Le tir à l'arc en Picardie entre tradition et modernité

26 avril 1976
04m 09s
Réf. 00123

Notice

Résumé :

En Picardie, dans le Pays d'Arc on pratique le tir Beursault. L'Archerie fait partie du patrimoine et la tradition. On continue avec la cérémonie du tir à l'oiseau à désigner le roi de la Compagnie. Le Beursault se pratique comme sport depuis le XXe siècle. Cependant le tir à l'arc a évolué tout comme le matériel utilisé. Le tir à l'arc moderne se pratique sous différentes disciplines : tir à l'arc fédéral, tir olympique, field, tir en salle.

Date de diffusion :
26 avril 1976
Source :

Éclairage

Le tir à l'arc est une pratique héritée des jeux traditionnels de l'Ancien Régime. Loin de tomber dans l'oubli après cette période (à l'inverse du jeu de paume ou de la soule), il poursuit son développement, principalement dans le nord de la France, et notamment en Picardie. Place forte du tir à l'arc, la région dispose encore d'un vivier important de pratiquants au milieu des années 1970 (plus de 2000 licenciés rattachés à la Fédération Française de Tir à l'Arc). Cette vitalité tient principalement au fait que les Compagnies d'arc picardes constituent depuis leurs débuts des "conservatoires" de la sociabilité traditionnelle locale. Ces structures s'attachent en effet à tisser des liens étroits entre la pratique du tir à l'arc et les traditions régionales. Elles pérennisent notamment le tir "Beursault", dont l'originalité tient au fait qu'il se déroule dans un espace spécifiquement aménagé, le "Jeu d'arc" ou "Jardin d'arc". Des épreuves sont notamment organisées lors des "Bouquets provinciaux", qui sont des rencontres entre les Compagnies d'arc de la région. Mais la tradition pénètre également l'intimité du cadre associatif. Les Compagnies d'arc organisent en effet annuellement des concours de "tir à l'oiseau" afin de désigner le "Roy de la compagnie", qui ordonne la destitution du bureau de l'association et l'organisation de nouvelles élections.

Par-delà leur aspect folklorique, ces manifestations font partie intégrante de l'identité des archers picards. Elles leur donnent en effet le sentiment de partager une histoire commune. D'où l'importance conférée aux rituels. Par exemple, les "Bouquets provinciaux" démarrent par un défilé des Compagnies d'arc et incluent la célébration d'une messe. La pratique du tir "Beursault " requiert, pour sa part, le respect de certains usages : saluer les autres participants avant le premier tir ("Mesdames, Messieurs les archers je vous salue"), se conformer aux règles de déplacement dans le « jeu d'arc » (emprunter à bon escient « l'allée des chevaliers » ou "l'allée du Roy") ou encore utiliser un vocabulaire spécifique (la « butte maîtresse », la « butte d'attaque », les « gardes », le décompte des points par des "honneurs", des "chapelets" et des"noirs"). Les Compagnies d'arc favorisent ainsi l'attachement au patrimoine régional mais aussi à la communauté associative.

Or, au cours des années 1970, ces structures font face au développement du tir à l'arc sportif (ou tir fédéral). Les responsables de la Fédération Française de Tir à l'Arc soutiennent ce mouvement car c'est un moyen d'attirer un nouveau public (plutôt jeune et en phase avec la modernité sportive), et donc de faire progresser les effectifs de licenciés. Le tir fédéral transige alors fortement avec les formes traditionnelles de pratique pérennisées au sein des Compagnies: il est dépourvu de toute fonction rituelle et festive, impose des règles fixes, crée des catégories d'affrontement et de classement (par âge, par sexe, etc.), cantonne la pratique du tir à l'arc dans des sites réservés et normalisés (le stade, la salle) et, enfin, oppose aux temps aléatoires des jeux traditionnels un temps ordonné et précisément découpé. Bref, aux yeux des "puristes", l'avènement du tir à l'arc sportif met en péril l'existence même des Compagnies, notamment parce qu'il prend ses distances avec l'ensemble des rituels qui assurent la cohésion associative. Si des tensions naissent du fait de l'imposition progressive du modèle fédéral, cette situation n'entraîne pas pour autant la disparition des formes traditionnelles de tir mais plutôt l'émergence d'un compromis entre tradition et modernité. Ainsi, à côté des "Bouquets provinciaux", qui se perpétuent en Picardie, on assiste à la mise en forme sportive du tir "Beursault", c'est-à-dire l'organisation de compétitions reconnues par la Fédération Française de Tir à l'Arc.

Sébastien Stumpp

Transcription

(Musique)
Journaliste
De nos jours, l’arc est devenu un véritable accessoire de précision. Et de ce fait, entre les anciens et les jeunes, c’est la scission, les uns considérant l’archerie comme partie intégrante du patrimoine folklorique, les autres, au contraire, désirant la promouvoir afin de l’imposer dans le monde sportif. Les traditions n’en demeurent pas moins toujours aussi vivaces. On tire par exemple encore au beursault. Et le tir à l’oiseau a gardé tout son prestige. Cette vielle coutume permet de désigner chaque année le roi de la compagnie. De tir a l’oiseau a lieu de préférence avant le 1er mai. L’oiseau, un gros moineau de bois, est généralement placé au sommet d’une perche. On le tire à une distance variant entre 30 et 50 mètres. Et le premier qui l’abat est proclamé roi. Celui-ci destitue le bureau de la compagnie et l’on procède à de nouvelles élections. Si, pendant trois ans, le souverain en place parvient à conserver son titre, il est alors nommé empereur. Du temps de la chevalerie, le roi était exonéré d’impôts pour l’année. L’empereur, lui, l’était à vie.
(Musique)
Expert 1
Le tir à l’oiseau est une tradition qui se perpétue. Et toutes les compagnies d’arc de France tirent à l’oiseau. Ce n’est pas réservé à la région picarde et… ce qui est réservé à notre région, ce sont les bouquets, ce sont les tirs beursault dans les jardins puisque les jardins sont… n’existent que dans la région parisienne et dans la Picardie. Mais le tir à l’oiseau est connu, est une tradition que les archers aiment bien et toutes les compagnies ont leur roi chaque année.
Expert 2
Le beursault est apparu en France en tant que sport vers les années 1900, vraiment en tant que tir, tandis qu’avant, nous avions surtout les bouquets provinciaux qui étaient surtout une manifestation folklorique.
Journaliste
Et le beursault ne se pratique que dans notre région ?
Expert 2
Le beursault se pratique dans les jeux d’arc. Et nous n’avons les jeux d’arc que dans la région du pays d’Arc, c'est-à-dire la Somme, l’Oise et l’Aisne.
(Bruit)
Expert 1
La Picardie doit atteindre presque 2002 ou 2003 licenciés Mais c’est une région où ce nombre de licencié est atteint depuis longtemps, et on ne connaît pas la même croissance que dans les autres parties de France. C’est une région où le tir à l’arc est encore très vivace mais il est vivace en étant très près de ses traditions qui n’est pas le tir à l’arc qui est de plus en plus pratiqué dans le reste de la France. Je regrette qu’on ne connaisse pas, à côté des traditions, la même évolution du tir à l’arc sportif tel que nous le rencontrons continuellement dans les autres régions.
Tireur 1
Messieurs, je vous salue.
Tireur 2
Bonne chance.
(Bruit)
Journaliste
Vous regrettez un peu cette tradition qui se perd dans le tir à l’arc ?
Tireur 3
Un peu parce que le tir à l’arc moderne, ce n’est pas… on n’a pas été habitué comme ça alors ça nous change tout à fait.
Journaliste
En plus du beursault qui ne connaît donc d’adeptes qu’en Picardie, le tir à l’arc comporte plusieurs autres disciplines, du tir fédéral au tir en campagne en passant par le tir aux distances internationales.
(Bruit)
Expert 2
Un tir fédéral est un tir qui se pratique en plein air, sur un stade de préférence. Et 2 séries de 36 flèches : une à 50m et une à 30m. Le fita (est le tir olympique par lui-même) se pratique à 4 distances : 36 flèches à chaque distance, 90m, 70m, 50m et 30m. Le field, lui, se pratique en campagne, sur les lieux comme un parcours de golf. Et le tir en salle qui est apparu depuis quelques années en France, qui, lui, se pratique soi à 25m soit à 18m.
(Bruit)