Des russes aux Sept Laux

18 janvier 2005
06m 17s
Réf. 00061

Notice

Résumé :

1 client sur 2 dans les stations françaises de sports d'hiver est étranger. Les derniers en date sont les Russes, avec notamment l'arrivée de la classe moyenne russe dans les stations françaises. L'aéroport de Grenoble-Saint Geoirs a connu une croissance de 40% des passagers en un an. La clientèle russe représente 20% du trafic. La station familiale des Sept Laux a accueilli en janvier 2005 environ 220 clients russes pour des séjours allant de 10 à 15 jours.

Date de diffusion :
18 janvier 2005
Source :

Éclairage

On associe traditionnellement le tourisme russe à une élite d'oligarques fortunés comme le milliardaire du nickel Mikhaïl Prokhorov, venus dévaler les pentes de Courchevel dans les années 1990. Ce reportage du 18 janvier 2005 de l'édition Rhône Alpes soir de France 3 s'inscrit en faux contre cette image « bling bling » du tourisme de sports d'hiver russe en France – image rappelée opportunément par le journaliste Jacques Thiébault au début du document. Si ce reportage montre que les stations de sports d'hiver continuent d'être en quête de nouvelles opportunités recherchées au cœur des pays dits « émergents » comme la Russie depuis l'effondrement de l'empire soviétique, puisque « depuis des années, le nombre de skieurs européens stagne », il déjoue le fantasme du tourisme russe aisé susceptible de sauver une station. Il fait apparaître une nouvelle clientèle russe – et une nouvelle manne économique pour les stations de ski rhône-alpines : celle des classes moyennes. Les longs plans sur cette nouvelle clientèle contrastent avec les clichés sur le tourisme de sport d'hiver russe. Casque sur les oreilles, entassée dans l'aéroport, elle arrive dans le cadre d'un tourisme assuré par des tours-opérateurs (il y en a près d'une trentaine qui programment les stations alpines). Vêtue plutôt modestement, elle fréquente des établissements ordinaires pour y manger un banal steak-frites-salade. Débutante dans la pratique du ski, familiale, elle gâterait un peu trop ses enfants d'après le journaliste : cette image d'Epinal est fréquemment mobilisée dans le cas de la clientèle russe. « Moins fortunée », elle est « plus nombreuse » : 26 000 passagers en 2003-2004, selon l'aéroport de Grenoble, soit « 20% du trafic ». Elle a surtout l'avantage, comme son homologue richissime de Courchevel, d'occuper « les creux » des premières semaines de janvier. Nouveauté aussi, c'est la « station familiale du massif de Belledonne » qui accueille cette clientèle. La station des Sept Laux, en dépit d'un brouillard persistant une bonne partie du reportage, est montrée comme une station moderne, comme en témoignent les plans sur les remontées mécaniques et les pistes de ski, mais plutôt modeste. Nous sommes loin des fastes de Courchevel lorsque la caméra s'attarde longuement sur les panneaux du menu d'un restaurant dont les locaux vides, en dehors des quelques clients russes, ne donnent pas nécessairement envie de pénétrer dans les lieux. L'insistance sur les tarifs – 500 euros tout compris – rappelle que cette station, qui appartenait à la série des stations Merlin, du nom du promoteur immobilier des années 1970, est avant tout une station populaire de proximité, fréquentée le week-end par les Grenoblois et les Lyonnais et la semaine par les étudiants et les comités d'entreprises en raison de tarifs attractifs. Il s'agit ici d'utiliser cet argument des prix pour mobiliser une clientèle qui soit cette fois-ci à même d'occuper le parc immobilier existant. Enfin, le reportage, tout en dressant des perspectives optimistes, le fait que désormais certains clients russes soient capables pour venir de faire trois jours de voiture ou encore qu'ils soient dépensiers, aborde un sujet plus sombre. « Les compatriotes de Vladimir Poutine », le nom du président russe étant délibérément évocateur, sont « surveillés ». Jusqu'en 2007, la délivrance de visas aux citoyens russes en France ne s'opérait pas sans difficultés, ce qui limitait de facto l'arrivée des touristes russes. Le reportage ne nous dit cependant rien de la concurrence exercée par d'autres destinations comme l'Autriche et s'il chiffre le nombre de clients russes, il nous donne en réalité peu d'éléments sur cette classe moyenne.

Isabelle Gaillard

Transcription

Pauline Alleau
Depuis des années, le nombre de skieurs européens stagne et les stations se creusent la tête pour attirer une nouvelle clientèle. Dernière cible en date, les Russes, la classe moyenne soviétique afflue sur nos pistes. C’est un reportage de Jacques Thiébault et François Blanchard dans le massif de Belledonne.
Jacques Thiébault
Un client sur deux, aujourd’hui, dans les stations françaises de sport d’hiver, est étranger. Une bonne quarantaine de nationalités ainsi y sont représentées, dernière en date, les ressortissants des pays de l’ex-empire soviétique, russe en particulier.
(Bruit)
Jacques Thiébault
Les premiers ressortissants russes ont fait leur apparition voilà dix ans ou presque dans les stations alpines, à Chamonix, à Courchevel, les stations les plus huppées, où le champagne, paraît-il, coulait à flot. La nouvelle clientèle est plus familiale, moins fortunée, mais surtout beaucoup plus nombreuse, ils sont arrivés ainsi plus de 3000 dimanche dernier, à Saint-Geoirs.
(Bruit)
Jacques Thiébault
A trois heures et demie de Moscou, l’aéroport de Grenoble Saint-Geoirs est la plaque tournante de ce trafic. Chaque dimanche de janvier, une vingtaine d’avions gros porteur effectuent la navette. Le nouvel an russe était cette année fixée au 13 janvier, le creux de saison dans les stations françaises coïncidaient donc avec les vacances scolaires de cette nouvelle clientèle. Prix moyen du séjour négocié par les tours opérateurs russes, 500 euros par personne, incluant transport, hébergement, et remontées mécaniques, à la portée, apparemment, de la classe moyenne.
(Bruit)
Delphine Bollon
On enregistre une croissance depuis deux, trois ans, c’est un marché nouveau. Par rapport à l’hiver dernier, on va enregistrer une croissance de 40%. En nombre de passagers, ça correspond à 26 000 passagers que nous avons reçus l’année dernière, sur l’hiver 2003-2004. Cette année, ça va représenter à peu près 37 000 passagers. La clientèle russe représente 20% de notre trafic, sachant que l’essentiel sont les Britanniques.
Jacques Thiébault
Britanniques et Scandinaves ?
Delphine Bollon
Britanniques 60%, Scandinaves 20% et les Russes 20% du trafic, oui.
(Musique)
Jacques Thiébault
Une heure et demie de car plus tard, les Sept Laux, la station familiale du massif de Belledonne a ainsi vu débarquer cette nouvelle clientèle de façon discrète l’an dernier, et puis, plus massive depuis le début de ce mois de janvier. A l’office du tourisme, comme dans les agences de location de meublés, on ne parle pas encore la langue de Tolstoï, mais on se débrouille avec les mains, sinon un anglais de cuisine.
(Bruit)
Christian Yobrégat
On en a reçu hier 98, il y en a qui sont, qui viennent donc en séjour pendant 10 jours, donc du 12 au 22 janvier. On en avait à peu près autant entre le 2 et le 12 janvier, et on a quelques clients qui restent deux semaines, donc qui sont arrivés dimanche. Au total à l’heure actuelle, on peut dire que on a un peu plus, on avait dans les 200, 220 clients russes arrivés au Sept Laux. La semaine dernière est, fait exceptionnel, c’est la première fois que je voyais ça depuis le temps que je reçois des touristes, on avait des touristes russes qui arrivaient en voiture. Voilà donc, qui avaient fait 3000 kilomètres en voiture, trois jours de voyage aller, trois jours de voyage retour.
Jacques Thiébault
La clientèle russe des Sept Laux est moins bruyante que celle des milliardaires de Courchevel. Elle dispose néanmoins d’un pouvoir d’achat conséquent, on donne facilement un billet de 50 Euros à un enfant pour qu’il aille jouer avec les consoles vidéo pendant que les parents finissent de dîner.
(Bruit)
Jacques Fontaine
Comme toutes les stations, je pense, on a des difficultés à remplir un petit peu toutes ces périodes si creuses ; et là, effectivement ça nous permet d’avoir une clientèle relativement fidèle, on va dire, parce que dès qu’on les a accrochés, moi je vois que pour nous, on les a tous les après-midi. Le vin chaud, la dégustation un petit peu des alcools du pays, et on les retrouve très facilement le soir, en famille, puisque là, on avait pas mal de familles. Donc, ça nous permet de travailler et puis de voir le mois de janvier d’une façon un petit peu plus sereine, on va dire.
Jacques Thiébault
Une liberté quand même très surveillée pour les compatriotes de Vladimir Poutine, les autorités russes ont fixé la date du retour et veulent savoir la destination de leurs ressortissants. L’obtention des visas fait partie des tâches du tour opérateur.
Svetlana Bessonova
Ah, ils ont vraiment besoin…, ils ont besoin de leur nom, leur date de naissance, les numéros de passeport. Ils ont besoin de savoir la date qu’ils quittent le pays, ils ont besoin de savoir à quel moment ils rentrent dans le pays, et c’est très strict.
Jacques Thiébault
Ces amateurs de sports d’hiver sont peu expérimentés pour la plupart. Aussi, les voit-on davantage sur les pistes bleues du bas de la station que tout en haut, à 2500 mètres d’altitude. Mais rares sont ceux, pour l’instant, qui prennent des cours.
Intervenant
Elle a demandé une leçon particulière pour apprendre à skier, et c’est la première glissade mais elle a beaucoup pratiqué le cross country skiing, c’est le ski de fond ! Ce qui fait qu’elle a déjà une aisance superbe.
Jacques Thiébault
Des visiteurs russes qui font provision de souvenirs à l’intention de leurs proches restés au pays. L’engouement est tel que le tour opérateur, déjà, envisage de proposer de nouveaux séjours dès le mois de mars.
Inconnu
[Russe]. I make a videopicture of my friends.
(Bruit)