Ecole nationale du cirque, Annie Fratellini

02 mai 1979
02m 18s
Réf. 00572

Notice

Résumé :

Entretien de Valérie et Annie Fratellini, à l'occasion de l'installation du chapiteau de l'Ecole nationale du cirque à la Foire de Rouen. Sur la piste, les élèves font la démonstration devant public de séances d'apprentissage de différentes techniques de cirque.

Date de diffusion :
02 mai 1979
Source :

Éclairage

Née dans le sérail, mais s'en étant détachée pour se consacrer au jazz et au cinéma, Annie Fratellini renoue affectivement et concrètement avec le cirque lors de la constitution avec Pierre Etaix d'un duo clownesque (1971). Une réalité décevante s'impose brusquement à elle : « la légende est figée dans la sauce et les enfants de la balle vont au turbin sans trop de conviction. Elle en déduit que la sciure et l'hérédité ne suffisent plus » [1]. D'abord installée dans une Maison de jeunes (Paris,14e) puis sous un chapiteau définitivement implanté Porte de la Villette, l'école est « destinée à tout le monde », dans le cadre d'« une démarche réellement novatrice », d'autant plus qu'il était « très difficile de mettre un pied sur la piste quand on n'était pas du cirque » [2]. Pour Laurent Gachet, Annie Fratellini, rompt « tour à tour avec la tradition dynastique élitiste et la domination de la figure paternelle régnant en maître sur le clan » [3]. Les techniques spécifiques appartiennent en propre au milieu et de façon plus radicale, pour certains, font partie du « patrimoine familial ». En effet, plusieurs années étant nécessaires pour la mise au point d'un numéro, l'artiste considère que lorsqu'il a tout perdu, notamment en période de crise, celui-ci constitue son unique richesse. Annie Fratellini avoue qu'avec son « projet d'enseignement », véritable remise en cause de la nature même de la transmission, elle passait « pour un traître » [4]. Cependant, elle confie les enseignements de son école à d'anciens artistes de cirque, parmi lesquels nous retenons le jockey Kostja Chotachen Courtault, la trapéziste Andrée Jan, le jongleur Italo Medini, le danseur sur fil Manolo Dos Santos, l'équilibriste Gino Danati ou l'écuyer Albert Carré ; pour Pascal Jacob, « au-delà de l'hommage à la profession, c'est à la sauvegarde d'un monde englouti qu'elle les convie » [5].

L'Ecole accueille des élèves prêts à s'engager dans l'apprentissage d'un savoir-faire technique et « des artistes de rue ou des saltimbanques autodidactes qui recherchaient tant une légitimation artistique qu'un référentiel de compétences » [6].

Parmi eux (qui travaillent au sein des grands cirques classiques internationaux ou ont participé à l'émergence du nouveau cirque), mentionnons Gilles Audejean, Valérie Fratellini, Stéphane Ode, Agathe Olivier, Pascualito (Pascal Voinet), Petit Gougou, Antoine Rigot, Jérôme Thomas ou encore Philippe Decouflé...

Le Ministère de l'Education Nationale soutient le projet mais ce n'est qu'en 1984 que le contrat d'association avec l'Etat est signé. En 1987, Annie Fratellini installe les quartiers d'été de son école, dans le parc du château de Nexon (87), dont les stages de formation sont intégrés au sein du festival Les Arts à la rencontre du Cirque, dirigé par Marc Délhiat et par Guiloui Karl [7].

Depuis 1999, Laurent Gachet, Directeur nommé après la disparition d'Annie Fratellini (en 1997), initie un projet structurel et pédagogique, en accord avec la nouvelle appellation de l'école, Académie nationale des arts du cirque.

[1] Marie-Ange Guillaume, « Les Vingt ans de l'Ecole du Cirque », dans 20 ans !, Dossier de presse de l'Ecole Nationale du Cirque, 1993.

[2] Valérie Fratellini, « On ne peut apprendre à rêver si l'on ne rêve plus soi-même. Sinon je n'enseignerai pas à l'école nationale du cirque », entretien avec Marina da Silva, Paris, Regards, n° 59, juillet-août 2000.

[3] Laurent Gachet, « Au fil du cirque », dans Yan CIRET (dir), Le cirque au-delà du cercle, Artpress, spécial n° 20, 1999, p. 46.

[4] Annie Fratellini, « Entretien avec Annie Fratellini », réalisé par Jean-Luc Baillet et Laurent Gachet, Arts de la piste, n° 3, HorsLesMurs, juillet 1996, p. 5.

[5] Pascal Jacob, « La Dame du cirque », Paris, Arts de la piste, n° 7, HorsLesMurs, octobre 1997, p. 32.

[6] Annie Fratellini, « Entretien avec Annie Fratellini », Op. cit.

[7] Le dossier de presse de cette manifestation indique que, de 1987 à 1999, plus de 2700 stagiaires venus de différents pays ont fréquenté ces stages.

Martine Maleval

Transcription

Inconnue
Ma mère est clown, mon père est clown, enfin mon père est metteur en scène, mon beau-père est clown, voilà, je fais du cirque.
Journaliste
Et qu’est-ce que vous apprenez dans cette école ?
Inconnue
Le trapèze, l’acrobatie, la danse, tout.
Journaliste
Vous avez l’intention de continuer à en faire votre métier ?
Inconnue
Ah oui, oui, oui.
Journaliste
Et de peut-être un jour d’arriver dans un grand cirque ?
Inconnue
Ah sûrement, pas un jour, un jour prochain, oui.
Journaliste
L’Ecole Nationale du Cirque a planté son chapiteau à la foire de Rouen jusqu’à ce soir. C’est le nouveau cirque de Paris installé en permanence dans la capitale. C’est la seule école de cirque, non seulement en France, mais en Europe. Son but, assurer la relève des gens du voyage. Nul besoin cependant d’être issu d’une famille de baladins. Les enfants, les adolescents viennent ici apprendre un métier, clown, acrobate, équilibriste, trapéziste.
(Musique)
Annie Fratellini
C’est le même principe que toutes les autres écoles. Il y a une école installée à Paris avec 200 élèves, 100 gosses de moins de 16 ans et 100 autres de plus de 16 ans. Et puis, comme nous avons quand même envie de trouver d’autres enfants qui n’ont pas la possibilité de venir, eux, à Paris, nous venons les trouver en présentant un spectacle et en leur expliquant ce qu’est l’école du cirque. Nous partons 4 mois en tournée depuis 4 ans, de mai à fin août, ce qui ne fait pas trop de torts aux études normales.
Journaliste
Et ce chapiteau, il appartient à l’école ?
Annie Fratellini
Il appartient à l’école, donc c’est leur cirque, ce sont bien sûr les 20 meilleurs élèves qui partent avec nous, en tout cas, ceux qui ont envie de partir, ça leur permet de savoir vraiment s’ils pourront continuer ou s’ils auront envie de continuer, car la vie de cirque, ce n’est pas toujours facile, c’est passionnant mais pas toujours facile.
Journaliste
Cette école ne se contente pas d’enseigner le cirque aux jeunes, elle lui donne la possibilité de se produire en public sous un vrai chapiteau, sur une vraie piste. C’est pour cela que la Foire Expo a organisé une opération Cirque ouvert. Là, le public fait connaissance avec le monde du cirque, sa vie, ses joies, ses peines, son travail de tous les jours. Les jeunes élèves d'Annie Fratellini répètent en public modestement et avec conscience. Et là, il n’est pas difficile de s’apercevoir qu’on a souvent affaire à des professionnels même très jeunes.
(Musique)
Journaliste
Le cirque, c’est une vocation ou ça s’apprend ?
Annie Fratellini
Les deux, ça s’apprend, c’est très difficile mais c’est surtout une vocation.