Le ballon au poing dans les villages de la Somme
Notice
Magazine consacré au ballon au poing, un sport apparenté aux jeux anciens comme le jeu de paume pratiqué dans les villages du nord de la Somme. Historique règles et pratiques de ce sport avec Jacques Godefroy, ancien joueur d'Hérissart et René Cazier, secrétaire général de la Fédération française. Ce jeu de gagne terrain se pratique avec des chasses avec un ballon spécifiques. Six joueurs par équipes : cordiers, milieu de corde, basses-volées, et le foncier.
- Europe > France > Picardie > Somme > Villers-Bocage
Éclairage
Le ballon au poing tel qu'il nous apparaît aujourd'hui, est un sport récent. Sa précocité est cependant toute relative car il aurait été inventé au milieu du XIXe siècle. Il fait partie de ce que l'on peut appeler un sport moderne à l'image des jeux de balle et de ballon comme le football, le rugby, le basket-ball, le tennis, etc.
Son invention a directement été liée à celle du caoutchouc. Il n'aurait jamais existé sans le rebond opéré par le ballon, rebond permettant les échanges répétés, même s'il est possible par ailleurs d'échanger de volée.
Il est dit que le ballon au poing est un sport issu de la tradition des jeux de paume de la Grèce antique. Le principe de la balle chassée, appelée Phéninde (phaeninda) à l'origine, a été conservé, les deux camps se faisant face, l'on échangeait tour à tour le ballon, la balle, la pelote... sans se faire de passes à l'intérieur de chaque camp, contrairement à la "balle commune" qui a donné le football, le rugby ...
Avant l'invention du caoutchouc issu du latex secrété entre autre par l'hévéa, le ballon ne rebondissait pas, il était plus volumineux, constitué d'une vessie de porc ou d'un autre animal, remplie de foin ou de bourre. Certaines gravures nous montrent le jeu de ballon, de "gros ballon" propulsé certes par le poing, mais protégé de brassard en bois, à l'image du pallone al bracciale encore pratiqué aujourd'hui en Italie en Toscane et du pallone élastico ou palla pugno dans le Piémont. En France, l'on a pratiqué ce jeu de ballon muni de brassard dans la région de Montpellier jusqu'en 1861 pour laisser la place au jeu de tambourin.
En Amérique du Sud, le caoutchouc naturel permettait aux amérindiens de confectionnaient des balles ; ils associaient le caoutchouc aux mythes de la création, la matière devenait sacrée, le rebondissement incessant mimant la course du soleil dans le jueguo de pelota (jeu de balle précolombien).
Ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle que cette découverte est exploitée pour confectionner les premières gommes, pour des pneumatiques pleins (1835), de tubes souples gonflés (chambre à air de Dunlop en 1887 ) et les balles et ballons, appelés "folies" à l'époque, à cause de leur pouvoir bondissant. On remplace donc la vessie de porc par une vessie de caoutchouc gonflée et protégée par du cuir. Celui-ci évolue au début du XXe siècle pour atteindre sa taille et son poids actuel. Comme l'explique René Cazier dans ce reportage, ce ballon en cuir est relativement lourd puisqu'il pèse 510 grammes, on le lance avec le poignet, protégé par une bande de cuir ou de tissu.
Au XIXe et XXe siècle, le ballon au poing était pratiqué dans la Somme, le Pas-de-Calais et à Paris à travers trois fédérations de ballonistes. C'est l'association des Picards de Paris qui servait de support à la fédération parisienne. La fédération des ballonistes de la Somme a vu le jour en 1913, à l'initiative d'un cadre de la société textile Saint Frères, Alfred Leriche. Auparavant, un championnat existait, mais à ce jour aucune trace écrite sur celui-ci ne subsiste, sinon un palmarès attribuant à un certain Humler du club d'Albert, la victoire en 1904 et un record de plusieurs championnats remportés consécutivement par ce dernier.
Un agrément national fut attribué en 1972 grâce au docteur Gérard Lenot qui devint ainsi le premier président de la Fédération Française de Ballon au Poing.
Comme on peut le constater dans le reportage, il n'est pas facile d'expliquer ces règles sans visualiser le déroulement d'une partie (1).
Une équipe de 6 joueurs est composée d'un foncier qui occupe le fond du jeu et assure 80 % de la partie, de deux basses-volées qui renvoient presque exclusivement de volée, de trois cordiers qui se situent donc prés de la corde avec un milieu de corde qui se situe au centre.
On effectue un service au dessus de la corde à partir d'une ligne de tir qui varie selon les catégories d'âge et de niveau (à 18 mètres par exemple, pour la catégorie supérieure, "l'excellence").
Les échanges peuvent s'effectuer de volée ou après un bond et des chasses sont posées à l'endroit où le ballon s'est arrêté après le deuxième bond ou lorsque le ballon franchit une ligne latérale après le premier bond.
Dans un premier temps, il s'agit d'un gagne terrain pour établir les camps des deux équipes en présence. Les camps sont délimités par les chasses. Lorsque les chasses sont posées, les deux camps permutent, (on dit que l'on traverse) le point est en suspend, il suffit désormais d'envoyer le ballon dans le camp de l'adversaire, par-dessus la ligne de chasse.
Le décompte des points des jeux sont identiques à ceux de la longue paume ( les distances gagnées étant à l'origine calculées en pieds : 15 pieds, 30 pieds, etc), ou ceux du tennis qui en a hérité, on remporte donc un 15, puis 30, 40 et jeu. Une partie se joue en 7 jeux, des avantages interviendront lors d'une égalité à 6 jeux.
Si le ballon au poing a perduré durant toutes ces années, c'est grâce à l'esprit de famille, on peut même parler de clan qui règne au sein des villages concernés.
La fierté familiale oblige à pratiquer le ballon et à l'emporter pour empêcher les autres clans de vaincre. On assiste donc à des équipes formées exclusivement des membres d'une même famille. Cependant, ce phénomène tend à s'estomper et la mixité est désormais de mise au sein d'un même village et également entre villages voisins.
(1) Voir les caractéristiques de ce jeu dans : Marcel Lazure, Les jeux de balle et ballon picards : ballon au poing, balle à la main, balle au tamis, longue paume, Centre régional de documentation pédagogique de Picardie, 1981, réédité en 1996.