Construction de la nouvelle digue à Bouin

18 octobre 1966
05m 45s
Réf. 00590

Notice

Résumé :
La nouvelle digue de protection des terres est achevée à Bouin, après des années de travaux intensifs compliqués par d'importantes tempêtes. Ces travaux étaient, au regard de l'état de l'ancienne digue, indispensables. Le Maire et le Préfet semblent aujourd'hui satisfaits, d'autant que cette protection permettra le développement agricole et ostréicole dans la région.
Date de diffusion :
18 octobre 1966
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Éclairage

Bouin est une commune à l’histoire très particulière. Il s’agit d’une île rattachée au continent dans le courant du XVIIIe siècle, par l’action d’entreprises de dessèchement qui transformèrent en terres agricoles les bras de mer qui la séparaient du reste du Poitou ancien. Le reportage s’ouvre sur l’interview du maire qui évoque les colères océanes et les submersions qu’elles ont entraînées ici. Son récit d’un « vimer » – un raz-de-marée – survenu le 7 juin 567, par temps calme, et qui submergea l’île entière en noyant tous les habitants correspond au texte placé au début de la coutume de Bouin (rédigée en 1644 sur copie du texte de 1421). Dans ce texte, la situation politique, parfaitement anachronique pour le VIe siècle, de même que les noms des colons qui reprirent possession du territoire interdisent d’accorder le moindre crédit à la date indiquée. Bouin dispose pourtant là d’un mythe fondateur. Il s’agit d’un élément remarquable de la mémoire de ce lieu, chargé de l’histoire des hommes qui ont bâti ses paysages face à l’océan.
La chronologie des tempêtes se fait plus précise à mesure que la recherche historique s’en empare. Les dates de 1352, 1469 et 1509 – aussi citées par le maire – sont à évoquer, de même que l’exemption d’impôts royaux, attestée en 1627 dans la supplique des paroissiens de Bouin à Louis XIII. Pour être dispensés de l’entretien des gens de guerre, ils estiment à plus de quinze les « desbordements et vimers généraux dont ils se sont veus accablez depuis l’an mil cinq cens ». Encore citées par le maire, les submersions du XXe siècle (1937, 1940) ont par ailleurs entraîné, en une seule nuit, la reprise totale ou partielle des terres gagnées sur la mer (2.000 ha.) La rupture des 14 kilomètres de digues, totale en novembre 1940, sert d’ailleurs d’argument final à l’élu local dans sa démonstration qui s’achève sur des images de chaînes de colmatage, alignements d’obstacles postés sur l’estran et destinés à favoriser la sédimentation, aménagements pionniers pour de futures digues.
Carte à l’appui, le maire de Bouin explique comment l’ultime étape de la colonisation des vasières de Bouin a été conduite entre 1957 et 1966, par l’aménagement du polder dit « du Dain », entre les chenaux des Champs au nord et du Bec au sud. Les difficultés d’exécution sont ensuite analysées par un conducteur des travaux qui évoque l’action funeste de tempêtes survenues en 1961 et 1962. On mesure à cette occasion les difficultés qui pouvaient être celles des entrepreneurs du Moyen-âge ou des Temps modernes. A l’appui de l’exposé du responsable du chantier, le reportage montre d’intéressantes photographies de fascinages (barrages faits de branches tressées) mis en œuvre pour le chantier d’endiguement des années 1960. Les mêmes techniques étaient déjà utilisées des siècles auparavant. La fierté d’avoir surmonté ces difficultés en dit long sur le défi que représentait l’érection de digues maritimes, y compris à l’ère de la mécanisation. Cette fierté était d’ailleurs partagée par le préfet représentant de l’Etat, au cœur de cette république gaullienne riche en grands travaux et en réalisations techniques de prestige.
Thierry Sauzeau

Transcription

Journaliste
Au fond de la baie de Bourgneuf, particulièrement exposée aux attaques de l’océan, voici Bouin. Tout le charme du Marais, 2150 habitants, les Bouinais, 5000 hectares de terre, 14 kilomètres de front de mer. Ces 14 kilomètres sont le vrai problème des Bouinais dont le grand souci au cours des siècles a été de se défendre contre la mer. Monsieur Raoul Pelote, vous administrez cette commune, combien de catastrophes a-t-elle connu dans le passé ?
Raoul Pelote
Il serait fastidieux de les énumérer tant elles furent nombreuses au cours des siècles. La plus ancienne de ces catastrophes, celle que nous connaissons parce qu’à l’occasion de cette catastrophe fut écrite la coutume de l’Île de Bouin, date de 567. L’Île fut submergée et tous les habitants noyés. Les tempêtes revinrent ensuite presque tous les siècles et par grands cycles. En 1509, une tempête particulièrement violente ravagea tout le littoral de la Baie de Bourgneuf, et en particulier l’Île de Bouin. À ce moment-là, les habitants de Bouin furent alors exonérés d’impôts du reste pendant cinq années. Au cours des siècles qui suivirent, et par cycle, je le répète, il y eut de nombreuses tempêtes, au XVIIIe siècle en particulier, au siècle dernier. Les dernières en date, 1910, 1937, et surtout septembre 1940. Là, en cette triste année, à bien des titres, le littoral de la commune de Bouin fut complètement submergé par une violente tempête sur 14 kilomètres de digue. 14 kilomètres de digues furent presque dévastés, 7 kilomètres, grâce à l’action du département qui prit en main la défense contre la mer, purent être reconstruits, réparés, et la plupart des terres récupérées. Nous avions alors 2000 hectares d’inondés. Mais il resta 300 hectares que la mer retint, récupéra elle-même, repris et il resta également 7 kilomètres de digues qu’on ne put réparer étant donné l’époque, étant donné les manques de moyens, étant donné l’occupation. C’est en 1957 que les travaux purent être décidés et le programme approuvés en 1958. Ces travaux commencèrent en 1958, la partie Nord du programme, la digue Nord a été terminée fin 1962, la digue Sud, mon Dieu, se termine aujourd’hui.
Journaliste
L’avis d’un conducteur de travaux.
Intervenant 1
Évidemment, actuellement, nous sommes à la terminaison de la digue mais d’énormes difficultés nous ont, ont entravé, plus exactement, la réalisation des ouvrages. Particulièrement, les brèches qui ont eu lieu, soit sur la digue Nord, soit sur la digue Sud, en 1961. Par exemple, en 1961, un raz-de-marée consécutif à une tempête importante a rasé complètement la digue. Et il est évident que mes prédécesseurs ont mis tout en oeuvre pour juguler l’inconvénient par tous les moyens possibles et imaginables et ont réussi en un temps record à remonter cette digue. C’est-à-dire, en un mois, la digue a été remontée non pas à sa cote définitive, mais tout au moins, a mis le polder hors d’eau, ce qui était l’essentiel. Quant à la deuxième qui a eu lieu le 15 octobre 1962, et qui s’est étalée sur quelques centaines de mètres, elle a été comblée en un temps également record, puisque huit jours après le 15 octobre, c’est-à-dire le 20 et quelques octobre, le polder se trouvait de nouveau hors d’eau.
Raoul Pelote
Ces travaux ont pu être menés à bien grâce à l’aide du département, je tiens ici à remercier tous mes collègues du Conseil Général, le Président Auguste Durand, pour leur aide et leur soutien.
Journaliste
Les difficultés n’ont pas dû manquer ?
Raoul Pelote
Certes, les travaux à la mer sont toujours très difficiles à mener, en dehors du financement, des difficultés administratives, il y a eu, bien que ces difficultés administratives aient été bien facilitées et bien aplanies par, plutôt par les services préfectoraux, les différents préfets, les sous-préfets qui se sont succédés. Mais nous avons eu quand même d’énormes difficultés et puis, il y a eu aussi le temps, surtout le temps, de nombreuses tempêtes, puisque nous avons eu 14 cas de force majeure.
Journaliste
Monsieur le Préfet, cette réception des travaux a été l’occasion, pour vous, de découvrir concrètement, car vous l’aviez, vous aviez étudié auparavant le dossier, cette réalisation d’envergure, avez-vous été surpris ?
Jacques Reiller
Je dirais que j’ai été non seulement surpris, j’ai même été impressionné par l’ampleur des travaux. Jusqu’à présent, je les avais découverts au travers de dossiers, aujourd’hui, grâce à l’invitation de Monsieur Pelote, Conseiller Général Maire de Bouin, j’ai eu l’occasion, en présence des techniciens, de nombreuses personnalités, d’en découvrir l’ampleur. Huit kilomètres de digues, plus de 2 millions de mètres cubes de matières entassées, une protection directe ou indirecte de 2500 à 3000 hectares de terre, tout cela suffit à rendre admiratif, et je crois que les hommes ont effectué là une réussite assez considérable qui a permis d’abord une protection des environs de Bouin et de la commune de Bouin, un développement des activités agricoles ; un développement ou même presque une extension, une création des activités ostréicoles, de par la création de parcs d’affinage et toutes les possibilités que cela offre à une région.