Le Misanthrope de Molière, mis en scène par Antoine Vitez
Notice
Extrait de la première scène de la pièce, entre Alceste (Patrice Kerbrat) et Philinte (Jean-Claude Durand), et interview du metteur en scène Antoine Vitez sur Alceste, rôle d'amant jaloux écrit par Molière pour lui-même, et où se retrouvent les souffrances physiques et morales de l'auteur.
Éclairage
Lorsque Molière donne Le Misanthrope en juin 1666, il se trouve dans une période très difficile de sa carrière : son Tartuffe est interdit depuis 1664, il a été obligé d'étouffer son Dom Juan sous diverses menaces, et il fait lui-même l'objet d'accusations infamantes concernant sa vie amoureuse. Il est tentant de relier à ce contexte douloureux cette grande comédie en cinq actes qui est sans doute la plus sombre de Molière. Celui-ci, cependant, n'avait pas pour autant renoncé à faire rire : les contemporains de Molière évoquent un jeu bouffonnant, conforme aux emplois traditionnels du comédien. La révolte d'Alceste contre les règles sociales, son idéal trop exigeant, son refus des satisfactions de l'ironie telles que Philinte les lui propose, tout cela n'est pas dénué de ridicule, au même titre que la jalousie d'un Arnolphe ou la manie dévote d'un Orgon. La pièce ne présente pas de source théâtrale connue, mais elle s'appuie largement sur la théorie des humeurs qui dominait alors la médecine et la psychologie : la personnalité d'Alceste, « atrabilaire amoureux » comme l'indique le sous-titre de la pièce, s'explique par un déséquilibre de ses quatre humeurs, dominées par la « mélancolie » ou « bile noire » (ou encore « atrabile »), qui lui donne un tempérament sombre et pessimiste, peu enclin aux compromis.
Lorsqu'il met en scène la pièce en 1988 au Théâtre National de Chaillot, dix ans après une première mise en scène créée en Avignon, Antoine Vitez s'intéresse avant tout aux résonnances les plus graves de la pièce et la lit comme une pièce autobiographique qui rendrait compte des tourments de Molière. Des deux traditions qu'il distingue pour l'interprétation du Misanthrope, la comique et la tragique, c'est donc bien la seconde qu'il choisit, donnant à voir un spectacle aux accents raciniens.