Feu à volonté
Introduction
" Prêt, visez, feu ! " Les Tirs de Niki de Saint Phalle réalisés en 1961, telles de véritables performances guerrières, peuvent apparaître aujourd'hui comme l'un des actes fondateurs d'une certaine incarnation de la femme artiste, engagée et militante. Les cibles visées par ces Tirs sont alors nombreuses et complexes, mêlant étroitement les préoccupations personnelles ou intimes de l'artiste à des problématiques sociales, politiques, esthétiques. Toutes renvoient cependant de manière directe ou indirecte à l'idée sous-jacente d'une domination masculine, à abattre, mais aussi à un désir d'affranchissement et de liberté. Des Tirs comme un signal de départ, entendus dans l'élan et la mobilisation d'une génération d'artistes femmes qui revendique de se réapproprier tout ce qui fonde la condition féminine. Femmes actrices d'une histoire à réinventer, mais aussi femmes témoins de l'Histoire, les artistes femmes revendiquent la violence, la représentent, l'utilisent, dans la critique du phallocentrisme des institutions artistiques comme dans l'écriture d'un autre récit de l'aventure des arts... " J'ai tué le tableau. Il renaît. Guerre sans victimes*. "
- Niki de Saint Phalle, 1961, dans Niki de Saint Phalle : Bilder, Figuren, Phantastiche Gärten, cat. exp., Munich, Prestel, 1987. Repris dans Le Nouveau Réalisme, cat. exp., Paris, Éd. du Centre Pompidou / Réunion des Musées nationaux, 2007, p.139.
Chronologie
1961 : Niki de Saint Phalle organise, à Paris, impasse Ronsin, sa première action de tir.
1968 : Valerie Solanas tire sur Andy Warhol. Son manifeste SCUM – Society for Cutting Up Men Manifesto – prône l'éradication des hommes.
1970 : Création du Ad Hoc Women Artists Committee, fondé pour dénoncer le faible nombre de femmes artistes dans l'exposition annuelle du Whitney.
1971 : Émergence de la critique d'art féministe avec, en janvier, la parution de l'article " Why Have there Been No Great Women Artists ? " de Linda Nochlin dans Art News et, en septembre, de l'article de Lucy Lippard " Sexual Politics : Art Style ", dans Art In America (n° 5), qui démontre la prédominance des femmes dans les nouveaux médias (photo, film, vidéo) ou pratiques d'art (Fluxus, happening...).
1972 : L'exposition " Douze ans d'art contemporain en France – 1972 " ne présente que deux plasticiennes, Sheila Hicks et Niki de Saint Phalle. Figurant dans la sélection, Tania Mouraud décroche ses œuvres avant l'ouverture, en signe de protestation contre la sélection des organisateurs.
1986 : L'architecte Gae Aulenti réhabilite en institution muséale la gare d'Orsay à Paris (1980-1986) ainsi que l'aménagement des salles, pour la partie historique des collections, du Musée national d'art moderne/Centre de création industrielle (1982-1985).
1983 : Grande rétrospective de Louise Bourgeois au Museum of Modern Art de New York.
1985 : Les Guerrilla Girls, un groupe de femmes artistes portant des masques de gorilles pour préserver leur anonymat, commence à afficher dans les rues de New York des statistiques sur le monde de l'art : en 1984, les femmes représentent moins de 10 % des artistes exposés dans les galeries.
1990 : Jenny Holzer est la première femme à représenter les États-Unis à la Biennale de Venise.
2007 : La Documenta 12 de Cassel présente pour la première fois 50 % d'artistes femmes.
Liste des artistes exposées dans l'entrée
- Thurnauer Agnès
- Whiteread Rachel
Galerie : Muses contre musée
Les artistes ont toujours eu une relation ambivalente avec les institutions muséales. Ils les fréquentent abondamment, mais n'hésitent pas à vilipender leur discours conventionnel et leur rôle d'autorité dans la légitimation des artistes et des œuvres. Pour les artistes femmes, s'ajoute à ces reproches la résistance de ces mêmes institutions à exposer leur travail. Ainsi, au milieu des années 1980, les Guerrilla Girls dénoncent avec humour les obstacles rencontrés par les femmes artistes ainsi que leur faible représentation dans les collections des musées. Dans Museum Highlights, Andrea Fraser, déguisée en médiatrice, détourne le public du Philadelphia Museum pour une visite subversive des lieux, utilisant un discours réaliste, mais dont la logique impérieuse est poussée jusqu'à l'absurde. Avec The Analysis of Beauty, Karen Knorr ironise sur l'idée du connaisseur perçu comme un expert du regard. Orlan entreprend le MesuRage du Centre Pompidou, peu après son ouverture, action dont le titre met en exergue le mot "rage", pour souligner celle de l'artiste refusant de jouer le rôle qu'on veut lui imposer.
Salle 3. Genital Panic
Rassemblées sous le titre de la célèbre performance de VALIE EXPORT – dans laquelle l'artiste circulait entre les spectateurs d'une salle de cinéma pornographique, le sexe à découvert, mitraillette à la main –, les œuvres de cette salle évoquent d'une manière nouvelle et provocatrice la représentation du sexe féminin. S'inscrivant contre les représentations traditionnellement avilissantes du regard masculin désirant, les féministes se sont réapproprié le motif de la vulve en le remettant en perspective dans l'histoire de l'art, et les artistes femmes en proposent des versions autres – soit monumentale et imposant un nouvel archétype du corps, soit formelle et proposant de nouveau gestes ou matériaux, soit encore agressive et utilisant la provocation comme outil d'un mieux voir : "en refusant d'être provocatrice, dit VALIE EXPORT, je n'aurais pas pu rendre visible ce que je voulais montrer. J'avais à rentrer dans les choses, pour les faire sortir."
" Le discours pornographique fait partie des stratégies de violence qui sont exercées à notre endroit il humilie, dégrade, il est un crime contre notre " humanité ". Comme tactique de harcèlement il a une autre fonction celle d'un avertissement, il nous ordonne de rester dans les rangs, il nous met au pas pour celles qui auraient tendance à oublier qui elles sont, il fait appel à la peur. "
Monique Wittig, "La pensée straight", Questions féministes, n° 7, février 1980.
Salle 4. Face à l'Histoire
" On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c'est l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu'on qualifie de féminin. Seule la médiation d'autrui peut constituer un individu comme un Autre "
Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, Paris, Gallimard, 1949.
Salle 5. Gae Alenti : pièces à convictions
L'œuvre de Gae Aulenti relève de plusieurs secteurs d'activités complémentaires. Née en 1927, elle est diplômée du Politecnico de Milan en 1954 et prend en charge dès l'année suivante la direction artistique de la revue Casabella. Continuità que dirige Ernesto Nathan Rogers. Elle traverse l'architecture, le design industriel, les arts graphiques, l'architecture intérieure, la muséographie et la scénographie d'opéra et de théâtre. À Paris, elle réhabilite la gare d'Orsay en institution muséale (1980-1986) et réaménage les salles des collections historiques du Musée national d'art moderne (1982-1985). Gae Aulenti a personnellement choisi tous les projets présentés dans cette salle et en a dessiné la mise en espace. De nombreuses pièces, lampes et sièges, proviennent de sa collection personnelle, ou de créateurs et d'éditeurs qu'elle a spécialement sollicités. Constante et rigoureuse, son œuvre rend intelligible une géographie spatiale d'inspiration phénoménologique, faisant toujours surgir la conscience de quelque chose, un paysage, un souvenir, un objet, un animal, une image, ou encore des entités logiques, géométriques ou mathématiques.
Salle 7. Films de Marguerite Duras, Valérie Mréjen, Chantal Akerman
Salle 8. Témoignages
" Nous n'avons pas encore dépassé le postulat que les féministes les plus avancées du monde – qu'elles soient blanches ou de couleur – habitent aux États-Unis ou en Europe. Il s'agit là d'une forme de racisme qui rend la solidarité impossible. "
Angela Davis, A bolition Democracy: Beyond Empire, Prisons and Torture, New York, Seven Stories Press, 2005
Salle 9. Témoignages
" Au niveau symbolique, le préambule de la Constitution ignore toujours la catégorie de sexe qu'Amnesty international a fait inscrire cette année dans ses statuts, aux côtés de races, religions, croyances. Le cadre constitutionnel, réticent, fige le droit, inhibe les urgences de démocratisation, le politique ".
Antoinette Fouque, Il y a deux sexes, essai de féminologie, Gallimard, 1995
Salle 10. Maja Bajević, Women at Work
Maja Bajevic, Women at Work (Under Construction) in Construction, 1999
[Oeuvre exposée]
Installation : échafaudage en métal et bois recouvert d'une bâche de construction en toile synthétique (400x600x80 cm) ; trois bâches de construction avec broderies en laine (produites pendant la performance réalisée à Sarajevo en 1999) ; 1 oeuvre vidéographique, Bosnie, 11'48'', coul. vost anglais
" On peut dire que le langage de toute idéologie – fonctionnant comme système totalisant, explicatif et cohérent en utilisant une armature fondamentale d'oppositions duelles qui expriment toujours la suprématie du masculin, c'est-à-dire du pouvoir – se retrouve à tous les niveaux, dans tous les aspects particuliers du corps des connaissances. Une même logique rend compte du rapport des sexes comme du fonctionnement des institutions. "
Françoise Héritier, Masculin/féminin, la pensée de la différence, Odile Jacob, Paris, 1996
Liste des artistes exposées
- Abakanowicz Magdalena
- Aeppli Eva
- Aulenti Gae
- Axell Evelyne
- Bajevic Maja
- Barabash Ruth
- Barrada Yto
- Benzaken Carole
- Denes Agnès
- Duras Marguerite
- EXPORT VALIE
- Francken Ruth
- Fraser Andrea
- Friedmann Gloria
- Gallagher Ellen
- Ghazel
- Guerrila Girls
- Horn Rebecca
- Iturbide Graciela
- Ivekovic Sanja
- Jacob Wendy
- Knorr Karen
- Krystufek Elke
- Landau Sigalit
- Lawler Louise
- Meiselas Susan
- Messager Annette
- Moorman Charlotte
- Mréjen Valérie
- Neshat Shirin
- Pane Gina
- Ristelhueber Sophie
- Saint Phalle Niki de
- Schneemann Carolee
- Sedira Zineb
- Simon Taryn
- Spero Nancy
- Tompkins Betty
- Trockel Rosemarie
- Vasquez de la Horra Sandra
- Wilke Hannah