Fouilles archéologiques sous l'ancien garage Citroën : Amiens ville gallo-romaine

17 février 2000
01m 49s
Réf. 00614

Notice

Résumé :

Reportage sur les premiers jours de fouilles sur l'ancien site du garage Citroën à Amiens. Six mois de chantier sont prévus pour relever les vestiges gallo-romains du 1er au 3e siècle après J C. Pour Didier Bayard, ingénieur du service régional d'archéologie, cela confirme la présence à cette époque d'une ville très peuplée, d' au moins 20 000 habitants. Eric Binet, responsable des fouilles, pense que l'on est dans un secteur artisanal.

Date de diffusion :
17 février 2000
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Éclairage

Préalablement à la construction d'un multiplexe cinématographique, une fouille de sauvetage a été menée par Eric Binet (1), entre le 14 février et le 4 août 2000, à l'emplacement de l'ancien garage Citroën, boulevard de Belfort. Une surface d'environ 1 800 m² a ainsi pu être explorée. Le site est localisé au cœur d'une insula périphérique, à l'est de la ville antique, à proximité de la voie reliant Amiens à Soissons. Nous avions peu d'éléments sur ce quartier de Samarobriva.

Malgré les multiples destructions postérieures, quelques tronçons de fossés et de nombreux trous de poteaux, creusés dans le terrain naturel, ont été retrouvés. Bien que très lacunaire, ce premier état permet d'entrevoir la possibilité d'une phase pré-urbaine vers l'est du noyau primitif de la ville. Cette découverte semble corroborer l'hypothèse concernant la volonté de contrôle d'expansion et d'organisation de la ville dès sa création.

Dès cette première occupation mais surtout durant le deuxième quart du Ier siècle, ce secteur a servi de carrière. Cette activité se traduit par la présence de nombreuses fosses d'extraction de limon. Ce matériau était sans doute destiné à la construction des maisons du noyau primitif urbain tout proche. Les fosses ont servi dans un second temps de dépotoirs recueillant les rejets de la ville.

Vers le milieu du Ier siècle, le secteur est urbanisé. Au moins onze ou douze parcelles de taille variable, ont progressivement occupé cette zone. Une partie d'entre elles ne sera bâtie que vers les années 110-120. Elles s'organisent le long d'une rue secondaire traversant l'insula du nord au sud. Cinq maisons bordent directement cet axe de circulation, large d'au moins 4,50 m. D'autres propriétés sont accessibles par le biais de chemins beaucoup plus étroits se terminant en impasse. Ce parcellaire sera sans doute conservé, dans les grandes lignes, jusqu'à l'abandon du quartier vers la fin du IIe ou le début du IIIe siècle.

Certaines de ces maisons possèdent une organisation générale identique : la partie située en façade est occupée par une pièce unique, l'arrière par une cour. C'est souvent dans cet espace découvert que sont localisés les puits servant à l'alimentation en eau. De petites allées, aménagées en craie, permettent dans certains cas d'y accéder. Les maisons sont en structures légères, charpente en bois et murs en terre, la couverture probablement en chaume. Les systèmes de fondations sont variés. Tous les sols sont en terre battue. De nombreux indices semblent indiquer que ces propriétés sont occupées par de petits artisans, peut-être des métallurgistes.

Quelques mètres carrés d'une domus se développant hors emprise ont été mis au jour dans la partie méridionale du chantier. Une série de murs en torchis, reposant sur une charpente en bois, délimite quatre pièces aux sols en terre battue, correspondant aux communs de cette vaste demeure. L'une d'elles pourrait être une cuisine. Une grande cave maçonnée y a également été découverte. Cette domus a été détruite par un incendie au début du IIe siècle .

A la fin du IIIe ou au tout début du IVe siècle, une nécropole occupe ce secteur désormais situé en dehors de la ville. Une vingtaine de sépultures à inhumations a été découverte. Les défunts sont enterrés en cercueil. Certaines sépultures ont livré des offrandes (vases, bracelet en bronze, monnaie).

(1) Eric Binet. "Amiens. Boulevard de Belfort – Garage Citroën", dans Bilan scientifique de la région picarde 2000, Drac Picardie, 2003, p. 97-99.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Yolande Malgras
Enfin, premier jour de fouille sur l’ancien site du garage Citroën, à Amiens. Six mois de chantier sont prévus pour relever les vestiges gallo-romains du Ier au IIIe siècle après Jésus Christ. Un chantier de cette importance ne s’était plus vu depuis 5 ans dans la capitale picarde. Myriam Figureau, Jean-Paul Delance.
Myriam Figureau
Aux pieds de la tour en béton, une nouvelle page de l’histoire gallo-romaine d’Amiens va sortir de terre. Une heureuse surprise y compris pour les archéologues qui ne pensaient pas retrouver des vestiges en si bon état. Et un chantier sans doute essentiel pour la connaissance de Samarobriva On savait que la ville gallo-romaine, ancêtre d’Amiens, était vaste, organisée en îlots, mais on l’imaginait faiblement peuplée.
Didier Bayard
Donc ici, comme au coliseum, d’ailleurs, on s’aperçoit que jusque dans le cœur des îlots, c’est bâti, c’est construit, c’est habité. Et donc, on a l’impression d’une très forte densité urbaine.
Myriam Figureau
Et on pense que ça pouvait atteindre jusqu'à combien d’habitants ?
Didier Bayard
Au moins 20 000 habitants, je pense.
Myriam Figureau
La phase d’évaluation a permis de dater les vestiges du Ier au IIIe siècle après Jésus Christ. Un puits typique de cette période mais aussi les fondations d’un bâtiment du second, et ces murs en torchis où l’on décèle des traces d’incendie probablement de la fin du Ier siècle. Autre élément de datation, ces fragments de céramique portant même la signature de l’auteur. Sans doute un artisan.
Eric Binet
Il semblerait qu’en fait, ici, nous soyons dans un secteur artisanal puisque nous avons retrouvé notamment un fond de cabane qui correspondrait à un atelier métallurgique. Donc coeur d’îlot à l’époque gallo-romaine coeur de quartier, en plein centre d’un quartier, secteur artisanal. Mais là encore, l’avenir nous le dira.
Myriam Figureau
Un secteur artisanal sur plusieurs centaines de mètres et en pleine ville, c’est tellement rare qu’un colloque sur ce thème aura lieu en novembre prochain. En attendant, pour les archéologues, ces prochains mois seront remplis de rêves et d’espoir.