Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux par Alfredo Arias
Notice
Un extrait du spectacle Le Jeu de l'amour et du hasard, par Alfredo Arias, où l'on voit toute la fantaisie du metteur en scène dans l'utilisation de masques animaliers.
Éclairage
Le Jeu de l'amour et du hasard est une comédie en 3 actes qui, dès sa première représentation en 1730 par les Italiens, reçoit un accueil favorable et vient davantage asseoir la notoriété de Marivaux, qui a déjà triomphé sur la scène parisienne avec La Surprise de l'amour, La Double inconstance (voir ce document) et L'Ile des esclaves.
Cette pièce, qui est sans doute la plus célèbre et la plus jouée du répertoire de Marivaux, concentre les grandes thématiques et les ressorts auxquels l'auteur a régulièrement recours, tout comme Lesage ou Beaumarchais : on y retrouve les rôles traditionnels de la comédie (Dorante, Silvia, Arlequin...), une exploitation du rapport entre maîtres et valets, la question du mariage et des mésalliances, l'opposition de deux familles, la satire du petit bourgeois de province et du notable parisien. Le mariage arrangé par Orgon entre Silvia et Dorante doit bientôt avoir lieu. Les deux futurs époux, qui ne se sont jamais rencontrés et pour apprendre à se connaître sans dévoiler leur véritable identité, prennent chacun le déguisement de leurs suivants. Ces travestissements génèrent grand nombre de quiproquo entre maîtres et valets : Silvia manque de perdre Dorante, et les couples menacent de ne pas se former. Tout finit par rentrer dans l'ordre quand Silvia avoue sa véritable identité et déclare sa flamme à Dorante.
Marivaux ajoute cependant une dimension originale à ces conventions comiques en plaçant le hasard au centre de son dispositif : alors que les rôles et les prédispositions sociales semblent distribués d'entrée par le sort, un coup de dés, une péripétie, sont à même de tout renverser. L'ordre établi, par une pirouette carnavalesque et un jeu de travestissement complexe entre les maîtres et les valets, se voit ainsi retourné comme un gant : les personnages, confondus, ne savent plus qui aimer, mais au final l'amour triomphe de tous les obstacles dès que les masques sont levés.
Ce spectacle a d'abord été créé au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers en 1986 avant d'être repris, l'année suivante, aux Célestins de Lyon. Le parti pris dans la mise en scène peut paraître étonnant mais rejoint, à travers le jeu de masques - où l'on retrouve l'influence de Grandville, un caricaturiste du XIXe siècle - et le travail sur les postures corporelles, la tradition du théâtre des Italiens pour présenter la pièce de Marivaux comme une farce, « à la manière des singeries du XVIIIe siècle » [1]. Alfredo Arias et le Groupe Tse, par cette approche, offrent une lecture proche du conte et du merveilleux en même temps qu'une vision critique pleine d'humour et de fantaisie autour de l'acte théâtral en faisant de l'acteur un animal et qui plus est, un singe parlant.
[1] Dossier de presse du Théâtre des Célestins de Lyon en 1988 pour Le Jeu de l'amour et du hasard par Alfredo Arias.