Saint-Gilles-Croix-de-Vie

18 juillet 1985
07m 14s
Réf. 00216

Notice

Résumé :
A Saint-Gilles-Croix-de-Vie, la plaisance est un attrait de poids mais, pour développer son secteur culturel, la ville réhabilite une ancienne conserverie en lieu culturel et y organise un festival de jazz. Dans ce site de plaisance, le maître du port, ancien pêcheur, est satisfait de son rôle mais est nostalgique d'une ambiance familiale disparue.
Date de diffusion :
18 juillet 1985
Source :

Éclairage

Riveraine de l’estuaire de la Vie, la commune de Saint-Gilles-Croix-de-Vie est née en 1967 du regroupement d’une paroisse médiévale – Saint-Gilles rive gauche – et d’un lotissement seigneurial du XVIe siècle – Croix-de-Vie rive droite– dont les noms ont été associés.  Dès le XIXe siècle, le secteur a accueilli des touristes attirés par ses plages, grâce à l’arrivée du chemin de fer (gare en 1880). De 2.000 visiteurs à la Belle Epoque, la fréquentation estivale passa en effet à 10.000 sous le Front Populaire, 20.000 après-guerre pour atteindre 100.000 dans les années 1980. Saint-Gilles-Croix-de-Vie a également été un port de pêche très actif, le second de Vendée après les Sables d’Olonne. On y a pratiqué la pêche aux migrateurs (sardine, thon et anchois) dont les apports, vendus en gros par l’intermédiaire d’une criée fondée en 1880, fournissaient les conserveries : 13 en 1890, 3 en 1985, une seule aujourd’hui, la conserverie Gendreau (fondée en 1903).
Le décennie 1960 correspond à une première vague de transformations importantes, avec la chute des rendements des pêches aux migrateurs, et la reconversion des pêcheurs vers le marché du poisson frais. Parallèlement, l’hébergement touristique et de villégiature suit les tendances de la côte de Monts avec un premier immeuble collectif en 1968, la mise en chantier du port de plaisance (1974) et l’installation d’un village de 2.500 pavillons par le groupe Merlin (1979), qui vaut à la cité la Une – peu flatteuse – de l’émission « La France défigurée » en 1976. La population communale double entre 1960 et 1970, passant de 3.000 à 6.000 habitants pour une commune qui en compte aujourd’hui 7.500. Le port de plaisance baptisé « Port la Vie » fait partie de ces aménagements réalisés dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire. Il a été inauguré en 1984 et offrait alors 600 places contre 1.100 aujourd’hui.
« Port la Vie » a été un levier de revitalisation de la cité. Dès le début des années 1980, il offre une aire de services aux camping caristes, qui figurent un nouveau mode de découverte du littoral. Il redonne surtout un nouveau souffle aux relations de la cité avec la mer, dégradées suite aux restructurations des pêches et à la fermeture des conserveries, avant que le succès des chantiers Bénéteau ne rejaillisse sur la commune. De grands projets sont lancés autour de friches industrielles (conserverie, séchoir) dégradées après avoir servi d’ateliers municipaux. Au cœur des années 1980, il s’agit d’une action publique innovante, inédite pour une ville de cette dimension, d’autant que le projet consiste à mettre le local rénové à la disposition des besoins culturels tout au long de l’année.
D’une capacité de 1.000 places, La Conserverie sur le quai Grenier reste le symbole de cette reconversion réussie. Depuis 1984, date de la première édition, elle abrite le festival de jazz « Saint-jazz-sur-Vie » qui se tient chaque week-end de Pentecôte. L’espace offre aussi un fort potentiel en saison. Les associations locales s’en sont aussi emparées, été comme hiver. Enfin, la bibliothèque municipale occupe l’ancien séchoir. Comme le fait sentir le témoignage de Jules Robriquet, capitaine de port en 1985, qui partage ses souvenirs de mousse à la pêche (13 ans en 1945), cette intense vie culturelle recouvre alors le souvenir de l’ancienne animation du port. A cet égard, les années 1980 sont bien celles d’un passage de témoin, la disparition d’un mode de vie traditionnel a précédé de peu celle de ses acteurs vieillissants, laissant la place à de nouveaux modèles, portés par des populations et des politiques nouvelles.
Thierry Sauzeau

Transcription

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(bruit)
Evelyne Garcia
Bienvenue à Sidum, Sidum, c’est le tout premier nom de Saint-Gilles du temps où les phéniciens et surtout les romains avaient établi leur comptoir. Ce port qui, au XIIe siècle prendra le nom de Saint-Gilles, du nom d’un monastère languedocien, est aujourd’hui un endroit bien typique et très agréable pour y passer ses vacances. Mais ce n’est pas que ça car on y vit aussi toute l’année.
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Evelyne Garcia
Il est bien frais le poisson de la criée à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, et pour cause, ce port est le deuxième de Vendée, tant pas sa notoriété que par sa capacité. Car Saint-Gilles, c’est d’abord un port spécialisé dans la sardine, le thon et où l’on pratique d’une manière générale le chalutage et la pêche pélagique. Saint-Gilles est aussi une ville industrielle. 1300 personnes viennent chaque jour y travailler dans deux secteurs liés d’ailleurs à la mer. Les très connus chantiers navals reconvertis dans la plaisance et dans les trois conserveries qui restent, il y en avait 13 il y a quelques décennies. Saint-Gilles est enfin et depuis 1982 une station balnéaire. Mais les vacanciers n’ont pas attendu cette date pour venir y bronzer. Déjà, en 1862, le développement du train et la mode des bains de mer drainaient ici aux beaux jours une population importante. Un accroissement qui ne s’est pas arrêté car si hors saison, la population est de 6 339 personnes, en pleine saison, 70 000 à 100 000 personnes viennent ici pour diverses raisons. Les premières étant les commerces et les plages, mais aussi et bien sûr le port de plaisance. Le développement de la station ne doit pas s’arrêter là puisque d’ici 10 ans, un redéploiement touristique est prévu dans le cadre de l’aménagement du littoral vendéen, affaire à suivre. J’ajouterais que nous avons trouvé ici une aire de service réservée aux camping-cars. Quand on sait les difficultés que rencontrent les adeptes de cette formule vacances, on comprendra l’intérêt de cette aire de service, d’autant que on peut y bénéficier de toutes les prestations. A Saint-Gilles, c’est normal, on ne se plaint pas de cet essor touristique, mais on n’a pas envie de s’arrêter à la performance économique en soi. Aussi, on a décidé de s’orienter vers un désenclavement culturel. Ainsi, à la limite du symbole, on va maintenant réhabiliter une conserverie.
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Evelyne Garcia
Il y avait un espace important, des murs, des toits, plusieurs salles, le tout à remettre évidemment en état. Alors, on s’est dit, pourquoi ne pas y créer une salle de spectacle pouvant accueillir plus de 1000 personnes ? Et pourquoi, dans l’ancienne salle de séchage, ne pas y installer une bibliothèque ? Aussitôt dit, aussitôt fait, je prends là quelques raccourcis. La première tranche des travaux a permis le sauvetage de la toiture principale, cet ensemble sera opérationnel dans trois ans, il coûtera 7 millions de Francs. Ce patrimoine qu'est l’ancienne conserverie revivra différemment, un pari calculé, semble-t-il.
Christian Nayl
Les besoins sont de deux ordres, hors saison, on a déjà réalisé quelques manifestations qui prouvent qu’une salle pouvant contenir 1000 personnes est à peu près à notre mesure, exemple le festival de jazz. Et puis, pendant la saison, bon, il y a un énorme potentiel ici, avec les touristes, et beaucoup d’associations de Saint-Gilles-Croix-de-Vie ont besoin d’organiser des manifestations rentables pour pouvoir offrir hors saison à leurs adhérents tout ce qu’elles peuvent leur proposer.
Evelyne Garcia
Y a-t-il une nécessité d’une bibliothèque aussi importante que celle que vous envisagez ?
Christian Nayl
Ecoutez, la bibliothèque de Saint-Gilles-Croix-de-Vie est très ancienne et très bien organisée. Elle dispose, je crois, d’au moins 15000 volumes et je crois savoir que plusieurs milliers de livres, je crois près de 4000, sont actuellement dans des caisses et ne peuvent être mis à la disposition du public. C’est dire que utiliser les bâtiments de l’ancien séchoir pour faire de la conserverie paraît tout à fait approprié.
Evelyne Garcia
Jean-Luc Leroux, vous qui organisez le festival de jazz de Saint-Gilles-Croix-de-Vie depuis maintenant deux ans, est-ce que vous êtes satisfaits de cette structure, puisque c’est là que vous faites ce festival ?
Jean-Luc Leroux
Ben oui, nous sommes très satisfaits de cette structure parce que elle nous donne absolument tout ce dont on a besoin, une âme et une place exceptionnelles.
Evelyne Garcia
Est-ce que sur le plan acoustique, elle est valable ?
Jean-Luc Leroux
Très valable, si les travaux ont été, d’aménagement ont été commencés, c’est bien parce que un grand acousticien de valeur internationale est venu la visiter.
Evelyne Garcia
Un festival de jazz qui a lieu à la Pentecôte, c’est un petit peu bizarre parce que partout en France, cela se déroule en été, alors, pourquoi ce choix ?
Jean-Luc Leroux
Parce que l’été se suffit à lui-même dans une station comme la nôtre, et que par contre, nous tenons à faire vivre la ville le plus souvent possible en-dehors de la saison.
Evelyne Garcia
Cette année, il y a eu des noms importants dont celui de Memphis Slim, est-ce que pour l’année prochaine, vous envisagez une affiche aussi prestigieuse ?
Jean-Luc Leroux
De toute façon, nous resterons toujours avec de très grands artistes de valeur internationale.
Evelyne Garcia
Des noms ?
Jean-Luc Leroux
Des noms, [the star of face] c’est sûr, mais nous aurons plein d’autres encore l’année prochaine.
Evelyne Garcia
Y a-t-il une demande ?
Jean-Luc Leroux
Oui, alors c’est les musiciens eux-mêmes qui nous appellent maintenant parce que la réputation est faite dans le milieu que c’est un bon festival.
Evelyne Garcia
Nous sommes ici sur le port de plaisance, vous l’avez constaté, depuis le début de cette séquence, où autour de la capitainerie se créée toute une structure d’accueil et de loisirs. Et dans ce port, nous avons rencontré un personnage fort sympathique, Jujules Robriquet, c’est un ancien marin pêcheur devenu maître de port.
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Jules Robriquet
J’ai embarqué à bord du bateau de mon père qui s’appelait Le Murmure des Flots, à 13 ans, pendant les vacances scolaires, c’était en 1945, juste à la libération de la France.
Evelyne Garcia
Aujourd’hui, vous n’êtes plus du tout sur un bateau de pêche, alors, ça ne vous manque pas, ça ?
Jules Robriquet
Si, ça me manque de temps en temps, quoi, de retrouver toute cette vie de famille de pêcheurs et avec des camarades, quelquefois, je vais faire des tours en mer comme ça, pour reprendre, s’oxygéner un peu, quoi !
Evelyne Garcia
Aujourd’hui, si je vous demandais, est-ce que il y a une anecdote qui vous a marqué au cours de votre vie, qu’est-ce que vous me raconteriez ?
Jules Robriquet
Euh, une anecdote, c’était surtout la vie, la vie familiale avec des équipages. Quand nous rentrions du port, de la pêche, tous les équipages se réunissaient dans des cafés et là, on, on cassait la croûte, c’est-à-dire qu’on appelait ça la cotriade, hein ? C’était du poisson qui était juste pêché, et que le mousse, bon, j’étais mousse à l’époque, eh bien, on, on faisait la cuisine et on servait tous ces, tous ces marins de plusieurs générations avant moi, quoi ! Et ces marins qui avaient navigué beaucoup à la voile et qui racontaient des anecdotes de mauvais temps, de, de naufrages et tout ça, ça marquait un peu quand même !
Evelyne Garcia
Est-ce que ça existe encore aujourd’hui, ça ?
Jules Robriquet
Malheureusement, tout ça, c’est, avec l’évolution de la pêche qui est de plus en plus dure, premièrement et avec des engins modernes, non, tout ça a disparu. Les matelots, quand ils débarquent, prennent le pot de l’amitié au café, ils s’en vont chez eux, alors tout ça, ça ne se passe plus mais c’est dans tous les cafés, c’était vraiment typique. Et quand la pêche était bonne, eh bien, chaque marin, des fois, chantait sa chanson.