Fouilles archéologiques à Ribemont-sur-Ancre

27 juillet 1973
03m 03s
Réf. 00600

Notice

Résumé :

C'est Roger Agache qui, grâce à la photographie aérienne, a découvert le site archéologique de Ribemont-sur-Ancre, un des sanctuaires romain les plus importants du nord de la France. Reportage sur les fouilles dirigées par Jean Louis Cadoux . Celui-ci explique les différentes techniques utilisées. A la fin de la campagne, les fouilles sont rebouchées de façon à laisser aux archéologues du futur de mener de nouvelles analyses. Ce sont une trentaine d'étudiants bénévoles qui travaillent sur ce site.

Date de diffusion :
27 juillet 1973
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Le site de Ribemont-sur-Ancre, connu depuis le XIXe siècle, a été révélé par les prospections aériennes de Roger Agache à partir de 1962. Il a été fouillé successivement par Alain Ferdière (1966-1967), Jean-Louis Cadoux et Jean-Luc Massy (1968-1987) et Jean-Louis Brunaux (1990-2005). Il s'agit d'un sanctuaire protohistorique dont l'occupation se poursuit à l'époque antique pour donner naissance à une probable agglomération secondaire gallo-romaine dont seuls les bâtiments publics et quelques structures d'habitats et artisanales ont été reconnues. Inscrit sur la liste des monuments historiques en 1993, il a été classé "site archéologique d'intérêt national" en 1995.

Sources grecques et latines à l'appui, J.L. Brunaux a reconstitué un scénario qui place l'origine du site vers 260 av. n.è : c'est en effet à cette date qu'il est investi par de nouveaux arrivants, probablement les futurs Ambiani, après avoir livré victorieusement bataille aux premiers habitants. A l'ouest ou au cœur du champ de bataille, sur un méplat de la partie haute du versant, les vainqueurs auraient aménagé, sur une superficie d'au moins trois hectares, deux "monuments commémoratifs de la victoire". Au début du troisième quart du Ier siècle av. n.è., les bâtiments du "trophée" sont détruits partiellement par le feu.

Ce reportage traite plus précisément de la période antique, lorsque que le site est réaménagé à la suite de la conquête de la Gaule, entre 30 av. n.è. et le début de notre ère probablement par des auxiliaires gaulois de l'armée romaine. Comme à l'époque gauloise, il comprend deux enclos fermés de palissades. Le premier enclos abrite un sanctuaire qui, au prix de vastes chantiers successifs, va connaître un processus continu de monumentalisation durant toute la période romaine. Le second enclos, accolé contre la branche sud du premier, est de forme trapézoïdale et occupe une superficie de plus d'un hectare. Qualifié d'"esplanade", il est interprété comme une aire de rassemblement à vocation politique ou juridique. Les autres structures antiques occupent une surface variant entre 50 et 75 ha. Il semble que cinq places se succèdent depuis le temple, le long de la pente reliant le plateau au fond de la vallée. L'une d'elles abrite un théâtre d'environ 3000 places, qui n'a fait l'objet que de sondages exploratoires ; une autre les premiers thermes qui s'insèrent dans une cour rectangulaire de 33 x 50 m dont la partie nord est occupée par la palestre.

Les places sont toutes bordées par d'autres édifices comprenant des bâtiments publics, des quartiers d'habitation et des zones artisanales, textile et métallurgique. La plupart ne sont pratiquement connues que par la photographie aérienne et les prospections pédestres. Au sein de ce vaste ensemble, qui peut couvrir une trentaine d'ha, quelques éléments de voirie ont pu être observés sous l'aspect d'une épaisse fondation de craie et d'un empierrement de silex.

Bibliographie :

J.-L.Brunaux, M.Amandry, H. Duday, G. Fercoq Du Leslay, J. Leckebusch, C. Marchand, P. Méniel, B. Petit, B. Rogéré. "Ribemont-sur-Ancre (Somme) : Bilan préliminaire, nouvelles hypothèses", dans Gallia, 56, 1999, Paris, 2000, p. 177-284

J.-L. Brunaux. Les temples du sanctuaire gallo-romain de Ribemont-sur-Ancre, Ed. Commios, 2009, 319 p.

T. Ben Redjeb. Carte archéologique de la Gaule. La Somme 80/2. Paris : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2012, p. 646-653.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Yves Delamotte
Un grand champ de betterave et pourtant, il y a 15 ans, une photo aérienne de Roger Agache permettait de découvrir le site de ce sanctuaire romain, à Ribemont, dans la Somme. Un des sanctuaires les plus importants du nord de la France. 800 mètres de long, 400 mètres de large dont les vestiges sont à fleur de terre. Un sanctuaire romain est composé d’un temple d’un théâtre et de thermes. Dans ce champ de betterave, chaque année, une trentaine d’étudiants dégage des murs, des dallages. Actuellement, c’est l’extrémité droite de la scène du théâtre qui est dégagée. On mesure, on étudie les différentes couches avant de refermer, de reboucher ces trous. L’année prochaine, on creusera un peu plus loin. Pourquoi reboucher ces découvertes ? D’abord, il faudrait les entretenir. Cela coûterait très cher. Et puis pour Jean-Louis Cadoux, professeur d’histoire ancienne à la faculté de lettres d’Amiens et responsable de ce chantier, c’est une méthode scientifique.
Jean-Louis Cadoux
Les méthodes archéologiques évoluent très vite actuellement, et nous faisons des choses qu’on ne savait pas faire il y a une vingtaine d’années. Par exemple, des analyses de pollen qui nous permettent, par un procédé de laboratoire simple, de connaître la végétation dans un rayon de 800 mètres autour de nous. C’est une chose très importante pour savoir s’il y avait des forêts ou s’il y avait des champs autour du sanctuaire. Il y a 20 ans, on ne savait pas faire ça. On peut penser que dans 30 ans ou dans 40 ans, on saura faire infiniment plus de choses que nous ne savons faire aujourd'hui. Par conséquent, nous estimons qu’il est de notre devoir de laisser un certain nombre de m3 de notre site, vierges, parce que la fouille détruit ce qui a été fouillé, de façon que les archéologues de l’avenir puissent revenir et, derrière nous, voir ce que nous n’avons pas vu.
(Musique)
Yves Delamotte
Les étudiants, je vous l’ai dit tout à l’heure, sont on au nombre d’une trentaine. Leurs armes, si je puis m’exprimer ainsi : une pelle ou bien encore une brosse ou encore une petite truelle. Il y a des Français, des Anglais, des Américains. Alors ici, c’est le quartier intéressant parce que c’était le dallage de l’arène du théâtre, l’endroit où l’on trouve des pièces comme celle-ci. Vous avez des pièces du IIe siècle, des pièces du IVe siècle, une toute petite pièce. Et puis, j’ai mis une pièce, ici, d’un franc pour faire la comparaison. Et alors là, il y a un Américain, Tony, vous avez choisi de creuser ici parce que le dollar est en baisse ?
Tony
Non. Je n’aime pas l’argile dans toutes les autres carrières. Ici, c’était mieux. J’aime travailler ici.
Yves Delamotte
En fait, vous êtes un passionné d’archéologie ?
Tony
Ah, oui, oui, beaucoup.
(Silence)