Une école de course landaise

08 septembre 1980
10m 08s
Réf. 00604

Notice

Résumé :

Reportage sur la formation des jeunes à la course landaise. Une école d'écarteurs a été créée. Entre explications théoriques et entraînement pratique dans l'arène, l'école a pour objectif de créer des vocations et de former les futurs champions de la discipline

Date de diffusion :
08 septembre 1980

Éclairage

Depuis la naissance de la course landaise en tant que pratique organisée et régie par un minimum de règles, c'est-à-dire en gros depuis la fin du XIXe siècle, s'est posé de façon récurrente le problème du renouvellement des acteurs (écarteurs, sauteurs, teneurs de corde, entraîneurs). Dans un premier temps, les « novilladas » organisées dans les villages à destination des amateurs permettaient de repérer des jeunes gens doués et animés du courage qu'il fallait pour affronter parfois à cornes nues les vaches landaises. Mais dès le début du XXe siècle, l'idée d'une école de formation se fait jour. C'est le Docteur Moringlane, le fameux « Clic-Clac » auteur par ailleurs de l'Histoire des courses landaises depuis leur origine jusqu'à nos jours avec l'explication complète et détaillée de toutes les suertes tauromachiques, qui l'inclut en 1907 dans son grand projet de « Fédération des Syndicats de courses ». Il s'agirait d'un véritable « enseignement tauromachique » professé par les aînés aux jeunes débutants. Cette idée fut reprise de manière humoristique en 1914 sous la forme d'une « école de toreros landais » qui s'entraîneraient grâce à un « charriot-vache », mais il fallut attendre la création de la Fédération française de la Course landaise en 1953 pour que ce type de formation voit enfin le jour sous la forme d'une « Ecole taurine ».

Dès la naissance de la Fédération, une commission avait chargé le grand torero landais Joseph Coran (1891-1958), le « Roi de l'arène », de diriger cette première école, ce qu'il fit de 1954 à 1957. Mais des problèmes financiers en empêchèrent le fonctionnement plus longtemps, et l'on revint à l'organisation de « novilladas » à l'occasion desquelles les jeunes venaient apprendre les rudiments de la tauromachie landaise. En outre, à partir de 1964, l'on organisa un « Championnat des jeunes » qui consacrait les efforts de ces aspirants, mettait en valeur leurs aptitudes à devenir un vrai torero, et permettait à ces débutants d'obtenir une licence fédérale leur ouvrant les portes des cuadrillas de courses formelles. Mais cela ne suffisait pas, et l'on décida enfin en 1976 la création d'une véritable école taurine dont l'organisation se fixa sous la direction du capitaine Alban Darbo entre 1979 et 1981, puis de l'ancien écarteur Etienne Noguez jusqu'en 1992. Dès le début, ce furent les arènes de Pomarez, au cœur de la Chalosse, qui accueillirent cette école d'un nouveau genre. Avant d'affronter de vraies vaches, les jeunes apprenaient les gestes face à des chambres à air, que l'on remplaça ensuite par des vélos, puis par une vache électrique et plus récemment par un kart. Ils participent ensuite régulièrement à des courses de promotion ou à des « Courses de l'Avenir », ainsi que, depuis 1964, à un Championnat de France des jeunes écarteurs.

Dans cette vidéo, l'on peut voir que ces jeunes bénéficient de l'expérience d'un instructeur de qualité, l'écarteur et sauteur Michel Agruna, l'un des meilleurs connaisseurs de la course et des vaches landaises.

Après Didier Bordes (1993-1997), la direction de l'Ecole taurine fut confiée en 1998 à Philippe Descazaux qui va lui faire prendre une nouvelle dimension et la faire devenir une structure à part entière de la Fédération française de la Course landaise.

François Bordes

Transcription

(Musique)
Journaliste
La course landaise est le sport de grande tradition de toute une région approximativement délimitée par les anciennes frontières du Comté d’Armagnac. Sur le territoire de deux départements, Landes et Gers, l’engouement pour la course landaise dépasse souvent l’enthousiasme provoqué par les grandes rencontres de rugby. Deux challenges se disputent dans chaque département, et un championnat de France désigne les meilleurs écarteurs, sauteurs et éleveurs. Pendant longtemps, la formation des torrères, comme ils aiment s’appeler, s’est faite sur le tas. Le jeune qui sautait dans l’arène a été remarqué. Mais comme toutes les disciplines sportives, la course landaise a évolué, et sa technique requiert maintenant une formation spécialisée. Alors, la fédération française a décidé de créer une école, mais les motivations des élèves demeurent les mêmes. Celles de la tradition, atavisme familial ou réussite dans les courses de village.
(Musique)
Intervenant 1
C’est parti de mon frère, parce que mon frère était courtier en bestiaux, puis il aimait beaucoup les bêtes. Puis un jour, il montait les arènes avec un gars de chez moi. Et il s’est mis à écarter quoi. C’est depuis ce jour-là que je me suis dit, je peux être capable d’en faire autant.
Journaliste
Et vous ?
Intervenant 2
Moi, c’est dans les courses amateurs qui ont lieu dans les Landes, c’est-à-dire qu’on organise des courses amateurs pour recruter des jeunes amateurs qui écarteront. Et j’ai commencé comme ça, j’ai écarté.
Journaliste
Alors, pour être sauteur, c’est différent, alors comment on vient au saut ?
Intervenant 3
Il faut faire la gymnastique. Dans les courses amateurs aussi, il faut s’entraîner un peu.
Journaliste
C’est-à-dire que toi, tu as commencé par la gymnastique ?
Intervenant 3
Oui !
Journaliste
Et vous ?
Intervenant 4
Pour moi, c’est les courses amateurs. J’ai commencé l’année dernière, et comme mon frère écarte aussi, j’ai continué, je suis parti à la course, et voilà.
Intervenant 5
Toujours dans les courses amateurs, et on continue.
Intervenant 6
Vous allez être en face de la corne extérieure, c’est-à-dire la corne étant là, vous êtes sur la pointe. On comprend pourquoi un torrère qui ne se livre pas se met sur la pointe, c’est pour faire passer une vache. Alors que vous êtes sur la pointe, vous n’êtes déjà pas en face du corps, vous êtes en face de cette partie, à condition que ce soit une vache un peu large. Le teneur de corde, la corde arrivant ici pour vous frapper, le teneur de corde n’a qu’à tirer un petit peu, en principe, ça passe.
(Bruit)
Intervenant 6
Attention, attention, car il y a le revers de la médaille. C’est que là, laisse-moi finir, c’est l’arme à double tranchant, et vous allez comprendre pourquoi. Parce que si vous êtes en pointe sur une vache qui fuit là, car le problème, c’est qu’on va rencontrer deux sortes de vaches. Celle qui court un peu sans méchanceté, et celle qui court pour prendre. Celle qui court sans méchanceté, si vous êtes en pointe, vous en sortirez peut-être facilement. Maintenant, attention, si c’est une vache qui veut vraiment prendre le torrère, une vache de tempérament, que va-t-il se produire ? Bien, la bête va corriger sa trajectoire pour venir vous attraper. Et cette bête va arriver de travers, c’est-à-dire comme ceci une fois de plus pour vous attraper. Alors là, que va-t-il se produire si vous êtes en pointe ? La vache étant comme ceci pour vous frapper, vous allez comprendre tout de suite, regardez le corps de la bête. Vous, vous ne bougez pas de deux choses l’une. Ou bien alors, ce sens sera mis en pointe pour tromper la bête, la mener vers l’extérieur et tourner à l’intérieur, côté teneur de corde, c’est ce qui se fait. Ou bien alors, vous êtes en pointe, le teneur de corde lui, il est en général toujours un peu en retrait, il tire sur la bête, et regardez ce qui se produit sur vous. La bête étant comme ceci, elle va tourner, et vous serez fauché par ses pattes arrière.
(Bruit)
Intervenant 7
La vocation de l’école taurine, c’est d’abord de susciter des vocations et trouver ces vocations.
Intervenant 8
Ses pieds sont très bien réunis au sol, mais parce que ses bras sont…, il y en a un qui tombe sur la vache et l’autre qui est à l’horizontale. Ils seraient légèrement relevés, ses bras, l’écart serait très beau. Il est beau comme ça aussi, parce que la position de bergère est très bonne là. Le pied joint et tout ça, c’est très bon. Et la vache, il n’y a pas eu de coup de corde, où là, la corde a été relâchée sûrement, mais il n’y a pas eu un coup de corde violent.
Intervenant 7
Au bout de cinq ou six séances, je ne dis pas que nous avons de véritables écarteurs, nous pouvons déjà dès maintenant déceler des aptitudes. Et nous avons essayé de parfaire leurs aptitudes ; nous essayons simplement d’avoir des jeunes qui dans un an, deux ans, trois ans, deviendront de bons, peut-être d’excellents toréros, sinon des champions. Voilà notre but, donc nous faisons passer un petit CAP. Un petit CAP, nous en aurons, je pense, sur sept que je vois devoir réussir. Je pense que sur les sept, nous risquons d’avoir un ou deux champions.
Intervenant 6
Mets-toi en face de la bouée, apprends à te mettre en face, là. Tu lèves bien tes bras, tu calcules la vitesse, et pense à ce que je t’ai dit, un, deux, trois. Allez, tu y es, allez, hop ! Tu fais ça, regarde, tu es là, regarde bien, tu fais ça. Il n’y a pas le, un, deux, trois.
Intervenant 1
J’avais peur au début, comme me mettre devant une vache de suite. Et j’ai vu que c’était très bien. On nous apprenait à comment il fallait tourner avec des chambres à air. Je suis vraiment content quoi. Maintenant, je vois, ça va quoi.
Intervenant 2
C’est-à-dire qu’au départ, on se mettait devant une vache, on ne savait pas comment faire pour l’éviter. Là, on nous a appris comment écarter les différentes sortes, sur le saut, sur la feinte, puis après la technique pour tourner des deux côtés.
Journaliste
Alors, pour faire un saut, on sait faire un saut bien sûr en gymnastique naturelle, mais quand la vache arrive devant, il faut le faire différemment, c’est ça qu’on vous a appris aussi ?
Intervenant 2
On nous a appris quand c’est qu’il fallait prendre appel.
Journaliste
Et ça sert après ?
Intervenant 2
Oui !
Intervenant 3
Moi, en tant qu’écarteur, ça m’a beaucoup appris, c’est de me perfectionner sur le saut, parce que je saute pas trop. Et surtout à être dans une ambiance assez chaude entre copains aussi.
Journaliste
Car dans le fond, la course landaise, c’est un peu une affaire d’ambiance. L’école taurine, ça vous a mis dans l’ambiance ?
Intervenant 4
Oui, puis ça apprend à se maîtriser, à avoir un peu moins peur.
Journaliste
C’est important d’avoir un peu moins peur ?
Intervenant 4
Oui, parce qu’on juge mieux les bêtes.
(Musique)
Journaliste
Après avoir suivi les cours théoriques et pratiques avec beaucoup d’assiduité et après avoir longuement discuté avec les anciens ; les jeunes ont passé ce qu' Alban Darbaud appelle un CAP, et que nous baptiserons nous, alternative. Pour la première fois en course et devant un public de connaisseurs, ils ont affronté de vraies vaches landaises. Petit fauve rapide, parfois méchant et même vicieux, car le rituel de la course est le même pour bêtes et gens. Alors, la vache elle aussi s’adapte au système et essaie d’en tirer profit au détriment du pauvre écarteur. Les jeunes en ont fait l’expérience, et c’est avec un certain plaisir que leur professeur Michel Agruna a pu remettre les premières coupes et récompenses. Ces sportifs qui sont – il faut le rappeler – des amateurs, vont maintenant se lancer dans la carrière. À leur sortie de l’école taurine, tous ont trouvé une place dans les diverses quadrilles. Preuve évidente de la confiance des éleveurs et assurance d’un bel avenir pour l’école.
(Musique)
Journaliste
Mais les courses formelles dont nous venons de suivre, quelques instants palpitants ne sont pas encore réservées aux jeunes. Ce n’est qu’après une ou plusieurs saisons en équipe 2 qu’ils pourront alors participer au Championnat de France.