La question de la réparation totale pour les accidentés du travail

29 septembre 2001
02m 47s
Réf. 00055

Notice

Résumé :

Reportage consacré à Daniel Stein, accidenté du travail. La Fédération Nationale des Accidentés du Travail et Handicapés fait pression sur le ministère du Travail pour imposer aux employeurs une réparation totale automatique.

Date de diffusion :
29 septembre 2001
Source :

Éclairage

La loi du 9 avril 1898 a posé le principe, d'une part, de la responsabilité sans faute de l'employeur en cas de survenance d'un accident du travail, c'est-à-dire que le salarié n'a pas à faire la preuve de la faute de l'employeur, d'autre part, d'une indemnisation forfaitaire - et donc non intégrale - des préjudices subis du fait de l'accident. C'est seulement en cas de “faute inexcusable” de l'employeur, difficile à prouver, que l'indemnisation peut être plus importante. La définition de la faute inexcusable est donnée par la Cour de Cassation. Celle-ci était très rigoureuse jusqu'à une série d'arrêts rendus en 2002 dans les affaires de maladies professionnelles liées à l'amiante. Le juge a considéré qu'il y avait une obligation, non plus seulement de moyens, mais de résultat, pesant sur l'employeur dans le domaine de la sécurité.

Cette nouvelle conception appliquée aux accidents du travail va dans le sens d'une indemnisation des victimes plus proche du droit commun et donc plus large. Toutefois la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas systématique, chaque situation est appréciée au cas par cas, au regard des expertises, de même que les différentes indemnisations et réparations susceptibles d'être accordées. La réparation des préjudices s'est donc améliorée pour les victimes d'accidents du travail postérieurement à 2002 - donc au reportage présenté ici - mais reste appréciée en fonction des situations.

Annie Rosès

Transcription

Présentateur
Isabelle Soler et Fabrice Launay ont rencontré l’une de ces victimes dans le Nord-Pas-de-Calais, un intérimaire qui travaillait dans une usine classée Seveso comme à Toulouse. Une usine tristement célèbre dans la région pour le nombre de ses employés accidentés.
Daniel Stien
Quand je suis rentré à l’hôpital, déjà ils m’ont amputé les doigts. Ces deux là, je les ai perdus sur place. Ceux-là, ils ont été rabotés par la suite. Et j’avais les deux pouces fondus collés à l’intérieur de la main. Il a fallu les décoller, enlever toute la peau brûlée, et puis reprendre de la peau de l’avant-bras pour remettre au milieu de la main, et de réaliser par la suite une pince de chaque côté.
Journaliste
Daniel aujourd’hui 45 ans, cela fait 10 ans qu’il vit avec ses douleurs et son handicap causés par une immersion accidentelle dans l’acide. 10 ans aussi qu’il attend que la responsabilité de son employeur soit définitivement reconnue. Une procédure toujours en cours qui l’empêche de toucher ses indemnités.
Daniel Stien
Déjà, il fallait trouver un responsable de cet accident. Donc, d’après les enquêtes qui ont été faites au tribunal de Grande Instance, ça a été reconnu, l’entreprise Métal Europe quoi. Et comme bien sûr, cette entreprise s’est défendue, mais malgré tout, elle a été reconnue, qu’il y avait eu des erreurs en ce qui concerne l’hygiène et la sécurité. Donc, elle a quand même été coordonnée.
Journaliste
Comme Daniel, plus de 1 million de salariés sont victimes chaque année d’accident du travail. Des préjudices indemnisés sur une base forfaitaire. Seul est pris en compte le taux d’incapacité. Douleur, dommage esthétique et agrément sont exclus du calcul de l’indemnité contrairement à ce qui se passe pour les accidentés de la route ou les victimes des agressions. Une réparation à deux vitesses dénoncées par la fédération nationale.
Marcel Royez
Ce que nous voulons, c’est une réparation intégrale automatique sans qu’on ait à faire des procédures, sans qu’on ait à prouver la faute inexcusable de l’employeur. L’entreprise crée le risque, elle doit le supporter financièrement. C’est le meilleur moyen que les entreprises se mobilisent pour la prévention.
Journaliste
Sous la pression de la fédération, le ministère de tutelle vient de prendre un engagement ferme. Dès octobre, une mission d’experts sera à pied d’œuvre. Objectif, parvenir à une meilleure réparation.
Elisabeth Guigou
Nous allons vers la réparation intégrale, je crois que c’est une exigence forte, mais simplement, on ne peut pas improviser ce passage. Il faut que cela se fasse dans la concertation.
Journaliste
Une concertation qui semble d’autant plus prometteuse que la Cour des comptes vient de se ranger au côté des associations. Elle dénonce à son tour un système discriminatoire et vieillot. Les victimes du travail ont enfin l’espoir d’être entendues.