Le centre Lapios
Notice
Depuis son inauguration en 1984, le centre de rechercher et de formation à la musique traditionnelle de Lapios œuvre pour la sauvegarde et la diffusion du patrimoine musical gascon, à travers le collectage des airs et des danses populaires, la publication de nombreux ouvrages et la fabrication et la restauration d'instruments anciens.
Éclairage
Au cours des années 1970, se développe en Europe un regain d'intérêt pour les musiques de tradition orale dites "musiques traditionnelles" ; chaque genre musical est le plus souvent lié à une activité humaine (un travail, un événement de la vie, la danse etc.). Dans le Sud-Ouest, par exemple, c'est à Samatan dans le Gers que se produit le "revival" du rondeau, en Ossau celui du branle béarnais. Dans les Landes de Gascogne, la vague folk s'est penchée sur des instruments qui n'étaient plus joués par les jeunes générations : la vielle à roue, le violon, la cornemuse, la flûte à trois trous, le tambourin ici dénommé toun-toun, et le fifre, qui avait été au cours de l'histoire l'instrument des fêtes des Landes de Gascogne. Les pratiques n'étaient pas tout à fait perdues ; il restait encore dans quelques villages, quelques musiciens qui avaient beaucoup joué et qui encore, une ou deux fois par an, "sortaient" à l'occasion de quelques fêtes. La pratique de l'instrument était très liée à la vie sociale communautaire (fête des conscrits, plantation du mai ou Mayade, fête des bœufs gras, etc.) ; le conseil de révision ne se passant plus dans le chef-lieu du canton, les fêtes des bœufs gras se raréfiant, les joueurs vieillissant, les occasions de jeu devenaient rares et la tradition orale allait se perdre.
L'ADAM Gironde (Association pour le Développement et l'Animation Musicale en Gironde) crée dans les années 1980 un département de musique traditionnelle, animé par Christian Vieussens, qui recueille, met en pratique, enseigne et suscite des rencontres entre générations. Puis, sous l'impulsion du Conseil général de la Gironde (Marc Bœuf et Francis Larriba, directeur du CDC), une structure spécifique est créée au sein du domaine culturel, à Belin-Beliet, au lieu-dit Lapios. Le domaine culturel couvert est celui des Landes de Gascogne, qui correspond peu ou prou au massif forestier, depuis le Médoc au nord, au Bazadais à l'est, jusqu'à l'Adour et à l'océan.
Le centre Lapios, outil de décentralisation culturelle, est un centre dédié à la musique traditionnelle ; ses deux dimensions sont la recherche et la formation. Le patrimoine de la musique populaire de tradition orale est recueilli, à la fois sous la forme d'enregistrements, de témoignages sur les pratiques : la façon d'apprendre, de jouer ensemble, de fabriquer un instrument, présente des variantes intéressantes selon des territoires repérés au sein des Landes de Gascogne. Un morceau connu présente des variantes, dont l'ethnomusicologue Lothaire Mabru dresse une cartographie appuyée sur une base de données. Le programme est d'allier collectage et conservation, rencontres et démonstrations, échanges entre générations, animation par l'organisation de concerts et de bals traditionnels, et par l'accompagnement de fêtes rurales. La démarche décrite par son directeur Henri Marliangeas est du type "recherche-action", qui développe, incite, encourage la poursuite de la pratique chez les anciens et l'apprentissage chez les jeunes. Le répertoire peut être exploité en tant que tel, mais aussi comme point de départ à des créations contemporaines.
Un studio d'enregistrement permet de réaliser des maquettes. Un atelier de facture instrumentale fait partie du projet ; de façon temporaire, un sabotier retraité du village, Alain Biguerie, s'investit pour restaurer les instruments de la tradition populaire ou en fabriquer d'après des modèles retrouvés dans des greniers. C'est un exemple de l'intérêt porté par les habitants à la démarche.
Jusqu'à la fin de sa mission, en 1995, le centre organise un stage par mois, et suscite de nombreuses interventions : ateliers, bals traditionnels, fêtes et rituels. Les actions d'animation complètent celles du Parc naturel régional des Landes de Gascogne.
La démarche du centre Lapios s'est prolongée sur deux terrains : celui de la recherche, avec la création d'un département d'ethnomusicologie au centre Artes - université Montaigne-Bordeaux 3, et celui de l'animation avec la Fédération Girondine des Associations des Danses et des Musiques Traditionnelles, fondée en 1994, qui publie un bulletin, L'Airial, et un carnet d'adresses. Sur le plan local, l'école de musique et de danse Chalemine, fondée en 1991, assure ateliers et stages.
Les données (textes, musiques, mises en jeu) collectées et mises en forme sont mises à disposition par des co-éditions, avec les Cahiers du Bazadais et le CRDP d'Aquitaine (Centre Régional de Documentation Pédagogique). Les archives sonores ont été transférées aux Archives départementales, dans le cadre d'un fonds sur la culture gasconne.