L'école du Théâtre National de Strasbourg

11 avril 1966
06m 08s
Réf. 00131

Notice

Résumé :

Hubert Gignoux, directeur du Théâtre National de Strasbourg et Pierre Lefevre, responsable pédagogique nous offre un tour des différentes enseignements donnés aux élèves à l'école du TNS : cours d'art dramatique bien sûr, mais aussi chant, judo ou encore gymnastique.

Date de diffusion :
11 avril 1966
Source :

Éclairage

Le Théâtre National de Strasbourg est le seul théâtre national à inclure une école d'art dramatique au sein de son institution. L'école est née à l'époque où le TNS était encore le Centre dramatique de l'Est (CDE). Dès 1947, Roland Pietri, premier directeur du CDE, installe une école au sein du théâtre, sous la forme de cours du soir. C'est la première école à être reconnue par l'Etat au sein d'un centre dramatique. Il faut cependant attendre 1954 et l'arrivée de Michel Saint-Denis pour que l'école se professionnalise et accueille le groupe 1, première promotion de l'école telle qu'elle fonctionne encore aujourd'hui. Elle est alors encore installée à Colmar, avec le CDE. En 1957, le CDE et l'école déménagent à Strasbourg, dans un bâtiment entièrement neuf dessiné par Pierre Sonrel, construit pour le théâtre. Hubert Gignoux en est le nouveau directeur, et sous sa direction, le CDE devient Théâtre National de Strasbourg, par décision d'André Malraux, en 1968.

L'école du Théâtre National de Strasbourg, puisque c'est sa nouvelle dénomination à partir de cette date, est aujourd'hui l'une des deux écoles nationales supérieures de formation professionnelle à l'art dramatique avec le Conservatoire National d'Art Dramatique de Paris. À ce titre, elle dépend directement du Ministère de la Culture.

Depuis 1954, l'école met en avant l'interdisciplinarité, comme on peut le voir dans ce document, en proposant un panel d'activités variées aux élèves, bien que toutes en lien avec l'art dramatique. Les sections d'enseignement se sont également diversifiées : jeu, scénographie-costumes, régie-techniques du spectacle et mise en scène-dramaturgie. Le processus pédagogique permet donc que les différentes sections se croisent et travaillent ensemble, en mettant en avant l'idée de collectif. A l'inverse, le Conservatoire ne forme que des comédiens. D'autre part, l'école est tout à fait indissociable du théâtre. Les élèves évoluent au sein du théâtre, présentant leurs travaux dans le cadre de la programmation et participant régulièrement aux productions du TNS. Le directeur du TNS est également le directeur pédagogique de l'école. En 2011, l'école du TNS, dirigée par Julie Brochen, a accueilli le groupe 41. L'enseignement dure aujourd'hui 3 ans.

Sidonie Han

Transcription

Jean Vilar
Le Théâtre de la comédie de Strasbourg, une troupe permanente de comédiens professionnels, et une école d’Art dramatique. Et c’est plus particulièrement cette école que nous vous présentons ce soir. Mais auparavant, Hubert Gignoux, directeur du centre, et Pierre Lefèvre, responsable de l’école, nous précisent l’esprit dans lequel ici chacun travaille.
Hubert Gignoux
Nous essayons de faire du théâtre pour des raisons qui dépassent le théâtre lui-même. Il ne s’agit pas tellement pour nous de se montrer, de s’exhiber et d’avoir à tout prix un succès personnel. Nous pensons que notre métier est d’abord un art de la communication et que ce que nous avons à faire quand nous sommes sur une scène, c’est de parler à notre public. Au théâtre il s’agit de dire quelque chose à quelqu’un ; et pour pouvoir dire quelque chose à quelqu’un il faut avoir quelque chose à dire, il faut exister et il faut avoir une personnalité riche. Et bien je crois que ce qui inspire avant tout la formation de notre école, et ce qui inspire la vie des comédiens plus âgés, c’est le souci d’enrichir continuellement notre personnalité et de l’affirmer.
Jean Vilar
Le principe fondamental je crois, c’est que, le comédien d’aujourd’hui doit être avant tout formé pour servir un répertoire éclectique. Il doit pouvoir se livrer aussi bien à l’art du théâtre qu’à l’art annexe ou cousin, si vous voulez, de la télévision, du cinéma et de la radio. Aussi, il doit pouvoir, je crois, pour gagner sa vie, pouvoir se livrer à tous les styles, à toutes les pièces et entrer dans toutes les démarches de convention nouvelle de théâtre. Et partant de là, nous avons cherché à former dans cette école des gens qui puissent gagner leur vie comme comédiens, avoir un métier extrêmement varié.
Journaliste
Au centre en effet, si la profession de comédien reste avant tout un art, elle devient cependant un métier grâce à l’entrainement complet que reçoivent pendant trois ans les élèves comédiens dont beaucoup, précisons-le, sont boursiers de l’Etat. Nous assistons tout d’abord au cours d’interprétation donné par Hubert Gignoux.
Pierre Lefèvre
Et bien, là, Monsieur Gignoux donne en ce moment, avec les élèves de deuxième année, un cours d’interprétation ; qui est basé sur Le Menteur de Corneille qu’ils vont monter en entier.
Hubert Gignoux
… jeune coquette assez cynique, mais ça manque de légèreté ce que tu fais. Elle dit des choses d’un cynisme très amusant, elle a trois gars qui l’intéressent et elle ne veut en quitter aucun pour le moment. Ce qui l’amuse c’est de jouer avec tous les trois, elle ne veut pas choisir, et elle dit, en parlant d'Alsippe, après tout si je loupe les deux autres il me restera celui là, il vaut mieux que rien. Ce qu’elle ne veut pas c’est s’asseoir entre deux chaises. Alors reprend à car Alsippe...
Inconnue 1
Car Alsippe après tout vaut toujours mieux que rien ! Son père peut venir quelque longtemps qu’il parle.
Inconnue 2
Pour en venir à bout sans que rien …
Hubert Gignoux
Alors là, il faut que tu marques le ton…
Journaliste
Je crois qu’il est très important que les élèves comédiens apprennent à jouer, non pas, une scène mais tout un personnage.
Pierre Lefèvre
Oui, éventuellement c’est ce qui arrive au point où ils en sont en ce moment, n’est-ce pas. Dans la deuxième année, nous commençons à les lancer sur un enchainement complet d’un rôle, les phases du rôle. Comment jouer le premier acte, comment se ressaisir au deux et comment se lancer au trois par exemple, devient vraiment l’objet d’un travail extrêmement poussé.
(Musique)
Pierre Lefèvre
Le chant est l’aboutissement en quelque sorte de tout le travail de voix et de respiration qu’ils font avec Monsieur [Rose] qui est lui-même musicien. Qui fait qu’en dernière année, ils auront à assumer un tour de chant individuel, qu’ils présenteront. Mais pendant toute leur formation, ils s’habituent à avoir une oreille musicale. Ils font aussi bien des exercices de respiration pure et de diction, que des vocalises à l’italienne, et le placement de la voix se fait en même temps par des méthodes de chant.
(Musique)
Journaliste
Que font ces jeunes gens, je les vois se boucher les narines… ?
Pierre Lefèvre
Là c’est assez ésotérique, c’est une méthode de prise de conscience des éléments anatomiques, si vous voulez, de la respiration. La décontraction étant la base de toute formation, ils cherchent à avoir la mâchoire décontractée, la glotte décontractée, à savoir par où passe l’air qu’ils aspirent. Et ils prennent conscience des différents résonateurs de la tête, du nez, du front, etc.
Inconnue 3
Onze, douze, descendez les jambes, un deux, trois, quatre, le pont, un, deux, trois, quatre, descendez, un deux, trois…
Pierre Lefèvre
Là, toute la méthode est basée de nouveau sur une décontraction au départ. Et les premières semaines passées dans l’école sont surtout des… surtout des moments où le futur comédien fait le… ne fait plus de comédie, ne joue pas, où il prend conscience de sont corps, il arrive à se décontracter pour pouvoir inscrire ensuite toute l’impulsion physique qu’il veut dans son corps ; pour que son corps devienne un instrument qu’il peut maitriser, de même que sa voix et de même que son imagination.
(Silence)
Pierre Lefèvre
Le judo c’est une institution assez récente dans notre maison.
Journaliste
Oui, je crois qu’avant vous faisiez l’acrobatie.
Pierre Lefèvre
Nous faisions de l’acrobatie et nous avions un peu des accidents et l’application immédiate de ça n’était pas très évidente ; alors qu’avec le judo, l’application pour les élèves lorsqu’ils passeront en troisième année, sera vers les bagarres à la manière d’Eddie Constantine, ou alors les chutes comiques, les pantalonnades, etc. Nous avons la chance d’avoir un excellent maître, qui en plus de ce qu’apporte la chose immédiate, enfin, apporte aussi toute cette philosophie extrême orientale, de concentration, de décontraction et de coopération avec l’ennemi, qui est un élément extrêmement valable, je crois de formation d’une discipline intérieure du comédien.