Bérénice de Racine, mis en scène par Lambert Wilson au Théâtre des Bouffes du Nord

19 janvier 2008
02m 35s
Réf. 00287

Notice

Résumé :

Présentation du spectacle en voix off sur des images de la préparatifs de la dernière répétition. Lambert Wilson souligne le caractère exigeant de la pièce, qui nécessite à la fois un engagement émotionnel et une attention plus intellectuelle à la langue. Extrait de la scène 6 de l'acte V en répétition. Carole Bouquet insiste sur l'exceptionnelle qualité de la langue et du théâtre de Racine.

Date de diffusion :
19 janvier 2008
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Avec Bérénice, créée en 1670 à l'Hôtel de Bourgogne, Racine réalise le programme qu'il venait de revendiquer la même année pour la tragédie dans sa préface de Britannicus : « une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour, et qui, s'avançant par degrés vers sa fin, n'est soutenue que par les intérêts, les passions et les sentiments des personnages. » La tragédie de Bérénice se résume en effet au renvoi contraint de Bérénice par l'empereur Titus, auquel ses fonctions interdisent d'aimer une reine étrangère. La tragédie tout entière repose donc ici sur les décisions des personnages, qu'aucun élément extérieur ne vient perturber : c'est l'hésitation de Titus qui permet seule à la pièce de durer, et c'est la résolution de Bérénice qui l'amène à son dénouement.

La mise en scène de Bérénice que Lambert Wilson présente en 2007 au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris est une seconde tentative : il avait déjà proposé une Bérénice en 2001 au Festival d'Avignon, puis au Théâtre National de Chaillot, avec Kristin Scott-Thomas et Didier Sandre dans les rôles de Bérénice et de Titus, mais la transposition qu'il avait alors opérée, situant l'action dans la Rome de Mussolini, n'avait guère convaincu. Pourtant, irrésistiblement porté vers une pièce qu'il considère comme « la pièce de Racine », contenant à ses yeux « tout le théâtre ou presque », Lambert Wilson y revient six ans plus tard, construisant une mise en scène très différente, beaucoup plus dépouillée et plus intime : s'appuyant sur les costumes et les décors sobres, à la romaine, de Chloé Obolensky, il parie avant tout sur le texte de Racine, cultivant la clarté de l'alexandrin et le respect de la prosodie. Formant avec Carole Bouquet le couple central de la tragédie, auquel les deux comédiens prêtent une distinction aristocratique, il confie à Fabrice Michel le rôle d'Antiochus et à son père Georges Wilson, âgé de quatre-vingt-six ans, celui du conseiller Paulin.

Voir Bérénice mis en scène par Antoine Vitez (1980) et par Klaus Michael Grüber (1984)

Céline Candiard

Transcription

Présentatrice
Du théâtre avec une première attendue ce soir, celle de Bérénice, l’une des pièces phares du répertoire classique, signée Racine. C’est la première fois que Lambert Wilson et Carole Bouquet jouent ensemble cette pièce de théâtre des Bouffes du Nord à Paris. Dominique Poncet, Alexandre Dupont.
Journaliste
Entre concentration, émotion, bonheur aussi, Lambert Wilson, à quelques minutes de l’ultime répétition de Bérénice. Cette pièce de Racine qu’il joue et met en scène pour la deuxième fois. Dans la loge voisine, Carole Bouquet, c’est elle qui va être Bérénice. Les deux comédiens qui vont jouer le couple d’amoureux le plus douloureux du répertoire disent être bouleversés depuis toujours par la beauté formelle de cette pièce écrite en alexandrins.
Lambert Wilson
C'est-à-dire que c’est presque comme chanter un opéra. C'est-à-dire que bien entendu, l’alexandrin, c’est l’alexandrin, il ne faut pas l’interrompre, il faut du souffle, il faut en même temps mélanger sa tête, c'est-à-dire son respect de la langue et son cœur. Moi-même à tout moment, je me souviens à peine si je suis empereur. L’alexandrin, la langue sans le sentiment : pas intéressant. Le sentiment sans le respect de la langue, pas intéressant, c'est pas Racine. Donc, c’est très exigeant pour l’acteur.
Carole Bouquet
Je ne vous parle plus de me laisser ici. C'est vrai que chaque fois, je me dis, pourquoi faire autre chose plutôt que ça, qui pour moi est la quintessence même de la langue française, du théâtre. Bérénice en plus est un scénario incroyablement accessible, et moi qui me bouleverse, donc me revoilà.
(Bruit)
Lambert Wilson
Madame, il faut vous faire un aveu véritable. Lorsque j’envisageais le moment redoutable où pressé par les lois d’un austère devoir, il fallait pour jamais renoncer à vous voir. Quand de ce triste adieu je prédis les approches. Je suis fou, en tant que Titus, fou amoureux d’elle, mais je le ressens profondément. On est envahi par ses émotions comme moi ça ne m’est jamais arrivé, c'est-à-dire que... alors c'est aussi parce que c’est facile de souffrir à l’idée de voir Carole Bouquet s’éloigner de vous. Mais en même temps, c’est un truc vertigineux. Je pense que c’est parce que c'est extraordinairement écrit. Mais je vois le chemin par où j'en puis sortir.
Journaliste
La répétition de cette Bérénice, jouée dans un fascinant dépouillement va s’achever sur un fou rire libérateur.
Lambert Wilson
Et me voilà… (rires)
Journaliste
Logiquement ce soir, la première devrait se conclure par un joli succès public.