Peter Sellars met en scène Don Giovanni à la Maison de la Culture de Bobigny

13 novembre 1989
02m 34s
Réf. 01002

Notice

Résumé :

Interview du metteur en scène américain Peter Sellars, ponctuée d'extraits de sa production de Don Giovanni de Mozart importée à la Maison de la Culture de Bobigny.

Date de diffusion :
13 novembre 1989

Éclairage

Quand Peter Sellars met en scène Don Giovanni et Les Noces de Figaro en 1989 à la Maison de la Culture de Nanterre, il est loin d'être un inconnu pour le public lyrique averti. Responsable du Pimlico Festival de New York, où il a déjà mis en scène la Trilogie Mozart-Da Ponte (Cosi fan tutte n'est pas représenté à Bobigny), et un Jules César de Haendel que Gérard Mortier a invité à La Monnaie dès 1988 (et qui viendra encore égayer Nanterre en 1990), il est déjà célèbre pour son côté iconoclaste. « Le théâtre, ce n'est rien d'autre que du risque » dit-il. L'agitateur culturel N° 1 de la scène américaine signe encore et toujours avec audace autant que constance spectacles sublimes ou soirées ratées, propositions qui jamais ne laissent indifférent, car toujours, en conscience, voulues comme remise en cause des acquis, des certitudes, pour montrer qu'à jamais le théâtre est toujours contemporain. Des classiques grecs à Messiaen (il monte Saint François d'Assise à Salzbourg en 1992), ne dénonce-t-il pas le fait que « le théâtre appartient trop souvent, du point de vue dramaturgique, aux années 1890, et non 1990 » ?

Parfois simplistes, souvent inspirées, ses propositions passent immanquablement au filtre de l'Amérique contemporaine, son univers, son langage propres, mais parlent aussi bien de la culture européenne, où il puise la plupart des textes qu'il met en œuvre, que de son propre héritage culturel. Et ce jamais gratuitement, mais toujours dans un sens politique aigu.

Ses Mozart, créées au Pimlico Festival, insensés de lucidité, ses Haendel (Theodora à Glyndebourne) si neufs qu'on les croirait d'aujourd'hui, ses Stravinski (à Salzbourg, à Madrid) comme mythiques, son étonnant Nixon in China de John Adams (que Bobigny voit en 1991), son irradiant L'Amour de loin et son fort réaliste Adrianna mater de Kaija Saarihao, son Tristan et Isolde à l'Opéra Bastille, sont comme inscrits dans l'histoire présente même, comme nombre des pièces de théâtre qu'il met en scène.

L'un des points forts de sa production de Don Giovanni, dont l'action se déroule à Harlem, tandis que celle des Noces de Figaro se déroule au sommet de la Trump Tower, est de confier les rôles de Don Giovanni et de son valet Leporello à deux frères jumeaux, noirs qui plus est, Herbert et Eugene Perry, pour accentuer le côté similaire des deux personnages, qui échangent leur costumes et leur personnalité pour le besoin de l'action, montrant ainsi qu'il n'y a en la matière pas de frontière de classe quand il s'agit de séduire. L'autre point fort vocal de la distribution est la présence de Lorraine Hunt en Elvira, l'une des interprètes préférées de Peter Sellars.

À Paris, Peter Sellars produit de nombreux spectacles à Bobigny, à l'Opéra-Bastille (Saint François d'Assise, Tristan et Isolde), et au Châtelet (El Nino, L'amour de loin).

Pierre Flinois

Transcription

Présentatrice
Les amateurs d’opéra et de sensations fortes vont être gâtés ce soir à Bobigny. Peter Sellars, le metteur en scène américain a en effet passé Don Giovanni au décapant, vous allez le voir, ça surprend. Don Giovanni et son valet sont noirs et frères, Sellars est ravi.
Peter Sellars
Hier, quand j’ai vu le quatuor dans le premier acte de Don Giovanni , j’étais complètement étonné par celle, la structure musicale c’est….
(Musique)
Journaliste
Regardez-les, ils ressemblent à tous les amoureux du monde dans les faubourgs de Harlem ou d’ailleurs. Seulement voilà, c’est Don Giovanni et Zerline, séduite. Oui mais voilà, c’est Mozart, mis en scène par ce petit lutin d’américain installé à Bobigny avec l’opéra le plus révolutionnaire de l’année.
Peter Sellars
C’est simplement de traiter d’une façon très personnelle une musique universelle. Et c’est exactement cette qualité d’universitalité qui nous donne permission, enfin, d’entrer, de faire entrer, et après qu’on est entré, de vivre dedans.
(Musique)
(Bruit)
Journaliste
Et voila, ce voyou de Don Giovanni en compagnie de son valet Leporello, qui lui ressemble comme un frère.
(Musique)
Peter Sellars
Ma génération, nous avons grandi avec Mozart sur les disques, on a toujours écouté la musique et imaginé des choses, toujours. Et pendant des ans, je n’ai jamais vu un opéra sur scène ; c’était toujours dans l’entendement, en effet. Et ça c’était une espèce de libération aussi pour nous, pour ma génération, et donc, tout était possible.
(Musique)
Journaliste
Tout est possible à Bobigny, attendons d’entendre les voix ce soir pour savoir si Mozart est bien servi.
Peter Sellars
Après que je l’ai fait, j’ai vu les autres, je disais aux autres, c’est quoi ça ? Mais quand même, il faut vivre et laisser vivre.