La Musique électroacoustique instrumentale
Introduction
Elle repose sur des choix opposés à ceux de la musique sur support : pas question d'abandonner pour des haut parleurs le spectacle de musiciens sur scène. Dès lors, les technologies électroacoustiques et informatiques sont utilisées comme prolongements, comme dépassements, voire comme partenaires de l'instrumentiste ou du chanteur. Sa partie est en général classiquement écrite sur une partition, mais le son qu'il émet est capté, traité selon un programme prévu dans l'œuvre, il peut déclencher des séquences préenregistrées, des réponses diverses de la machine. Le déroulement temporel n'est pas figé, comme sur une bande magnétique ou un quelconque support. (Mais en revanche, les équilibres sonores, les détails morphologiques si précisément déterminés sur les supports, comportent, sur scène, une part d'aléatoire... ).
Depuis le début des années 80 et le développement de l'informatique musicale, de nombreuses recherches ont misé sur ce dépassement des ressources des instruments d'orchestre, tout en s'inscrivant dans le prolongement de la musique écrite.
La musique mixte
Cette appellation est réservée aux œuvres qui superposent une ou plusieurs parties, instrumentales ou vocales, exécutées sur scène à une musique sur support. De même qu'il y a des concertos pour piano et orchestre, de même il existe des œuvres pour piano et bande magnétique – et il n'est pas rare qu'elles soient plus ou moins concertantes.
Bien sûr, les œuvres mixtes s'inscrivent pour une part dans l'univers de la musique sur support, pour une autre dans l'univers instrumental. Mais elles explorent une problématique spécifique, celle de la confrontation d'un temps fixé et du jeu souple du musicien qui lui répond.
Ivo MALEC, Cantate pour elle
"Aller au-delà de ce que l'on considérait récemment encore comme la limite d'un instrument, voire de la voix, semble aujourd'hui devenir une démarche habituelle et nécessaire. Au lieu de vouloir surprendre, je me suis limité ici à écouter et suivre la très belle leçon qu'on reçoit chaque fois que l'on tourne le dos au "normal" pour s'en aller chercher du côté des cas extrêmes ce que l'on peut faire avec "ce qui n'est pas à faire"
Alejandro VIÑAO, Chant d'ailleurs
Chant d'ailleurs est une série de trois chants qui sont des chansons d'une culture imaginaire. Une culture qui serait restée rurale tout en ayant une technique hautement développée. Cette rencontre improbable explique le caractère rituel et parfois monodique du chant, avec la partie réalisée par ordinateur qui ne cherche pas à harmoniser ou à orchestrer les chansons mais plutôt à étendre le phrasé et le timbre de la voix au-delà de ses possibilités acoustiques naturelles.
Transformations et interactions en direct
L'ordinateur, depuis un certain temps, opère des transformations du son en direct. Il devient instrument et dialogue avec l'interprète. Nous connaissons Syter – développé au GRM à partir de 1984 – la 4X – réalisée à l'Ircam à la même époque –, processeurs cablés suffisamment rapides pour produire le calcul d'un signal dans le temps de son écoute. Ils permettent de retrouver une logique du sensible (la perception du jeu instrumental), par rapport à des paramètres fixés ou calculés.
Mais l'informatique va beaucoup plus loin : l'être humain devient lui même instrument. Les dispositifs, nombreux et variés – l'homoparleur (Michel Redolfi), The Hands (Michel Waisvisz), le Meta Instrument (Serge de Laubier), etc. – pour n'en citer que quelques uns, font intervenir le corps humain tout entier en osmose avec la musique.
Notons toutefois que cette interaction entre le corps humain/instrument et les sons fixés demeure relativement aléatoire car dépendante de la précision des gestes et de leur captation.
Jean SCHWARZ, Canto
Canto, pour guitare, basson, clarinette basse, contrebasse, dispositif de transformations en direct (Syter) et bande magnétique, est l'un des exemples les plus aboutis de cette rencontre et de ce dialogue que Jean Schwarz recherche et poursuit entre des grands musiciens de jazz et le travail électroacoustique.
Instruments électroniques ou électrifiés live
Au départ, les instruments dits "classiques" sont électrifiés, permettant ainsi une modification des timbres et une variation de l'amplification. L'exemple le plus connu est celui de la guitare, qui, électrifiée, devient un nouvel instrument. On redécouvre également l'interface du clavier au travers d'instruments originaux tels le synthétiseur ou l'échantillonneur .
Ce secteur est en pleine expansion; tous les jours de nouveaux instruments et de nouveaux dispositifs apparaissent. La grande nouveauté réside dans la recherche de conquête de "l'espace" sonore.
La réconciliation entre l'aspect "figé" du travail sur support et l'aspect "dynamique" du travail en direct, allant jusqu'à l'improvisation, facilite le dialogue entre tous les genres musicaux.
On assiste à un renouveau du concert électronique, avec un rapprochement des autres arts de support : vidéo, télévision, multimedia, cinéma, internet ...
(date de rédaction : 1999)
Jacopo BABONI SCHILINGI, Spactio intermisso (temporis)
"Combien de temps peut durer une note de musique aujourd'hui? Et un son tenu? Combien de temps peut-on dédier à l'écoute d'une musique "dite" nouvelle issue d'une création artistique? Vitesse et rapidité : les paradigmes de la perception de cette œuvre."
Pierre JODLOWSKI, In & Out
Le projet In & Out m'a été commandé par le KammerEnsemble Neue Musik Berlin en juin 2004. Réalisé en collaboration avec le vidéaste et compositeur Pascal Baltazar, ce projet s'inscrivait dans un lieu singulier : l'Oberbaum City, un vaste complexe industriel récemment réhabilité.