Pêche au thon blanc à la ligne traînante

20 octobre 2005
06m 31s
Réf. 00231

Notice

Résumé :
Les pêcheurs de l'Île d'Yeu se reconvertissent à la pêche du thon blanc à la ligne traînante après les mesures européennes interdisant le filet maillant-dérivant. On suit le Petit Gaël en mer au sein de la flotille française, petite comparée à l'Espagnole visible au loin. Et on découvre une pêche artisanale, économe et sportive, menée par des hommes soucieux de vendre un poisson de qualité.
Date de diffusion :
20 octobre 2005
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Éclairage

Après l’interdiction de la pêche au filet maillant dérivant, en 2001, les pêcheurs de l'île d'Yeu se sont réapproprié la technique traditionnelle de la pêche du thon blanc. L'équipe de tournage a suivi une marée à bord d’un thonier. Il s’agit d’une pêche active, qui sollicite l’instinct du pêcheur et son sens de l’observation. Au sommet de la chaîne alimentaire, le thon est un grand prédateur qui se déplace en banc, et signale sa présence par le bouillonnement que créent ses proies en fuite (anchois, sardines, seiches et calamars juvéniles) à la surface de l’eau. C’est le signe que recherchent les matelots filmés en train de scruter l’horizon. La pêche consiste ensuite à traverser le banc de poisson en traînant deux lignes tendues par des perches, ou tangons, fixés de chaque côté de la coque du navire. Le thon est pêché au leurre. Environ 13 hameçons sont accrochés à un bas de ligne plombé, d’environ 6 mètres de long, traîné à faible profondeur au bout d’une ligne de 20 à 25 mètres. Le travail s’effectue en équipe, chacun signalant à l’autre la position du banc à travers lequel les bateaux pourront réaliser une passée à tour de rôle, avec leurs traînes. Les pêcheurs islais pratiquaient ce type de pêche avant d’adopter la pêche au filet.
Le reportage montre que les gestes anciens, un temps abandonnés, n’ont pas mis longtemps à revenir. Ainsi voit-on le patron pratiquer le piquage d’un thon de qualité et de bonne taille, tué sur le coup, pour éviter qu’il ne s’abîme en se débattant sur le pont, avant d’être immédiatement glacé. Dans les années 1980, les Islais avaient abandonné cette pêche devenue trop coûteuse en main d’œuvre et pas assez productive. Avec sa main d’œuvre bon marché, la flotte espagnole a poursuivi la pêche aux lignes. De retour sur les zones de pêche avec une modeste flottille de 6 bateaux, les gens de l’île d’Yeu à l’instar du patron du Petit Gaël, ont ainsi l’impression de partir à la rencontre d’une véritable armada. Ces zones de pêche du golfe de Gascogne sont déterminées par la migration du poisson migrateur, qui remonte des Açores vers l’Irlande à partir du mois de juin et redescend le long du plateau continental au début de l’automne. Il suit tout bonnement ses proies qui migrent elles-même à mesure que les eaux de l’Atlantique nord se réchauffent ou se refroidissent. C’est donc à une pêche saisonnière que se livrent les Islais. Ils la complètent par la capture d’autres espèces telles la sole, le bar ou le merlu, le reste de l’année. A la pêche au thon, l’information est la clé de la réussite.
Au final, cette restructuration de la pêche au thon dans les années 2000 a amené une forme de résignation chez les pêcheurs. La flotte de l’île d’Yeu y a perdu de nombreuses unités. On sent poindre l’amertume derrière les explications. Il n’empêche que lorsqu’on interroge les matelots, cette pêche à la ligne traînante leur apporte plus de sensations et de satisfaction que la pêche aux filets maillants dérivants qu’ils ne regrettent pas. D’autre part, les apports moins massifs – 2 à 3 tonnes / jour, 100 fois plus pour un fileyeur – ont permis une revalorisation progressive des cours du thon blanc. La production française de 2010 étant revenue au niveau de celle de 1980, le prix au kilo, établi à 1,60€ en 2002 atteignait 2,80€ en 2011. La course à la productivité ayant abouti à la mise en danger de l’écosystème, une forme de pêche raisonnée s’est imposée au début du XXIe siècle. Fiers de leur savoir-faire, si les marins de l’île d’Yeu pêchent moins, le danger de la surproduction s’est éloigné, et les cours du thon se sont appréciés.
Thierry Sauzeau

Transcription

Présentateur
La pêche française va-t-elle survivre après la fermeture de la pêche à l’anchois ? Sur le littoral atlantique, on se demande bien si Bruxelles va décider de ré-ouvrir cette pêcherie, et cela dès le début de l’année prochaine, une pêche qui semble destiner à l’Espagne. Faute d’anchois, les pêcheurs français pêchent du thon, au risque parfois d’exploser les quotas. Christophe François a passé quelques jours en mer pour suivre une équipe qui pêche le thon.
bruit
(bruit)
Journaliste
Au large, normalement, la mer est à tout le monde, aux thons, elle est surtout aux espagnols.
bruit
(bruit)
Journaliste
Face à la flotte espagnole de plusieurs centaines d’unités, la flottille des thoniers français fait figure de petit village gaulois. Cinq à six bateaux de l’Ile-d’Yeu, rejoints par deux Bretons, ont décidé de retourner à la pêche au thon blanc. Depuis 2002, la technique du filet maillant leur est interdite. Qu’à cela ne tienne, ils attraperont ce grand migrateur avec du nylon et des hameçons comme les anciens.
bruit
(bruit)
Intervenant
Là, je regarde s’il n’y a pas de poisson sur l’eau. Le thon, il est dans un endroit où il mange, il est dans le restaurant quoi, si on passe dans le restaurant c’est bon.
bruit
(bruit)
Eric Taraud
Voilà l’hameçon avec la leurre dessus et puis le petit truc rouge, donc on a l’hameçon, après, on a 5 ou 6 m de nylon là.
bruit
(bruit)
Eric Taraud
Et après les plombs. Les plombs pour un peu couler la ligne, mais avec la vitesse du bateau, ça ne coule pas beaucoup, c’est presque en surface. Puis, après la ligne est entière, qui doit faire une vingtaine de mètres, c’est une petite ligne ça, une vingtaine de mètres.
Journaliste
Treize hameçons, treize lignes accrochées à l’arrière du bateau ou sur des grandes perches qui donnent au thonier cette allure si particulière. Lorsque l’élastique se tend, à l’autre extrémité de la ligne, après parfois des heures d’attente, l’équipage réagit en une seconde.
bruit
(bruit)
Eric Taraud
Il vient des Açores, en débit de saison et ils remontent vers l’Irlande. Après, ils redescendent le long du plateau continental, et on en repêche au fond du golf de Gascogne en fin de saison quoi.
Journaliste
Un poisson qui se déplace sur des milliers de kilomètres au grès de la température de l’eau et de son menu du jour n’est pas facile à repérer. Un seul moyen, partager les informations.
Eric Taraud
C’est du travail en flottille, on est en flottille, ce n’est pas un…, on se croise, s’il y en a un qui pêche, il faut le dire aux autres. La clé de la réussite pour la pêche au thon, c’est ça, un travail d’équipe quoi.
bruit
(bruit)
Journaliste
Chaque ligne porte un nom, sabay, grand pic, [Inaudible], deuxième, un nom qui sera crié pour donner l’alerte. Immédiatement, le premier homme disponible se précipite sur moulinet s’il a de la chance.
bruit
(bruit)
Journaliste
Sinon, ce sera à l’ancienne.
bruit
(bruit)
Journaliste
Le pic passe directement dans le cerveau là ?
Eric Taraud
Oui, on le pique directement pour ne pas qu’il… Puisque quand il tape sur le pont, il s’abîme. Donc, il ne faut pas le laisser taper sur le pont, la chair s’abîme. Parce que si on ne le pique pas, il va taper pendant 20 minutes, il va mourir à bout de sang, mais il ne va pas mourir tout de suite hein.
bruit
(bruit)
Journaliste
Au maximum, le thon attendra quelques secondes qu’un marin se libère et vienne le piquer. Frais pêché, frais tué, le thon est au cœur de toutes les attentions. Placé ensuite dans l’eau glacée, il conservera sa fraîcheur et sa qualité. Une pêche sportive et artisanale avec un poisson de qualité, la philosophie reçoit l’adhésion de l’équipage.
bruit
(bruit)
David Orsonneau
C’est plus de l’acharnement, tu as un bon poisson au bout de ta ligne. Tu es à la pêche quoi au filet avant, tu virais ton filet, puis il y avait, il n’y avait pas, ben, tant pis hein. La journée était comme ça. Tandis que là, tu as espoir toute la journée jusqu’à la fin.
bruit
(bruit)
Eric Taraud
Ça c’est de la belle came, oui. On était parti un peu plus ouest, en excursion avec un autre bateau. On a pêché une trentaine de gros poissons ce matin. Il y en a pas trop, mais c’est du bon poisson quoi, la qualité et la grosseur est là.
Journaliste
Au terme de cette campagne de thon qui dure de juin à octobre, avec des marées de 5, 10, 15 tonnes et un poisson de qualité. Les ligneurs de l’Ile-d’Yeu ont ouvert une nouvelle voie pour la pêche au thon blanc. Très économe en équipement et en gazole, car pratiqué à petite vitesse, elle permet aussi de laisser souffler certaines espèces de poisson. Le merlu, la sole, ces pêcheurs les retrouveront cet hiver lorsque le thon sera bien loin. Cette pêche à la ligne trainante, Eric Taraud et les autres marins aimeraient juste que les prix du marché en reconnaissent la qualité et pourquoi pas un label.