Le Tro Breizh

18 juillet 1987
03m 33s
Réf. 00332

Notice

Résumé :

Une vieille légende bretonne voulait que l'on fasse le tour de Bretagne, le Tro Breizh, pour sauver son âme. Alain Gugny a parcouru ce chemin à pied. Aux Landes de Lanvaux, il évoque son voyage et ses rencontres.

Date de diffusion :
18 juillet 1987
Source :
FR3 (Collection: Rennes soir )
Lieux :

Éclairage

La "tradition" rapporte qu'au Moyen Age l'usage exigeait que chaque Breton effectue son Tro Breizh ou tour de Bretagne, sous peine de devoir l'effectuer après sa mort en avançant tous les sept ans de la longueur de son cercueil. Parti seul ou en groupe, le pèlerin aurait mis trente jours pour rejoindre les sept sièges épiscopaux des saints fondateurs de la chrétienté bretonne. Pèlerinage de masse mobilisant chaque année des milliers, voire des dizaines de milliers de pieux marcheurs, le Tro Breizh aurait laissé son empreinte à travers le duché, et pas seulement dans les grandes églises, cathédrales : outre quelques chapelles et fontaines placées sous l'invocation des Sept saints de Bretagne, les voies du Tro Breizh seraient toujours présentes dans le paysage sous la forme de chemins creux.

Les premiers historiens ne s'accordent guère pour dater l'apparition de cette dévotion. Certains la situent sous le règne unificateur de Nominoë, d'autres vers l'An Mil après les incursions scandinaves, les plus circonspects au XIIe siècle seulement, quand le duché s'organise. Mais tous s'accordent à estimer que sa disparition fut progressive, les mentions écrites la concernant devenant rares et confuses aux XIVe – XVe siècles, et nulles après les guerres de la Ligue. Après un réexamen des sources, il apparaît cependant que le Tro Breizh n'est pas attesté en tant que pèlerinage de masse. Les érudits de la fin du XIXe siècle ont créé le mythe moderne en proposant de savantes études sur les itinéraires supposés du Tro Breizh.

Aujourd'hui le Tro Breizh est pourtant en passe de devenir une réalité sociologique depuis sa "relance" en 1994, au conaluent de préoccupations diverses qui assurent son succès. Il rassemble désormais de modernes "marcheurs de Dieu", des marcheurs que l'on peut sommairement qualifier de nationalistes, d'autres d'écologistes, mais aussi des randonneurs passionnés ou de simples curieux en quête d'une Bretagne rurale mal connue des citadins. Les marcheurs, partis de Quimper en 1994 à raison d'une étape hebdomadaire chaque été, ont donc rejoint successivement les cathédrales de Saint-Pol-de-Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol-de-Bretagne et Vannes, avant de boucler la boucle en 2000 après plus de 600 km de marche. Leur nombre est allé croissant à mesure que les années ont passé : ils étaient 600 au départ et 2500 à l'arrivée. Et ce, malgré les oppositions parfois constatées entre les organisateurs du Tro Breizh et les maires laïques des villes devant l'accueillir, ou encore les tensions internes au catholicisme breton dont le pèlerinage a été le creuset.

Bibliographie :

- Jean-Christophe Cassard, "Tro Breizh" dans Alain Croix, Jean-Yves Veillard, Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, éditions Apogée, 2000.

Fabien Lostec

Transcription

Alain Guigny
Là où je suis actuellement, c'est dans les landes de Lanvaux. Là, j'aborde ma troisième étape, l'étape la plus longue, entre Dol et Vannes. Et actuellement, je ne suis pas en Amazonie, contrairement aux images que vous voyez, mais bien en Bretagne, dans un des sites que j'ai trouvé personnellement un des plus chouettes qui existent. Pour moi, c'est un haut lieu de croyance, c'est un lieu féerique. Nous sommes ici, exactement, au point culminant des landes de Lanvaux, au lieu-dit Les Roches, près d'[Allant]. Et ce qui est curieux, c'est que derrière, vous avez une pierre à sacrifices. On foutait la tête du gars dans l'entonnoir, là, on lui coupait la tête, et on recueillait le sang par un petit goulot qu'on aperçoit juste dans la cavité.
(bruits)
Alain Guigny
Ce qu'il y a de fascinant dans ce Tro Breizh, c'est qu'il y a des coins comme ces landes de Lanvaux, et puis il y a ces villages qu'on traverse, et dans ces villages, souvent, on trouve l'érudit du coin, le type tout discret, là, qui vit dans une maison isolée. Et vous discutez avec lui, vous vous apercevez que c'est, à lui tout seul, une encyclopédie. Et à Plumelec, par exemple, en arrivant à Plumelec, je suis tombé sur monsieur Guyot.
Albert Guyot
Un beau jour, je sors de chez moi et puis je vois un jeune homme avec le sac au dos, un bâton à la main qui s'arrête. Probablement, il avait déjà mon adresse. Et puis il se présente, Tro-Breizh. Tout de suite, j'ai compris. Et puis là, il me dit : Alain Guigny. J'en ai entendu parlé déjà, d'ailleurs. Et il me demande ce qu'il y avait d'intéressant dans la commune. Et on a fait un tour ensemble.
Alain Guigny
Le marcheur du Tro-Breizh, il était tout seul, connaissait la solitude du marcheur, mais s'il était tout seul, il lui arrivait d'avoir des récompenses en cours de marche, tel ce pont de [incompris] qu'on voit. Ne serait-ce qu'en le voyant, comme ça, on est pris d'une sorte de... on se dit «Tiens, voilà un tableau qui sort, comme ça de terre, qui sort des feuillages», et puis on reste devant le tableau pendant 5, 10 minutes à contempler, même plus, parce que des fois, j'ai passé des nuits entières près d'un tableau, ou dans un tableau, carrément, pour mieux m'imbiber, quoi. Si les pèlerins, on ne les voit plus tellement sur ces routes. il existe des jalons, des repères bien définis, des étapes qui jalonnaient ce Tro-Breizh. Alors tel ce Locmaria-an-Hent, où on arrive actuellement. Cette chapelle était connue pour être un relais des pèlerins entre Quimper et Vannes ou Vannes et Quimper. En une seule année, une seule année, passaient entre 30 à 40 000 pèlerins à Vannes. Donc on peut penser qu'une partie des pèlerins faisaient la route Vannes-Quimper et peut-être s'arrêtaient ici, devant cet ossuaire, à contempler ces frises et tout quoi, ou caresser la pierre, parceque la pierre a une histoire. Alors ce qui est fabuleux, là-dedans, dans ce voyage, c'est non seulement, donc, les vieilles pierres, mais aussi toute une nature qui nous environne, la qualité du silence qu'on peut écouter.
(Silence)