Gervais, se disputent toujours et encore sa propriété.
(Musique)
Inconnu
Moi je crois que si Balmat, il avait su que ça fasse un tel merdier 200 ans après, il ne serait jamais monté là-dessus.
(Bruit)