Les mines de plomb de Pont Péan

12 décembre 2003
02m 58s
Réf. 00437

Notice

Résumé :

L'exploitation du gisement de galène de Pont Péan (Ille et Vilaine) débute en 1730. Au XIXe siècle, ces mines de plomb deviennent les plus importantes d'Europe. Aujourd'hui, l'association "Galène" s'emploie à conserver ce patrimoine et cette mémoire.

Date de diffusion :
12 décembre 2003
Source :

Éclairage

La mine de plomb qui, à la fin du XIXe siècle, était la plus grande d'Europe, est située sur la commune de Pont-Péan, en Ille-et-Vilaine, au sud de Rennes, près de Bruz. La commune existe depuis 1986, depuis qu'elle s'est détachée de la commune de Saint-Erblon. Sur ces communes, une faille de vingt kilomètres de long sur trois cents mètres de large s'étend, contenant de la galène (minerai de plomb) et de la blende (minerai de zinc, en quantité moindre) argentifères.

Ces ressources ont été découvertes en 1628 par le Baron et la Baronne de Beausoleil, qui les déclarent au Parlement de Bretagne, et qui sont expulsés en 1630 pour sorcellerie et hérésie. En 1685 et 1698, des concessions sont faites à Monsieur de Liscoët, mais l'on ne sait pratiquement rien de la mine à cette période, et s'il y avait une exploitation, elle était probablement assez sommaire. En 1730, le roi donne la concession de la mine à Noël Danycan de l'Epine, riche armateur de Saint-Malo, qui commence à extraire les minerais. En 1732, il emploie 300 ouvriers, dont 80 travaillent au fond de la mine, jusqu'à 42 mètres de profondeur. Toutefois, les inondations fréquentes empêchent le travail (on ne peut pas extraire les minerais plus de deux mois par an). En 1740, devant les difficultés, la concession est mise en vente. C'est la veuve de Danycan qui l'achète en 1746, mais les difficultés à assécher les puits empêchent l'exploitation pendant plusieurs années. Elle réussit cependant à développer l'extraction : des puits et des galeries sont creusés à partir de 1750, et en 1754 et 1755, des travaux pour détourner la rivière de la Seiche afin de l'éloigner de la mine sont réalisés. La veuve s'associe avec le financier Pâris Duverney en 1755, ce qui ne l'empêche pas de rencontrer des difficultés, et en 1765 la concession est vendue à une société qui possède déjà les mines de Huelgoat et de Poullaouen. L'exploitation des minerais reprend (on construit cinq nouveaux puits), mais elle est à nouveau interrompue par les difficultés amenées par la guerre avec l'Angleterre, la Révolution puis la Chouannerie. En 1798, la mine est vendue à Jugon et Mondehair, des commerçants rennais.

Il faut cependant attendre l'acquisition de la concession par Madame de Crécy de Bréhan, son fils et Monsieur Couannier en 1829 pour que l'exploitation minière se développe réellement. L'Anglais John Hunt arrive en 1843 ; en 1851, à la mort de Couannier, il constitue une société qui sera transformée en Société Anonyme en 1880. Les travaux et les innovations se multiplient (arrivée d'une machine à vapeur en 1853, construction d'un chevalement par Gustave Eiffel en 1893...), et l'exploitation prend de l'ampleur. À la fin du XIXe siècle, plus de 1 200 ouvriers sont employés (ils ont un syndicat à partir de 1896), ils travaillent dans une vingtaine de puits, dont le plus profond descend jusqu'à presque 600 mètres. Les galeries mesurent huit kilomètres linéaires, et s'étendent sur deux kilomètres d'exploitation. On extrait à l'époque entre 600 et 700 tonnes de galène par an. Toutefois, en 1904, une importante inondation stoppe l'exploitation, et environ mille personnes sont licenciées. En 1929, les frères Dufourg se rendent propriétaires de la concession, et nourrissent l'espoir de redémarrer l'exploitation : les puits sont vidés et une cité ouvrière est construite, mais d'autres difficultés empêchent leur projet de se concrétiser. En 1933, la Compagnie des Mines de l'Ouest rachète la mine, sans que rien ne soit fait pour reprendre une activité.

Ainsi, entre le XVIIIe et le début du XXe siècle, on aura extrait près de 200 000 tonnes de métal (du plomb, pour les 9/10), dont la teneur en argent est de moins de 200 grammes à 3 kilogrammes par tonne de galène, et de plus de 3,5 kilogrammes par tonne de blende.

En 1985, le bâtiment des bureaux de la mine est inscrit sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ce qui permet à la commune de Pont-Péan de le sauver de la ruine en 1998. Les puits sont obturés et remblayés en 1987, et des remblais supplémentaires sont faits dans les années 1990, afin de protéger les sols, les eaux et les animaux de la contamination par le plomb.

Depuis 1994, l'association Galène, milite pour protéger le site minier et promouvoir la mémoire des mineurs. Depuis 1995, elle fait revivre chaque année la cérémonie en l'honneur de la Sainte-Barbe, patronne des artificiers, des mineurs et des pompiers, durant laquelle le Maire et ses conseillers jouent le rôle du directeur et des cadres de la mine, et quelques hommes le rôle de mineurs, qui partagent la traditionnelle brioche bénite. L'association organise des visites du site minier, et a notamment édité un guide historique sur la mine de Pont-Péan en 1998 (Pont-Péan – A travers le carreau – Une mine, une histoire, un guide).

Marine Guida

Transcription

(Musique)
Christophe Jouvante
Ces hommes bien propres sur eux sont habillés comme des mineurs du XIXe siècle. Ils célèbrent la Sainte Barbe et les restes de cette mine. Ici, on extrayait la galène, le minerai de plomb, jusqu'à 500 mètres sous terre.
Mineur
Monsieur le Directeur, cette année 1903 est à marquer d'une croix noire.
Adrien Savary
L'histoire de ce site c'est une histoire qui s'étend sur près de 4 siècles. Une histoire où on voit passer des philosophes, des corsaires, des rois, évidemment des mineurs, qui nous enseignent des valeurs assez intéressantes, c'est l'imagination, c'est l'abnégation, le travail, la solidarité. Voilà, c'est tout ça cette mine.
Jacques Martin
Dans les années 1628 par là, sont arrivés ici des gens un petit peu particuliers, le baron et la baronne de Beausoleil, des hongrois, des allemands qui ne sont pas habillés comme tout le monde, des... En plus ils ont des baguettes de sourcier, ils procèdent à des expériences chimiques, bon, les sourciers, les sorciers c'est un petit peu la même chose. La chimie et l'alchimie, c'est aussi un petit peu la même chose. Si bien qu'on les prenait pour des personnages pas très catholiques.
(Musique)
Jacques Martin
Ils trouvent des affleurements, des affleurements de galène. Ils en font la déclaration au parlement de Bretagne et ils partent continuer leur prospection du côté de Morlaix
Christophe Jouvante
En guise de récompense, les Beausoleil finissent emprisonnés. La mine n'est pas exploitée.
Jacques Martin
Et il faut attendre 1730, 60 ans après la découverte pour que le roi donne une concession à Danycan. Il fait appel à ce moment là, à des allemands et à des anglais et ils commencent à creuser les puits. Et on commence effectivement à sortir pas mal, pas mal de plomb. Bien que avec les inondations continuelles, on n'arrive pas à travailler plus de 2 mois par an.
Mineur
Attention les gars, y'a de la flotte !
Christophe Jouvante
Alors on innove à la mine, on construit des canaux, des machines pour évacuer l'eau, des machines pour concasser le minerai. Gustave Eiffel construit un chevalement de 60 mètres de haut. A la fin du XIXe siècle, près de 1000 personnes travaillent sur le site. La mine devient la plus importante d'Europe pour le plomb.
Adrien Savary
Elle s'étendait sur Bruz, Chartres, Pont Péan, Laillé. A la fois sur les sites d'exploitation, et à la fois sur les canaux qui permettaient de faire arriver l'eau, d'un petit peu partout.
Jacques Martin
En 1904, la vieille ennemie de la mine arrive et envahit tous les travaux souterrains. Donc, catastrophe économique de grande ampleur, le canton perd à peu près 1/5 ou 1/4 de ces habitants.
Christophe Jouvante
De la mine, il reste surtout ce bâtiment administratif sauvé de justesse par les passionnés de l'association Galène. A terme, ils espèrent en faire le début d'un musée pour garder en mémoire ces gueules de plomb.