Présentation du film Le Petit Matin à Dax

22 avril 1971
02m 46s
Réf. 00001

Notice

Résumé :

Interview du réalisateur Jean-Gabriel Albicocco et de l'écrivain Christine de Rivoyre venus présenter, à Dax, l'adaptation cinématographique du roman Le Petit Matin.

Date de diffusion :
22 avril 1971
Lieux :

Éclairage

Née à Tarbes en 1921, Christine de Rivoyre est une journaliste et écrivaine très attachée aux Landes, en particulier au petit village d'Onesse-et-Laharie où elle est enracinée. Elle obtient le prix Interallié en 1968 pour Le Petit Matin, édité chez Grasset, que le réalisateur Jean-Gabriel Albicocco porte à l'écran en 1973. Prolixe, elle publie une quinzaine de romans qui lui valent, pour l'ensemble de son œuvre, le prix Paul-Morand décerné par l'Académie française, en 1984.

François Nourrissier écrit, dans Les Nouvelles littéraires du 11 avril 1968 : "J'abats tout de suite mon jeu : j'aime Le Petit Matin." Quarante ans plus tard, Bernard Pivot, dans une chronique du Journal du Dimanche du 2 juillet 2008, note que cette œuvre "n'a pris ni une ride, ni un cheveu blanc" qu'elle est "d'une incroyable modernité" [...] "bluffant" et ajoute "Tant pis pour le Goncourt qui l'a raté !"

De tels hommages sont nécessairement fondés. Ce livre et le film qu'il a inspiré, rencontrent effectivement un énorme succès, non seulement en raison du talent de l'auteur mais par l'impact du récit sur un large public qui se retrouve dans une histoire romanesque sur fond d'Occupation. Moins intimiste que Boy, paru en 1973, et qui rencontre également un bon accueil, Le Petit Matin aborde un sujet encore délicat, une vingtaine d'années après la fin du second conflit mondial : la liaison d'une jeune fille avec un soldat allemand.

Mais qui connaît les Landes, le Marensin en particulier, et l'auteur du roman plus précisément, amoureuse de la nature et des chevaux, comprend rapidement que l'écriture est un prétexte à livrer une part de soi. Christine de Rivoyre donne ici au public beaucoup d'elle-même ; on y décèle le "vécu". "C'est un roman très inspiré par la réalité de la nature landaise et les personnages de sa vie et de son enfance", remarque le metteur en scène. Et cette enfance "à la Mauriac", étouffante tant par la torpeur des étés que par les silences des familles, tant par le couvercle oppressant du pinhadar qui occulte l'horizon et renferme, que par le contrôle et la vigilance de toute une communauté villageoise exacerbés en cette période particulière, tous les locaux qui ont participé au film, la connaissent et s'y reconnaissent. Ils seront, de ce fait, les meilleurs promoteurs de l'ensemble de l'œuvre qui est un hommage à leur "pays".

Tout ceci, le metteur en scène Jean-Gabriel Albicocco, l'a saisi. "Il a merveilleusement compris le pays, un pays que j'aime", confie Christine de Rivoyre, notant que le travail réalisé par l'artiste surpasse le roman en ce qu'il le rend "lyriquement plus fort". Un bel hommage à celui qui affirme donner une forme à "l'un des plus beaux romans".

De tous les ouvrages signés par Christine de Rivoyre, seul Boy, paru en 1973, renverra effectivement aux Landais un reflet aussi profond et authentique de leur territoire.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
Le Petit Matin votre dernier film Jean-Gabriel Albicocco et vous le présentez, ici à Dax, dans les Landes. Serait-ce le petit matin landais ?
Jean-Gabriel Albicocco
Oui, parce que c’est un peu le film des landais. Vous savez que nous avons beaucoup travaillé avec les gens de la région, avec la population locale ; soit comme figurants soit comme ouvriers, parce que nous avons beaucoup travaillé, construit des décors. Alors au début, c’était une collaboration de travail, ensuite, c’est devenu des relations d’amitiés, et de cette amitié est née une espèce de famille qui pendant 5 mois, a créé ce film. Alors ce film leur appartient autant qu’à moi, je crois même un peu plus à eux parce que le livre est inspiré des Landes et c’était la moindre des choses que la première mondiale se passe au milieu d’eux et avec moi. Alors, c’est une espèce de retrouvaille que nous avons là.
Journaliste
L’argument, vous l’avez tiré de l’ouvrage de l’œuvre de Christine de Rivoyre Le Petit Matin, comment avez-vous conçu l’adaptation, dans quelle mesure ce film est-il une œuvre d’auteur, en ce qui vous concerne ?
Jean-Gabriel Albicocco
Je suis metteur en scène, je ne suis pas un auteur. Mais on est auteur quand on est metteur en scène dans la mesure où on donne un style, une forme visuelle à quelque chose d’écrit. Un roman, lui, est une œuvre littéraire qui permet à l’imagination de jouer. Un film, lui, impose un point de vue esthétique, un point de vue dans la construction dramatique. Alors il est certain, par exemple, que nous avons pris un des plus beaux romans que je connaisse actuel qui est celui de Christine de Rivoyre ; et il est, pour moi, un grand roman parce qu’il est très inspiré par la réalité, par la réalité de la nature landaise ; d’abord où Christine de Rivoyre a passé son enfance où elle est née, et très inspiré aussi par les personnages de sa vie et de son enfance. Donc l'occupation allemande, c’est quand même une chose très réaliste, très vraie qui a existé. Et, moi je n’ai pas connu la guerre, par exemple. Donc je suis auteur dans la mesure où j’ai reconstitué ça. C’est peut-être la vérité, ça ne l’est peut-être pas mais je crois que tout ça a un ton de vraisemblance parce que l’histoire est vraisemblable et belle.
Journaliste
Christine de Rivoyre Le Petit Matin c’est aussi votre œuvre puisqu’aussi bien, ça a d’abord été un ouvrage de vous. Alors vous êtes landaise et le film sort à Dax. Christine de Rivoyre, que pensez-vous de l’adaptation qui a été faite par Albicocco ?
Christine (de) Rivoyre
J’en pense beaucoup de bien. Je trouve qu’il a merveilleusement compris le pays, et ça c’était une chose très importante pour moi parce que c’est un hommage au pays que j’écrivais. Ce pays est le mien, pays que j’aime et dont j’ai démonté pas mal de secrets. Lui, il a changé, si vous voulez, les paysages en ce sens que ce n’est plus la lande du Marensin, ce n’est plus la lande de mon village d'Onesse. C’est la lande du bord de mer, des dunes, mais le romantisme est absolument respecté et c’est même lyriquement plus fort.