Journaliste
Victoria Abril, qu'est-ce que ça fait de passer de comédienne connue des cinéphiles et des metteurs en scène à un stade de star ?
Ou quasiment de star...
Victoria Avril
Pour moi, il n'y a pas de différence, et je pense que je ne sens pas de différence parce que de toute façon, d'une façon psychologique, d'une façon pratiquement intellectuelle, je crois que la gloire, ça doit être, pour mettre une métaphore, ça doit être comme les prostituées : il faut surtout pas courir après elles, mais qu'elles courent après toi.
Et toi tu avances toujours un petit peu, tu vois, tu la laisses courir très court, comme le taureau sur le cheval, mais tu le laisses pas te prendre.
C'est la seule façon de ne pas avoir les emmerdes de la gloire.
Journaliste
C'est quoi les emmerdes de la gloire ?
Victoria Avril
Bah, quand il n'y a que ça, quand tu ne vois que ça, tu vois, c'est...
C'est le pot qui t'empêche de voir le bois...
Journaliste
Il y a beaucoup d'acteurs comme ça...
Victoria Avril
Bah parce qu'ils sont peut-être très intéressés par les pots, moi ça m'intéresse toujours le bois.
Je préfère le bois, et en plus être indépendante et libre, pour bouger comme je veux dans le bois qu'être en face du pot en train de regarder comme ça... en train de ragarder tes géraniums, ta gloire, ta popularité.
Ca nourrit pas ça, ça nourrit pas tu vois, tu grossis pas avec la gloire.
Journaliste
Ca paraît très important pour vous la liberté, c'est un mot qui revient très souvent dans les interviews, partout : la liberté.
Victoria Avril
C'est peut-être de la claustrophobie, je n'aime pas qu'on m'étiquette, je n'aime pas quon me serre, je n'aime pas qu'on m'enveloppe, même si c'est des très beaux [sic] enveloppes, je n'aime pas qu'on me mette des lacets, ni des tampons, je n'aime pas qu'on me dise "Ah c'est ça qu'il faut que tu fasses !",
j'aime bien me surprendre, donc surprendre les autres aussi.
C'est logique.
Je n'aime pas qu'on m'attende, je préfère toujours arriver au dépourvu.
Voilà.
Journaliste
Mais Pedro Almodovar, bon, c'est une entente, c'est un rapport formidable avec un metteur en scène, est-ce que vous imaginez d'autres metteurs en scène, d'abord avec qui vous avez envie de tourner, et avec lesquels vous pourriez établir ce genre de contact.
Victoria Avril
Oui, j'y suis prête, j'adore ça.
Le cinéma pour moi, c'est la meilleure façon de vivre que je connais, je fais du cinéma depuis que j'ai 15 ans, j'ai fait 60 films, je ne sais pas faire autre chose.
C'est ma manière de vivre, pas ma manière de gagner mon crouton ou de gagner ma vie d'une façon laborale et strictement laborale [sic].
C'est ma façon de vivre, chaque film à moi, ça me prend deux mois, ça me prend la tête, le corps, les esprits, ça me prend tout, c'est deux mois de ma...
C'est pas deux mois de ma vie personnelle, mais c'est deux mois de mon existence, donc ça finit par compter.
Donc, je ne peux pas ne pas travailler, je ne peux pas vivre chaque film avec l'intensité de "Talons aiguilles" ou d'"Amants".
Il faut que ça ne descende pas.
C'est mon problème, d'ailleurs c'est pour ça que je n'ai pas de projet.
Parce que je ne veux pas descendre, je ne veux pas descendre le niveau.
Moi, je suis assez pragmatique, je n'ai jamais rêvé de Scorsese, non j'ai mis tous mes rêves et tout mon enthousiasme sur le suivant, qui s'appelle "Machine", qui est espagnole ou qui est d'ici, sur ce scénario, et c'est sur ça où je mets toute mes illusions.
En attendant...
Pas Godot, mais...
Que Scorsese ou que Alison Maclean m'appellent.
Et je vais te dire que ça me réussit assez bien.
Journaliste
Ils appelent.
Victoria Avril
Parce que j'ai remplit d'une façon très cohérente et très vitale mon présent, en attendant un futur meilleur, que je n'attends pas d'ailleurs, je ne le regarde même pas...
En arrière non plus, je ne passe pas mon temps à regarder ce que j'ai fait.
Je ne vis que le présent parce que c'est la seule chose dont je suis sûre.
Journaliste
C'est la première fois que vous participez d'une façon aussi importante au Festival de Cannes, du moins.
Victoria Avril
Oui de toute façon c'est rare, parce que je ne suis pas là pour un film à moi pour douze films qui ne sont pas à moi, parce que j'ai décidé d'être présidente du jury des scénaristes, d'ailleurs on va donner le prix tout à l'heure.
Je ne peux rien dire.
Donc, je suis là pour le cinéma, et je suis pas là pour moi.
On va donner un prix au meilleur scénario, il y a eu 600 scénarios dans ce concours, il y en a un qui va gagner ce soir...
Deux millions, ce qui n'est pas mal...
Journaliste
Un scanner pour toi bientôt peut-être aussi, un metteur en scène qui sache aller au plus profond, au plus loin.
Victoria Avril
Bah, c'est-à-dire, je ne me plains pas.
Dernièrement, on ne peut pas dire qu'il ne se donne pas du mal, avec Pedro, "Attache-moi" et "Talons aiguilles"...
Il ne sait même pas combien de choses il a trouvé, moi non plus d'ailleurs, on l'a découvert au même moment.
Et avec Vicente Aranda, avec "Amants", l'autre film de l'année dernière, je peux te dire que...
D'abord j'ai fais mon premier rôle comme "femme", pas comme "jeune objet du désir", mais comme "femme", active, pas passive, pas objet du désir mais c'est quelqu'un d'autre qui l'est pour moi.
Et donc, tu vois, c'est comme...
Je suis une petite fille avec des chaussures nouvelles.
C'est bien, en fait moi j'adore la trentaine, ça va être une décennie formidable.
Journaliste
C'est bien.
Victoria Avril
Oh.
Journaliste
Je n'avais pas dit qu'il était là.
Pedro Almodovar
Je suis d'accord, je suis d'accord parfaitement.
Si.
[Phrases en espagnoles].
Je suis très heureux de travailler avec elle.
Journaliste
L'ensemble, le mariage est très beau.
Pedro Almodovar
Elle est si forte, tellement forte.
Elle est tellement bien.
Journaliste
Bien, ouais.
Victoria Avril
Ca ne va pas ça...
Inconnu
[Phrases en espagnoles].