Le développement urbain de Nantes

Le développement urbain de Nantes

Par Jean Renard, Professeur émérite de géographie, université de NantesPublication : 2016

# Introduction

Pour replacer les débats et leur donner sens nous devons rappeler que les édiles nantais ont souvent eu un temps de retard face aux grandes décisions d’urbanisme et d’aménagement, sauf pour la mise en place d’un réseau de transports en commun. Cela s’explique peut-être par leur comportement.

Ainsi la ville se débarrasse de ses murailles médiévales tardivement. Au XVIIIe siècle l’embellissement de la ville et les initiatives des architectes viennent trop tard. La Révolution tue dans l’œuf bien des projets, contrairement à Bordeaux. Au début du XIXe, sous la Restauration, on continue le trafic illégal des esclaves. Dans les années 1960, on refuse le statut de communauté urbaine. Tout au long du XIXe siècle et jusque dans les années 1960 on échoue à restaurer l’université, les Rennais mettant volontiers des bâtons dans les roues !

Aujourd’hui, alors que la ville a changé de nature, de statut et d’image, on peine à asseoir une gouvernance commune élargie à l’estuaire.

Le cas nantais est original dans le domaine de l’urbanisation.

Nantes fusionne au début du siècle avec les communes de Doulon (maraîchère) et de Chantenay (industrielle). Jusqu’à la fin des années 1950 l’agglomération se réduit à la commune de Nantes, à laquelle s’ajoute au sud de la Loire la commune de Rezé.

Il reste encore aux limites de la ville de grands espaces agricoles et bon nombre de grandes propriétés agrémentées de parcs paysagers. Immédiatement au-delà, une couronne de vastes communes agricoles et de bourgs a peu à voir avec la ville, tant au plan des relations économiques que politiques. L’image utilisée par A. Siegfried et plus tard par Julien Gracq d’une ville kyste sans relations avec son environnement immédiat, ou d’un îlot républicain dans un vaste océan d’Ancien Régime, est encore justifiée. Il en va différemment aujourd’hui.

En un demi-siècle, et en trois phases successives, la ville va passer au statut de métropole à dimension européenne, en se dotant au passage des infrastructures et équipements nécessaires. Parallèlement les surfaces urbanisées passent en trente ans de 5 000 à 15 000 hectares. L’étalement urbain est la résultante de ces évolutions. 

     

# Les difficultés de l'après-guerre

Après les destructions de  la Seconde Guerre mondiale, Nantes tente de retrouver ses fondamentaux : redevenir un grand port industriel et colonial. En fait, les années qui suivent la fin du conflit témoignent d’une lente et difficile reconstruction de la ville sur elle-même.

# Le bilan des bombardements

Au lendemain de la guerre, Nantes est une ville blessée. Les deux bombardements des alliés des 16 et 23 septembre 1943, et celui des Batignolles le 23 mars, ont provoqué des dégâts considérables. Aux nombreux morts et blessés s’ajoute l’exode de la population. Les deux tiers des habitants fuient vers les campagnes voisines. Des rues entières du centre-ville ont été touchées, notamment les magasins Decré et la rue commerçante du Calvaire, l’Hôtel-Dieu, mais aussi les chantiers de Bretagne. Le bilan est lourd : 1 463 civils tués, 2 500 blessés, 10 000 sans-abri, 700 immeubles détruits. Cela vaudra à la ville la reconnaissance de la Nation.

En 1943, le gouvernement de Vichy avait confié aux services municipaux nantais l’organisation de l’aménagement et de la reconstruction. Mais se pose alors la question d’un nouveau plan d’urbanisme. Le gouvernement provisoire désigne en 1945 l’architecte, grand prix de Rome, Michel Roux-Spitz comme architecte en chef. Il devra travailler sous l’égide de la municipalité. Le programme est vaste : nouvelles voies de circulation, parcs et jardins, quartiers résidentiels avec un souci d’hygiène et d’esthétique. Les architectes Sébille, Robida et Coutan auront beaucoup de difficultés à faire admettre ces points de vue modernistes malgré l’appui de la municipalité. Il s’agit plus d’une reconstruction que d’un réaménagement complet de la ville.
Des baraquements vont suppléer au manque de logements. Ceux du centre-ville (Boulevard Guist’hau, cours Cambronne) vont vite disparaître. Ceux de la périphérie (Grand Blottereau, Chêne des Anglais) subsisteront jusqu’à la fin des années 1960 ! 

# La démolition du pont transbordeur : un symbole (1958)

La démolition du pont transbordeur situé au droit du quai de la Fosse et qui datait de 1903 est un symbole fort. Il servait au transport des ouvriers des chantiers d’une rive à l’autre de la Loire. Le document (muet) montre le démantèlement et le transfert sur barge des éléments devant la foule rassemblée sur le quai. C’est un pan du patrimoine nantais qui disparaît. Le souvenir de ce pont reste ancré dans la mémoire des Nantais. Aujourd’hui, un projet porté par des associations de la société civile reposant sur une construction du même type plus à l’aval, traduit même une certaine nostalgie de cet ancien mode de franchissement.

# La seconde ligne de ponts (1966)

Longtemps les deux rives du fleuve ont été franchies par une seule ligne de ponts s’appuyant sur la présence d’îles, de gués et de chaussées. Or il s’agissait du seul point de franchissement du fleuve à l’aval d’Angers ! 
De la tour de Pirmil au sud, à la ville médiévale de Nantes, une ligne de ponts permettait de franchir les deux bras principaux de la Loire, de la Madeleine et de Pirmil. Emportée à plusieurs reprises par les crues et les glaces, la ligne de ponts est reconstruite en pierre à partir de 1569 et à plusieurs reprises, au long des ans. On comptabilise 6 effondrements du pont de Pirmil depuis le XVIe siècle,  le dernier en 1924, avant la destruction du pont par les Allemands le 12 août 1944. Un pont provisoire de bateaux permettra le franchissement pendant quelques années. Après sa reconstruction, et face à l’accroissement des trafics, la nécessité d’une deuxième ligne de ponts, envisagée dès le XVIIIe siècle, s’impose. Elle se réalisera en 1966 avec la construction des ponts Aristide Briand et Georges Clemenceau, reliant le château de Nantes à Saint-Sébastien.

Depuis lors la question des franchissements va occuper les édiles nantais jusqu’à aujourd’hui avec la multiplication des ponts : pont de Bellevue (1970), d’Anne de Bretagne (1975), Haudaudine (1979), Tbilissi, Willy Brandt, des Trois continents, et tout récemment Eric Tabarly et Léopold Senghor. 

L’autre ligne de ponts, dit pont de la Vendée, est réservée au trafic ferroviaire depuis le XIXe siècle.

# L’inauguration du magasin Record par la famille Decré (1967)

En 1967 ouvre à Saint-Herblain, le long de la route de Vannes et au pied du Sillon de Bretagne, le magasin Record. C’est le premier hyper de l’Ouest, après l’ouverture en Île de France de celui de  Sainte-Geneviève-des-Bois en 1963.

Il est créé par la famille Decré qui possède dans le centre-ville de Nantes un vaste magasin, détruit lors des bombardements et reconstruit, devenu depuis les Galeries Lafayette.

C’est au retour d’un voyage d’études aux États-Unis que Michel Decré copie le concept. Sur 5000 m2, on trouve déjà tout ce qui fera le succès de ce type de magasin : libre-service, caddies, caisses, rayons spécialisés, vaste parking. Cette ouverture annonce une véritable révolution dans la distribution. C’est le début des grandes surfaces qui quelques années plus tard se situeront au débouché des principaux axes de circulation de l’agglomération. En 1971 l’hypermarché passera sous la bannière du groupe Carrefour.

# La Cité Radieuse (1955)

Construite en 1955 sur la commune de Rezé, la Cité Radieuse du Corbusier, une barre de béton sur pilotis et 17 étages, appartements duplex avec balcon, va rapidement susciter des commentaires enthousiastes ou critiques et bon nombre de reportages. Avec 294 appartements, 1250 habitants dont 600 enfants de moins de 15 ans, une école maternelle sur le toit, des appartements conçus un peu comme des cabines de bateau, elle offre selon ses premiers habitants confort et tranquillité. Tous ses habitants entendent y rester et bénéficient d’une solidarité vécue. Il en ira différemment plus tard, avec le renouvellement des locataires, les critiques portant sur la hauteur des plafonds, l’exiguïté de la cuisine, l’absence de placards, etc.

Il n’empêche, la Cité Radieuse de Rezé, l’une des cinq existantes dans le monde, est emblématique et fait désormais partie du patrimoine nantais que l’on peut comparer au sillon de Bretagne, lequel a subi, après quelques années, bon nombre de critiques.

# Les premiers grands ensembles : des Dervallières à Malakoff

Dès 1946 les réalisations de la cité-jardin du Grand Clos par Michel Roux-Spitz et des HLM de la cité des Hauts-Pavés, au nord de la place Viarme, poursuivent une politique de lotissements et de petits ensembles, inaugurée dès 1938 avec la cité de l’Hermitage. Mais il faut attendre la fin des années 1950 pour voir se déployer de grands ensembles. La caractéristique première étant que, contrairement à d’autres agglomérations, ils vont s’élever dans la ville-centre plus que dans les communes de banlieue. Le premier d’entre eux est celui des Dervallières, construit entre 1956 et 1963, sur les coteaux de la Chézine, dans le vaste parc d’un ancien château. Avec 2 650 logements il abrite environ 10 000 habitants, souvent, à l’origine, d’anciens ruraux attirés par l’emploi en ville. Plus tard il va concentrer, comme nombre de grands ensembles, des populations immigrées. Vantée au départ par son environnement naturel, la cité des Dervallières (conçue par l’urbaniste Marcel Favraud) va connaître comme les autres (Clos-Toreau au sud de la ville, la Boissière au nord, Bellevue, la Bottière) une lente dégradation avec l’abandon de la mixité sociale souhaitée et un sentiment d’enfermement des populations. Il en ira de même pour le dernier grand ensemble de Malakoff, construit entre 1967 et 1971 entre les voies ferrées et la Loire, constitué de tours et de barres de 10 à 16 étages.

À partir des années 1990 des rénovations sont engagées dans le cadre de la politique de la ville.

# La lente reconstruction du CHU centre et de la faculté de médecine

Les bombardements de 1943 ont gravement touché l’Hôtel-Dieu. Il faudra plusieurs années pour reconstruire les locaux de l’hôpital sur le même emplacement et des facultés de médecine et de pharmacie, ces dernières abritées encore à la fin des années cinquante dans des bâtiments et baraquements provisoires.

En 1964 est évoqué le projet de construction d’un nouvel hôpital sur un vaste terrain d’une cinquantaine d’hectares, sur la commune voisine de Saint-Herblain alors en pleine expansion démographique. Le feu vert sera donné seulement en 1977 par Simone Veil. Les travaux débutent en 1979 et s’achèvent en 1984. L’hôpital nord, baptisé Laennec du nom du médecin nantais, comprend à son ouverture 555 lits et aura coûté 350 millions de francs.

Parallèlement, le CHU du centre-ville va s’agrandir avec un pavillon de la mère et de l’enfant, un nouveau plateau technique et la multiplication de laboratoires de recherche.

Au début du nouveau siècle est projetée la reconstruction du CHU sur des terrains de l’île de Nantes, à proximité de la nouvelle faculté de pharmacie et de médecine, en regroupant les services des trois sites sur un seul lieu : l’hôpital du centre-ville, Laennec et Saint-Jacques au sud de la Loire. Projet qui suscite de nombreux débats.

Pour mémoire il faut rappeler que les cliniques privées, nombreuses sur la place de Nantes, vont quant à elles quitter pour l’essentiel le centre-ville, se regrouper, et s’installer stratégiquement à l’entrée de la ville sur les principaux axes.

# L’essor de l’aéroport de Nantes Bouguenais (1964)

Né en 1928, l’aéroport de Nantes Château-Bougon, situé au sud-ouest de l’agglomération va connaître son envol après la guerre (1951). Les aménagements réalisés entre 1954 et 1970 (piste allongée, construction d’une aérogare, déviation des voies ferrées) vont permettre un trafic d'un million de passagers en 1993, ce qui en fait le premier aéroport de l’Ouest. En 1988 il prend le nom de Nantes-Atlantique. En 2000 le trafic est de 2 millions de passagers et en 2007 de 2,7 millions. Il a l’avantage d’être à proximité de la ville, à laquelle il pourrait être aisément relié par voie ferrée ou tramway, mais ce qui entraîne des problèmes de survol et de bruit. D’où le projet d’un nouvel aéroport au nord de l’agglomération à Notre-Dame-des-Landes, lancé au début des années 1960 pour accueillir le Concorde, puis pour en faire un aéroport de délestage des plates-formes parisiennes, et enfin l’aéroport dit du Grand Ouest. La part des low-cost  et des vols loisirs augmente régulièrement.

Un contentieux existe au sein des populations entre le maintien et la modernisation de l’actuel aéroport et son transfert à Notre-Dame-des-Landes.

# Le retour de l’université en 1962 (et ses difficultés)

Supprimée sous la Révolution, la vieille université nantaise qui datait de 1460, déjà touchée par le transfert à Rennes en 1735 de sa Faculté de droit, ne va renaître officiellement qu’en 1962. Certes, un certain nombre d’enseignements supérieurs et d’écoles subsisteront grâce aux initiatives des élus et d’industriels pendant un siècle et demi. Ainsi la médecine et la pharmacie resteront enseignées, mais la délivrance des diplômes se fera ailleurs.

En dépit de multiples tentatives, et du fait de l’opposition des universitaires rennais, il faudra attendre 1962 pour la réouverture de l’université.

Au plan des constructions, l’essentiel se fera dans un premier temps sur de grands domaines acquis par la ville au nord : La Lombarderie pour la faculté des sciences, celle du Tertre pour le droit et les lettres. Ce campus hors la ville, conçu sous la responsabilité de l’architecte Louis Arretche, offrait de vastes espaces et un cadre naturel privilégié sur les coteaux de l’Erdre. On a au départ minimisé les perspectives de croissance puisque, par exemple, la faculté des lettres a été construite à l’image de celle de Dijon de 1950 ! Aussi a-t-il fallu procéder à des  agrandissements successifs, toujours en décalage par rapport à l’explosion des effectifs. Au tournant du siècle l’agglomération nantaise comptait plus de 50 000 étudiants, dont environ 35 000 à l’université, y compris les délocalisations de Saint-Nazaire et de La Roche-sur-Yon.

# Le transfert du MIN

Alors même que le transfert du Marché d'Intérêt National est acté sur la commune de Rezé pour laisser la place au futur CHU, il n’est pas inutile de revenir sur le déplacement du marché central de Nantes et son installation sur l’île Beaulieu en 1969. Le marché de gros était à l’étroit sur le Champ de Mars, mal desservi et saturé.

L’installation d’un MIN s’explique par les vocations portuaires et maraîchères de l’agglomération. Desservi par le chemin de fer, le MIN occupe un vaste terrain de 27 hectares associant entrepôts frigorifiques et réception de produits exotiques. Il rayonne sur 27 départements et est l’un des plus grands de France.   

# D’une ville sans banlieue à l’archipel urbain

À partir des années 1960-1965 le rêve de retrouver les activités autour du port et des industries emblématiques de la ville, chantiers navals et industries agroalimentaires, le tout animé par le capitalisme local de vieilles familles implantées depuis plus d’un siècle, fait faillite. Parallèlement on voit l’urbanisme de la ville se transformer, avec des infrastructures nouvelles, des fonctions et des équipements qui vont changer radicalement son visage.

# La construction du périphérique

Suite à l’élection d’Alain Chénard en 1977, le projet de pénétrantes, en particulier le long de l’Erdre, est abandonné au profit d’un projet de périphérique ceinturant le cœur de l’agglomération, à l’image du périphérique parisien. Il sera achevé avec la construction du pont de Bellevue et plus encore avec le pont de Cheviré, détournant les trafics régionaux du centre-ville. Ce sera une œuvre de longue haleine s’étalant sur plusieurs années (1970-1994). Ce projet, long de 43 kilomètres, avec 23 « portes » ou échangeurs, redessine l’agglomération avec, aux croisements du périphérique et des grands axes de circulation, l’aménagement de ronds-points et échangeurs facilitant l’installation de zones commerciales disposant de vastes parkings. Souvent encombré, il fait régulièrement l’objet de critiques, projet de mise à 3 voies, risques de fermeture du pont de Cheviré par grand vent. Le transit ne représente qu’environ 10% du trafic, mais ce sont surtout des camions, les 90% restants étant les relations au sein de l’agglomération. Désormais il est commun d’opposer, de part et d’autre de la frontière que constitue de fait le périphérique, une ville à l’intérieur du périphérique à des communes situées au-delà.

# Le secteur sauvegardé de Nantes

Décrire l’urbanisme d’une ville, ce n’est pas seulement dresser la liste des nouveaux équipements et infrastructures, c’est aussi examiner  les monuments du passé et des quartiers historiques et leur préservation dans l’optique patrimoniale. Nantes a été pionnière en ce domaine en délimitant un secteur sauvegardé dès 1972, dans le cadre de la loi Malraux de 1962 sur la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine. Avec 126 hectares il est l’un des plus grands du pays, et recouvre la quasi-totalité du centre-ville. Les difficultés de sa mise en œuvre ne manquent pas du fait de la diversité des acteurs. À Nantes une association dynamique issue de la société civile - Nantes Renaissance - a pris à bras le corps ces problèmes en trouvant des subventions. Plus de 1200 immeubles ont été ainsi restaurés. À terme le secteur sauvegardé, du cours Cambronne à la place Louis XVI, est appelé à devenir pour l’essentiel un vaste plateau piétonnier. Les aménagements du cours des Cinquante Otages vont en ce sens. 

Parallèlement les élus ont eu une active politique de revitalisation des friches industrielles. La manufacture des tabacs, le site LU, le jardin des fonderies, l’usine électrique, et les  projets sur l’île de Nantes (halles Alstom) en sont le témoignage.

# Le retour du tramway

Nantes a été pionnière dans ce type de transports, ce dès le XIXe siècle. Entre les deux guerres existait un dense réseau de lignes parcourues par les fameux trams jaunes, dont la mémoire est encore présente dans l’imaginaire des vieux Nantais. Le tram disparaît en 1958 et laisse la place, ici comme ailleurs, à l’automobile conquérante.

Sous la houlette du maire Alain Chénard a été envisagé dès 1977 le retour du tramway. Le projet était pionnier, aucune autre ville de France ne s’était alors engagée dans ce type de transport en commun, à la différence de nos pays voisins qui avaient conservé le leur, en particulier en Allemagne.

L’affaire va faire polémique, le nouveau maire élu en 1983, Michel Chauty, refuse d’inaugurer la première ligne, ouverte en 1985, qui suit les bords de la Loire. Une deuxième ligne desservant l’université au nord jusqu’à Rezé au sud, puis une troisième allant du CHU à Orvault complètent le dispositif, la place du commerce au cœur de la ville accueillant les trois lignes. Héritier du tramway nantais, le Busway est mis en service sur la ligne 4, en site propre, entre Vertou et la place Louis XVI.

Longtemps première ville de France en nombre de kilomètres de lignes de tramway, la ville a été dépassée par d’autres. Des projets demeurent, depuis la connexion des lignes 1 et 2, et un nouveau tracé dans l’île de Nantes qui pourrait desservir le futur CHU.

Le réseau de lignes a profondément modifié les modes et les lieux de l’urbanisation, ainsi que les déplacements des personnes. La voie qui utilise le cours des Cinquante otages et la rive de l’Erdre est un bon exemple de ces transformations.

# Le Sillon de Bretagne

Ce très haut immeuble en forme pyramidale constitue un repère dans l’agglomération.

On a pu le comparer à un énorme navire, situé en ZUP, et dans lequel couloirs et coursives desservent 900 logements. Les premiers logements sont occupés dès 1971 et l’immeuble, achevé en 1974, est la propriété du Home Atlantique. Le petit nombre d’ascenseurs et d’entrées, et ses autres insuffisances en feront rapidement le symbole d’un grand ensemble cumulant les insatisfactions des locataires. Les dégradations vont suivre, la mixité sociale vantée sera vite abandonnée. 

À partir de 1985 et jusqu’à aujourd’hui, des travaux d’aménagement lourds vont être entrepris, notamment avec l’installation de bureaux.

En 1989 le président de la République François Mitterrand viendra saluer la réussite de la réhabilitation ! 

# La Tour Bretagne

Seul immeuble de grande hauteur de la ville, la Tour Bretagne offre un signal quelque peu insolite dans le tissu urbain. Le projet, porté par le maire André Morice dès 1964, se voulait être une tour emblématique de bureaux digne d’une métropole d’équilibre et des Trente Glorieuses. Achevée en 1976 la tour se dresse place de Bretagne face aux immeubles de la poste centrale et de la Sécurité sociale, le tout occupant l’emplacement du vieux quartier du Marchix.

Ce gratte-ciel isolé, haut de 144 mètres, avec 29 étages, une terrasse panoramique et un sous-sol de parkings sur six niveaux, est pour beaucoup de Nantais une verrue qui ne s’imposait pas, d’autant que son occupation a été un succès mitigé, les entreprises publiques devant suppléer les entreprises privées. La fermeture de la terrasse a été aussi une question récurrente jusqu’à son ouverture récente.

Elle est désormais partie intégrante du paysage nantais, comme l’est le Sillon de Bretagne et, un temps, le Tripode.

# La Beaujoire

La Beaujoire, c’est à la fois un parc régional des expositions de plein air et un grand stade ouvert à des compétitions internationales.

Le parc, situé sur les rives de l’Erdre, ouvre en 1971 pour les troisièmes floralies internationales qui se déroulent tous les quatre ans. Il résulte du transfert du parc du Champ de Mars situé en ville et trop à l’étroit. Des extensions successives sous la forme de halles couvertes lui permettent d’abriter nombre d’expositions dont la foire annuelle au printemps, mais aussi les candidats aux examens de l’université ! En 1988 le parc sera doté d’une roseraie.

Mais c’est aussi un stade abritant les compétitions du Football club de Nantes. Inauguré en 1984, par transfert du vieux stade Marcel-Saupin situé sur les bords de la Loire, lequel sera réaménagé et qui abrite aujourd’hui, en lieu et place des gradins, l’institut universitaire d’études avancées (IEA) et un immeuble de services. 

Œuvre de l’architecte B. Agoyan, baptisé Louis Fonteneau du nom du président du FCN, il offre un maximum de 53 000 places debout, ou 30 000 assises, et est entouré de vastes parkings à proximité immédiate du périphérique et est desservi par le tramway. En 1998 il a accueilli plusieurs matchs du mondial de football et en 2007 de la Coupe du monde de rugby.  

# L’hôtel de région

C’est Olivier Guichard, premier Président de la région des Pays de la Loire, qui en 1981 lance l’idée d’un Hôtel de région afin d’abriter les services et les élus de la nouvelle entité territoriale et administrative, née en 1972. Le cabinet d’architecte Durand-Ménard-Thibault est retenu après concours. Le choix du site, à l’amont de l’île face au fleuve, n’est pas neutre.

Inauguré en 1987, ce palais de la région est aux yeux de tous une réussite avec son dôme, son hémicycle des séances, un vaste hall d’entrée et même un embarcadère sur la Loire. C’est le premier des palais de région de France, d’autres suivront !

Un temps isolé, désormais de nouvelles constructions de bureaux et d’immeubles de logement, un couvent et un vaste espace naturel en bout de l’île font de cet édifice monumental le cœur d’un nouveau quartier administratif. 

# Le pont de Cheviré

Inauguré par le premier ministre Michel Rocard le 27 avril 1991, haut de 50 mètres afin de pouvoir laisser passer les navires à fort tirant d’air, c’est un ouvrage d’art du type du pont de Tancarville en Normandie. Il a été préféré après un long débat à un tunnel. Situé à l’ouest de l’agglomération, il permet le contournement de la ville et, avec ses deux fois trois voies, c’est le passage incontournable entre le nord du pays et le sud. La pose de sa travée centrale, de 160 mètres de long et de 2 300 tonnes, a été un exploit technique. En outre il est gratuit dès son ouverture alors qu’en 1991 le pont de Saint-Nazaire était encore en péage.

# Beaulieu

Beaulieu, c’est la partie orientale de l’île de Nantes, de part et d’autre de la deuxième ligne de ponts. Jusqu’en 1960 elle est uniquement occupée par des prairies et un vieil édifice de briques. La délimitation d’une ZUP en 1961, et l'ouverture de la deuxième ligne de ponts en 1966 sont à l’origine des transformations et de l’urbanisation de tout ce secteur. Dans un premier temps des constructions vont s’élever pour loger la population sous la forme de tours, barres et immeubles de hauteurs variées. C’est aussi la réalisation d’un immeuble de bureaux de grande hauteur, 70 mètres, le Tripode, qui abritera bon nombre d’administrations. Amianté, et dénoncé comme tel, il sera abandonné en 1994, puis démoli en 2005. Un hypermarché et des équipements sportifs complètent le site. Plus à l’amont, au bout de l’île, l’Hôtel de région en 1985 va achever l’occupation des lieux, devant un parc paysager à la pointe de l’île et le pont de chemin de fer dit de la Vendée.  

Cette partie de ville devient le centre directionnel au détriment du centre historique. Au tournant du siècle est projeté, notamment à l’emplacement du Tripode, de faire un centre d’affaires baptisé Euronantes. 

# Le Champ de Mars et la Cité des congrès

Le quartier du Champ-de-Mars est un lieu emblématique pour nombre de Nantais. Il a abrité en un premier temps d’un côté, l’usine LU, et de l’autre les halles centrales avant leur transfert plus à l’aval sur ce qui deviendra le MIN, halles qui servaient également de lieu d’exposition, de salle de congrès et de manifestations politiques et syndicales. Les halles seront remplacées au début des années 1970 par le Crédit Industriel de l’Ouest (CIO), tandis que l’ancienne usine verra s’élever en lieu et place le Palais des Congrès, des immeubles de bureaux abritant les services de la ville puis de la communauté urbaine ainsi que les services de la Poste. À l’extrémité nord, ce qui reste des bâtiments Lu devient le Lieu Unique, aménagé par l’architecte Patrick Bouchain pour accueillir des manifestions culturelles.

En 1986, la municipalité Chauty lance la construction d’une salle de spectacle de 2 000 places et d’un palais des congrès. La municipalité Ayrault, après avoir relié les deux projets en un seul, inaugurera la Cité des congrès le 1er avril 1992.

C’est, après le Zénith, la salle de spectacle et de congrès la plus vaste de l’Ouest, avec une salle de 2 000 places. C’est aussi un ensemble de salles permettant d’accueillir des congrès nationaux et internationaux.

# La quête métropolitaine

# L’arrivée du TGV (1989)

L’arrivée du TGV à Nantes au printemps 1989, mettant Nantes à deux heures de la capitale, est un aboutissement. Au lendemain de la dernière guerre il fallait 4 heures pour rejoindre Paris, puis 3 heures après l’électrification de la ligne Le Mans-Paris en 1983. Avec 8 allers-retours au début, puis bientôt une vingtaine par jour, ce rapprochement démontre que Nantes n’est plus éloignée de la capitale. Il est désormais aisé de faire un aller et retour dans la journée. En outre les liaisons vers Lille, Lyon et l’aéroport Charles de Gaulle ont arrimé la ville à l’Europe. Il en est résulté une accélération de la tertiarisation de l’agglomération. 

En revanche la mise en valeur de l’étoile ferroviaire, liée à l’histoire et aux conflits entre plusieurs compagnies, tardera. La liaison vers Vertou et Clisson en 2003 et 2006 sera une amélioration notable et ouvrira la voie à une meilleure utilisation de l’étoile ferroviaire (Nantes-Châteaubriant, Nantes-Pornic...).

# L’essor des trafics de l’aéroport, rebaptisé Nantes-Atlantique

L’aéroport de Nantes Château Bougon, rebaptisé Nantes-Atlantique, a été jusqu’à ces dernières années géré par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nantes. Les premières lignes commerciales reliant la ville à Orly ouvrent en 1951, du temps où il fallait plus de quatre heures pour relier Nantes à Montparnasse par le train. Ceci explique les taux élevés de la croissance des trafics et du nombre des vols réguliers, d’abord pour relier la ville à Paris puis aux grandes métropoles françaises et européennes.

# Le Zénith

En 2006 l’ouverture du Zénith complète l’offre de l’agglomération nantaise en termes de salles de spectacle. Avec 8 500 places c’est la première salle du Grand-Ouest. Située sur la commune de Saint-Herblain, à proximité du périphérique, elle est reliée par une passerelle aux parkings du pôle commercial Atlantis. Elle attire les publics de tout l’Ouest. C’est aussi une réalisation opérée dans le cadre de la Communauté urbaine et non pas de la ville.

Comme pour les activités commerciales, il y a eu transfert vers les communes périphériques des activités culturelles. Chacune veut sa salle, la Fleuriaye à Carquefou, l’Odyssée à Orvault, Capellia à la Chapelle-sur-Erdre, la Trocardière à Rezé. Il en va de même des multiplexes cinématographiques, UGC et Pathé à Saint-Herblain, sur le site d’Atlantis, en 1996, Cinéville à Saint-Sébastien, Cinéma pôle sud à Basse-Goulaine, etc. Ce qui permet à la métropole nantaise d’être un haut lieu de la culture et d’accueillir troupes et artistes de renommée internationale.

# La guerre des grandes surfaces de la périphérie

Comme ailleurs en France, le transfert des activités commerciales du centre-ville vers la périphérie, sous la formule de pôles, abritant hypermarchés et autres activités commerciales disposant de vastes parkings, a été le lot de l’agglomération nantaise. 

La Beaujoire, Paridis à Nantes, Grandval à Orvault, Pôle sud à Saint-Sébastien, Océane et Atout Sud à Rezé, Atlantis à Saint-Herblain, ou encore la route de Vannes, constituent une ceinture au débouché des voies rapides et du périphérique. Une même enseigne possède même des hypermarchés sur l’ensemble des 6 sites ! Les autorités ont pu se plaindre de l’avalanche des projets et agrandissements et ont proposé pour les 24 communes de l’agglomération en 2003 une charte d’urbanisme commercial autorisant 11 000 mètres carrés par an.

# La piétonisation du centre et l’aménagement du cours des 50 otages

Le projet d’aménagement du Cours des 50 otages et de l’île Feydeau est l’élément clé de la piétonisation du cœur de ville. En lieu et place de « l’autoroute urbaine » à deux fois trois voies qu’était devenu le Cours des 50 otages, il s’agit, à l’emplacement du cours de l’Erdre, enfoui entre les deux guerres, d’en faire un espace végétalisé et réservé pour l’essentiel aux deux roues, piétons et transports en commun. Le projet retenu dit Rota Fortier obéit à ces impératifs. Il a aussi le mérite de relier les deux quartiers commerçants de part et d’autre, c’est-à-dire le quartier Decré et celui de la rue Crébillon. Le choix a suscité des critiques. Des associations auraient souhaité le retour de l’eau le long du cours. Ce que permet le projet retenu.

# Le nouveau Palais de justice

Le transfert du Palais de justice de la place Aristide Briand sur les bords de la Loire s’achève en 2000, après trois années de construction. Le nouveau palais, œuvre de Jean Nouvel, rompt avec le style classique par l’usage du métal et la disparition des colonnes. Un vaste parvis ouvre sur un bâtiment où le noir domine, et qui se présente sous la forme d’un rectangle aux lignes épurées, et quasi monacal. À l’intérieur, la couleur rouge et le bois sont de règle. Face au quai de la Fosse et à la ville, une passerelle au-dessus de la Loire permet de le rejoindre.

L’ancien Palais de justice, construit en 1852, est transformé en hôtel de luxe, tandis que la prison et la gendarmerie qui le jouxtaient sont appelées à disparaître au profit de logements et d’activités commerciales, modifiant les fonctions de cette partie de la ville.

# L’aménagement de l’île de Nantes

Si la partie amont de l’île, dite île Beaulieu, est aménagée sur des prairies, à partir de 1961, il en va différemment de sa partie aval, occupée jusqu’au lancement emblématique du Bougainville en 1985, par les chantiers navals et bon nombre d’autres industries, et par les voies ferrées desservant le port. Il s’agit donc ici de recycler des bâtiments, de détruire des ateliers et de faire du neuf. Plusieurs urbanistes et architectes de renom ont proposé plans et solutions, dont Alexandre Chemetoff. Le transfert du Palais de justice et de l’École d’architecture ont été les premiers éléments. L’aménagement doit se poursuivre sur plusieurs années, voire plusieurs décennies. Le projet combine des activités ludiques (l’Éléphant et les Machines de l’Île), des installations autour des nouvelles technologies, l’accueil de laboratoires universitaires et d’écoles, ainsi que le futur CHU.   

# Bibliographie

  • André Peron, Sur les ponts de Nantes, Éd. Ressac, 1995.
  • Histoire de l’université de Nantes : 1460-1993, Renens, éditions des PUR, 2002, 364 p.
  • Le dictionnaire de Nantes, sous la direction de A. Croix, D. Amouroux, D. Guyvarc’h et T. Guidet, Rennes, éditions des PUR, 2013, 1120 p.
  • Place publique, Nantes, n°55, janvier-février 2016.
  • L. Devisme, Nantes, Petite et grande fabrique urbaine, Marseille, éditions Parenthèses, 2009.
  • D. Luneau, Nantes, l’avenir d’une ville, éditions de l’Aube, 197 p.
  • I. Garat (dir), Nantes, de la belle endormie au nouvel Eden de l’Ouest, Paris, éditions economica, 2005, 179 p.
  • J. Renard, Nantes à la croisée des chemins, Rennes, PUR, 2008, 222 p.