Ile de Batz, pêche au chalut

22 janvier 1986
07m 53s
Réf. 00875

Notice

Résumé :

32 familles de marins sont établies sur l'île de Batz. Interview de Patrick Cabioch, patron pêcheur de l'unique chalutier de l'île. Il raconte la façon dont il pêche au chalut. Sa femme parle, elle, de sa peur.

Type de média :
Date de diffusion :
22 janvier 1986

Éclairage

Cette émission fait entendre l'île de Batz en mêlant les sons du quotidien - le vent, les vagues, les cloches et les mouettes - et les témoignages des habitants. Ils disent la vie de tous les jours et les changements que l'île a connus depuis la guerre. Le reportage s'arrête sur plusieurs corps de métier – capitaines, pêcheurs, sauveteurs en mer, agriculteurs, médecins - chacun racontant son activité dans le contexte insulaire. Malgré la petitesse de l'île et les difficultés que représente l'éloignement du continent (¼ d'heure de bateau..) , ils affirment leur attachement à Batz qui les encourage à lutter pour conserver une école, un collège, des soins médicaux.

Rappelons que l'île de Batz est une toute petite île de la Bretagne nord située en face de Roscoff. L'influence du Gulf Stream lui procure un climat doux propice au maraîchage.

Martine Cocaud – CERHIO – UHB Rennes 2

Martine Cocaud

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Oh, combien de marins, combien de capitaines, 32 exactement, on est mieux renseignés que Victor Hugo. 32 familles de marins sont établies sur l’île. Il y a 6 vedettes de transport pour la relier au continent, plus une barge arrivée récemment, plus deux petits bateaux de pêche. Patrick Cabioche, qui est patron de l’unique chalutier, il est grand, il a une grosse barbe bien fournie, il ne fume pas la pipe mais le cigare. Il a fait des études et est parti sur le continent puis il est revenu sur l’île suivant la formule consacrée, vivre et pêcher au pays.
Patrick Cabioch
Ici, ce qu’on pratique surtout, c’est la pêche aux casiers et aux filets quoi. Les casiers sont des espèces de paniers qu’on dépose au fond de la mer. En général, c’est par série, les séries, une cinquantaine, soixantaine qu’on étale sur une longueur d’à peu près 2 kilomètres, enfin il y a à peu près 20 mètres entre chaque casier. On les appâte avec du poisson, en général ce sont des déchets de poissons, des poissons inutilisables pour la consommation. Et ça attire les crustacés comme le homard, le crabe et l’araignée. C’est ça surtout qui est pratiqué ici par la majorité des bateaux. Ça leur fait dans les 3 heures de route quoi, aller et retour, 6 heures quoi ! Je suis un peu l’exception ici, j’ai, je pratique la pêche au chalut sur des fonds qui bordent l’île. On pêche sur les bancs de sable en général, en général il faut partir tôt pour profiter au maximum de toute la journée. Donc, bon en général à 5 heures du matin, pour revenir à 7 heures du soir. On fait des journées de 13, 14 heures, enfin c’est compensé avec le mauvais temps qui permet du repos à terre, donc quand il fait beau, il faut en profiter. On fait route, en général une heure de route, le temps de préparer le matériel on le met en pêche et on traîne le chalut sur le fond. On fait attention à ne pas accrocher les épaves, les rochers, les, on fait attention à ne pas déchirer le chalut, c’est un matériel assez fragile. On ramasse un peu toute sorte de poissons, on ramasse principalement la raie, la lotte, le poisson plat et toute sorte de plies, soles, autrement un peu de poissons ronds mais c’est… En général les journées qui se passent bien, on fait des traits de 3 heures, c’est-à-dire qu’on traîne le chalut 3 heures durant. On le relève et on le remet aussitôt à l’eau quoi pour 3 heures à nouveau. Puis quand ça se passe mal, soit on croche, on déchire le chalut donc il faut changer de chalut et réparer celui qui a eu des avaries.
(Bruit)
Patrick Cabioch
Moi, je suis devenu pêcheur puisque bon, mes parents ont toujours été, mon arrière-grand-père était marin, mon grand-père aussi, mon père était marin mais il ne faisait pas la pêche. Il faisait le transport et moi, je ne voyais pas de débouché dans le transport donc je me suis mis à faire la pêche. Ça me plaisait la mer, j’ai continué dans cette voie, c’est l’expérience qui compte, oui. On ne peut pratiquement rien faire sans expérience, j’ai été étonné pendant 3 ou 4 ans. J’étais à la limite de rentabilité et puis d’un coup, c’est venu quoi, je commençais à sortir du trou. Mais c’est très dur, il faut s’accrocher. C’est aussi original mais enfin ! Nous, l’hiver c’est pas tellement un problème, puisqu’on pêche plus en hiver, il y a plus de poissons. Donc le mauvais temps est compensé par une pêche plus importante, quoi. On ne va quand même pas démolir le bateau. On reste à la limite du navigable quoi, on cherche toujours à sortir le maximum quoi.
Intervenante
J’ai peur, j’ai moins peur maintenant parce que on a, on est équipés de matériel radio qui permet d’avoir des nouvelles souvent, mais j’ai eu peur suffisamment. J’ai pas peur quand il fait très mauvais parce que je sais qu’il rentre.
(Bruit)
Intervenante
Je ne crois pas que je deviendrai comme les autres femmes de l’île sur ce plan-là. Par exemple, la peur de la mer, la peur du danger, je crois pas que, enfin j’ai l’impression de, en général, c’est pas ressenti comme ça, je crois pas. C’est pas, heureusement, c’est pas une île où il y a eu beaucoup de naufrages, ou en tout cas, pas en, pas dans le métier quoi. Bon, je crois que j’ai peut-être eu tort au début de suivre Patrick, d’aller voir un peu comment ça se passait et ça, c’est ça qui m’a fait peur. Mais la plupart des femmes de l’île n’ont pas été en mer, pêcher enfin très loin de l’île en tout cas et ben des fois, la politique de l’autruche, c’est pas mal quoi ! Je crois que quand on ne sait pas comment ça se passe, c’est pas la peine d’imaginer. Maintenant, je n’y vais plus carrément et puis…
Patrick Cabioch
En général, les gens, ils sont malades en mer quand ils viennent pour la première fois, donc ils voient tout un peu gros, plus gros que la réalité. Le fait d’être malade, ça n’arrange pas et c’est sûr, on est impressionné quoi. Surtout quand le bateau bouge dans tous les sens, ça impressionne mais quand on a l’habitude, ça passe tout seul.
Intervenante
C’est pas tant la mer, c’est le fait de faire un métier qui demande déjà une force physique quand même, il y a des moments, quand il vire, enfin il y a des tas de choses qui peuvent se passer ou se produire. Qui demandent d’abord de faire très vite, de faire très attention à ce qu’on fait et sur un élément qui bouge quoi, c’est ça. C’est ça qui est impressionnant, c’est pas la mer en elle-même, je crois que bon, c’est les deux réunis.
(Bruit)