Le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris

15 novembre 1974
03m 38s
Réf. 00132

Notice

Résumé :

En 1974, l'arrivée de Jacques Rosner à la tête du Conservatoire National d'Art Dramatique de Paris crée une polémique. Il souhaite moderniser les enseignements et supprimer le concours de sortie. Plusieurs élèves s'expriment sur la question, ainsi que les professeurs, dont Marcel Bluwal qui vient tout juste d'arriver au sein de l'institution.

Date de diffusion :
15 novembre 1974
Source :
ORTF (Collection: JT 13H )

Éclairage

Le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris (CNSAD) est la plus ancienne école d'art dramatique française. Elle est entièrement financée par l'Etat, tout comme l'école du Théâtre National de Strasbourg. Son histoire est intimement liée à celle de la Comédie-Française. En 1786, la première classe d'art dramatique ouvre ses portes au sein de l'Ecole Royale de Chant et de Déclamation, alors installée à l'hôtel des Menus-Plaisirs à Paris. En 1795 l'Ecole Royale de Chant qui a fermé ses portes à la veille de la Révolution Française réouvre sous la forme d'un Conservatoire de Musique et il faudra attendre 1806 pour qu'une nouvelle Ecole de déclamation soit intégrée au Conservatoire, grâce à un décret de Napoléon. Un concours d'admission et un concours de sortie sont mis en place. Jusqu'en 1907, les professeurs sont des sociétaires de la Comédie-Française. L'arrivée de la prestigieuse Sarah Bernhardt change la donne, puisqu'elle a quitté l'institution depuis déjà plusieurs années lorsqu'elle devient enseignante au Conservatoire. À cette époque et jusqu'en 1921, les cours sont individuels. Chaque élève travaille seul ses scènes. La classe d'ensemble, créée en 1921, prépare les apprentis comédiens à travailler des pièces et plus uniquement des scènes.

En 1946, le Conservatoire est finalement scindé en deux : d'une part le Conservatoire National de Musique et d'autre part le Conservatoire National d'Art Dramatique, qui devient en même temps un établissement d'enseignement supérieur. Jacques Rosner en devient directeur en 1974, après Paul Abram, Roger Ferdinand et Pierre-Aimé Touchard. Son mandat marque une refonte des enseignements, dont la réforme la plus contestée est la suppression du concours de sortie. A la place, Jacques Rosner instaure les Journées de Juin, au cours desquelles les élèves présentent un travail collectif au public. C'est aussi l'arrivée de nouveaux enseignements et de nouveaux enseignants, notamment liés aux médias qui s'imposent à l'époque : le cinéma et la télévision. Après Jacques Rosner, qui reste jusqu'en 1983, les directeurs seront Jean-Pierre Miquel, Marcel Bozonnet, Claude Stratz et depuis 2007 Daniel Mesguich.

Sidonie Han

Transcription

Intervenant 1
Il y a surtout une chose qui a changé, c’est qu’on respecte moins les profs qu’on ne les respectait avant.
Intervenante 1
Non
Intervenant 1
Tu crois, enfin si !
Intervenante 1
Et pour cause ?
Intervenant 1
Si ! Si c’est vrai quand t’entends parler tous les anciens.
Intervenante 2
J’ai rien dit.
Intervenant 1
Je crois qu’on respectait beaucoup plus le professeur. Et puis on venait, on disait rien, on le tutoyait pas surtout ça !
Intervenant 3
C’est une école en principe supérieure et que les élèves, comme disait Simon, devraient y entrer prêts à sortir. Et y passer après deux ou trois ans, à se perfectionner. On se perfectionne comment ? Au niveau du style, au niveau d’une technique supérieure, qu’une fois entré ici, bien souvent simplement pour la bourse, ou pour faire des exercices d’élèves, ils ne veulent plus acquérir cette technique.
Intervenante 3
Y a une certaine atmosphère qui fait qu’on doit jouer d’une certaine façon, on doit penser d’une certaine façon sinon, on est un peu considéré comme le dernier des derniers !
Intervenant 1
Mais ça de toute façon tu le sais ! En rentrant et chacune le sait, quand il rentre. Vous le savez quand vous rentrez.
Intervenante 3
Moi je ne suis pas là, ni Jean Laurent, ni monsieur [Seignier], ni monsieur Manuel, pour donner des directives artistiques, mais pour apprendre ! Comme un professeur de piano, pour apprendre à jouer du piano.
Intervenante 4
Je crois que le problème y a cinq ans, c’était donc, un lycée, maintenant c’est une fac…
Journaliste
Ce duel élèves-professeurs se déroulait en juillet. En octobre, changement de direction, les professeurs classiques, acteurs de la Comédie-Française comme Robert Manuel restent.
Robert Manuel
Maintenant nous allons faire que du théâtre et nous prenons des textes qui seront pour moi des prétextes à faire quelque chose dans, si possible, l’art dramatique. Je vous signale que dans ma conception bien modeste de l’art dramatique, je trouve que l’art dramatique c’est le métier dramatique quand il ne se voit plus.
Journaliste
Nouveauté, Marcel Bluwal, réalisateur de télévision est nommé. Mais on n’avait jamais vu de cinéaste au conservatoire
Marcel Bluwal
Non, il paraît que non, si je pense que des gens sont venus parler. Mais je crois qu’il n’y a jamais eu quelqu’un d’une discipline extérieure au théâtre qui prenne une classe d’élèves de façon normale.
Journaliste
Quelle impression vous ont fait vos élèves ?
Marcel Bluwal
Ils m’ont fait un peu peur. Je crois qu’ils ont eu un peu peur aussi. Et on apprend à se connaître, à se toucher du bout des doigts. Je suis favorablement impressionné par leur volonté d’apprendre plus et du nouveau.
Journaliste
Qu’est-ce que vous avez l’intention d’apporter au conservatoire qui n’y était pas ?
Marcel Bluwal
Ce que je voudrais que les apprentis comédiens avec qui je suis, ne fassent pas, c’est se mettre devant un rôle, comme on se met devant une dissertation ! Et c’est le travers normal des comédiens français qui ont commencé à apprendre en général le théâtre, en seconde en comparant Racine et Corneille ! Je me suis aperçu avec les apprentis comédiens avec qui je travaillais, ou les comédiens qui commençaient qu’il y avait un phénomène qu’ils ignoraient presque totalement ; c’était le fait extrêmement précis que la pièce est un objet qui existe et dont ils font partie. C’est-à-dire une structure qui fonctionne dans le temps. Le fait que des acteurs soient ensemble, réagissent ensemble, selon une idée générale qu’ils se font de la pièce ou qu’on leur fait de la pièce ; est une chose relativement peu connue dans les cours. C’est ça que je veux faire. Et comme j’ai un caractère à ça, on va pousser la chose à l’absurde. On va pas commencer par des exercices simples, on va vous foutre dans le bain.
Intervenant 5
Alors en novembre 1974 quoi de neuf au conservatoire ?
Intervenant 6
Un nouveau directeur, c’est quand même important.
Intervenant 7
Un directeur qui est du métier aussi, ce qui est très important, qui est metteur en scène, qui est donc plus apte à comprendre ce dont on a besoin nous, en tant qu’élèves.