Tartuffe de Molière, mis en scène par Ariane Mnouchkine au Festival d'Avignon

09 juillet 1995
02m 19s
Réf. 00280

Notice

Résumé :

Images d'échauffement de la troupe au Parc des Expositions d'Avignon et quelques courts extraits de la pièce, notamment à l'acte I, scène 5 et à l'acte II, scène 2. Ariane Mnouchkine explique avoir voulu montrer par sa mise en scène la survivance des fanatismes religieux, et le comédien Brontis Jodorowski insiste sur le caractère militant du spectacle.

Date de diffusion :
09 juillet 1995
Source :
FR3 (Collection: SOIR 3 )
Fiche CNT :

Éclairage

Les raisons qui poussèrent Molière à écrire Tartuffe sont complexes. On sait qu'il était en butte à la méfiance du parti dévot depuis L'Ecole des femmes, et qu'il gardait par ailleurs quelque rancune au Prince de Conti, le premier protecteur de la troupe, d'être devenu au moment de sa conversion religieuse l'un des plus violents adversaires du théâtre. C'est donc vraisemblablement le parti dévot, et en particulier la Compagnie du Saint-Sacrement, sorte de « groupe de pression » religieux recrutant majoritairement dans l'aristocratie et les cercles proches du pouvoir, que Molière visait dans sa comédie : à travers le personnage de Tartuffe, vêtu de manière austère et sans épée comme un homme sur le point d'entrer dans les ordres, Molière attaque non pas la foi mais son instrumentalisation dans la société et les enjeux de pouvoir.

Pour mettre en valeur l'actualité du propos de Molière, Ariane Mnouchkine propose au Parc des Expositions d'Avignon une transposition de l'action dans le Maghreb musulman du XXe siècle : le décor est résolument oriental, avec grilles ouvragées, tapis et draps blancs étendus, musique raï en arrière-fond. Son Tartuffe porte la longue tenue noire des islamistes et le comédien qui l'incarne, comme la plupart des comédiens de la pièce, est étranger. À l'heure des fanatismes religieux, Mnouchkine conçoit son spectacle comme une œuvre de combat dont elle ne ferait qu'actualiser la cible. Si elle n'évacue pas la dimension comique de la pièce, elle la met cependant au service d'un propos sérieux, celui de la défense de l'amour et de la liberté contre les manœuvres de domination religieuse. Le parallèle avec le phénomène islamiste rencontre cependant une limite importante : Tartuffe est un hypocrite, un faux dévot, tandis que les terroristes islamistes sont des croyants fanatiques. La référence cesse donc progressivement d'être exploitée au cours du spectacle pour n'être plus à la fin qu'un trait de couleur locale.

Voir Tartuffe mis en scène par Roger Planchon

Céline Candiard

Transcription

Présentatrice
L’évènement, au festival d’Avignon, le si célèbre Tartuffe de Molière réactualisé par Ariane Mnouchkine. Tartuffe n’est plus un dévot, c’est un intégriste islamiste. Dominique Poncet et Mark Félix ont assisté hier soir à la première, Tartuffe comme on n’a jamais osé montrer.
Journaliste
Dans un parc des expositions chauffé à blanc par le soleil, ils s’échauffent malgré une suffocante chaleur. Ils s’échauffent une ultime fois avant de jouer ce qui est annoncé comme un des évènements du festival. C’est qu’Ariane Mnouchkine, la militante a prévenu, ce Tartuffe, elle l’a monté comme un combat, une dénonciation contre la montée des fanatismes religieux. Tartuffe dit-elle, est une bataille à lui tout seul, et je le lance donc comme un cri d’alarme.
Comédien 1
Qui suis bien ses leçons, goûte d’une paix profonde, et comme du fumier regarde tout le monde. Oui, je deviens tout autre avec son entretien, et il m’enseigne à n’avoir affection pour rien.
Ariane Mnouchkine
On ne peut pas se dire, mais enfin, les dévots ça n’existe plus, le fanatisme religieux n’existe plus. Faut pas dire ça. Alors tout d’un coup, il est vrai que Tartuffe reprend une force, une violence. Ça ne se passe pas à Paris au XVIIème siècle, c’est tout. Ça se passe ici maintenant.
Comédienne 1
Si j’étais à ta place, un homme assurément ne m’épouserait pas de force impunément.
Journaliste
Et son Tartuffe se passe donc dans ce qui pourrait être aujourd'hui la demeure d’une famille méditerranéenne qui subit les dictats ; non d’un dévot comme du temps de Molière, mais d’un islamiste intégriste.
Brontis Jodorowky
Les costumes racontent un pays pauvre, joyeux, mais malade. On cherchait l’amitié, la solidarité, de partager un moment si beau qui est une belle représentation du théâtre. Avec 800 personnes, c’est déjà de la militance aujourd'hui.
Journaliste
S’il reste encore en France un metteur en scène qui pense que le théâtre doit servir de tribune politique, c’est bien Ariane Mnouchkine. Son Tartuffe est très étonnant, très courageux. Dommage que les comédiens ne soient pas tous à la hauteur du projet.
(Musique)