Les protestants du Trièves
Notice
Ce reportage retrace l'histoire de l'implantation du protestantisme dans la région du Trièves et en particulier à Mens. L'importance de l'instruction pour les protestants aboutit à la création de l'Ecole modèle de Mens reconnue au-delà des frontières.
- Rhône-Alpes > Isère > Mens
Éclairage
Cette séquence sous forme d'interview de l'historien Pierre Bolle, enseignant d'Histoire à l'université de Grenoble, spécialiste du protestantisme dauphinois, vient rappeler aux téléspectateurs l'importance historique du protestantisme dans la région. Elle fut au XVIe siècle une des plus réceptives au message des réformés, en particulier le français Jean Calvin, arrivé à Genève en 1536, et dont la popularité dans la région se vérifie jusque dans le nom donné à un sommet proche de Mens, le bonnet de Calvin. De cette présence ancienne témoigne en 1992 l'existence de noyaux protestants dans les villes liées au commerce (Lyon, Valence) mais aussi dans les campagnes de l'Ardèche et de la Drôme. Pierre Bolle met ici en valeur un cas moins connu, celui du pays du Trièves, autour de la petite ville de Mens en Isère. Le Trièves fut d'abord un bastion protestant au temps de son implantation en Dauphiné sous la direction du célèbre seigneur, puis duc, François de Bonne de Lesdiguières (1543-1626), gouverneur du Dauphiné en 1612, maréchal de France, le dernier à porter le titre de connétable, propagateur zélé de la Réforme au prix de méthodes qui ne furent pas seulement pacifiques. La topographie du Trièves lui permit ensuite d'échapper au sort commun des protestants après la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV en 1685 et l'interdiction du protestantisme dans le royaume. L'application de cette mesure par la force, bien connue pour la résistance des Cévennes (guerre des Camisards) ne fut pas partout possible ou jugée rentable. C'est ainsi que Mens put rester fidèle au protestantisme grâce à une indifférence transformée en tolérance assez exceptionnelle.
Mais Pierre Bolle insiste surtout sur le réveil protestant du XIXe siècle. Dans un contexte désormais favorable, grâce à la liberté religieuse acquise avec la Révolution française (et à laquelle prirent une part active des personnalités protestantes dauphinoises comme Antoine Barnave), confirmée par les régimes successifs, le protestantisme dauphinois trouve une nouvelle vitalité. Il le doit en grande partie à l'action de pasteurs itinérants et missionnaires venus de Suisse et d'Allemagne, tel Felix Neff (1797-1829), un jeune pasteur genevois qui remplace provisoirement le pasteur de Mens en 1821. Après le retour du titulaire, et à cause de conflits avec un autre pasteur, il part en 1823 dans les Hautes-Alpes et deviendra en très peu de temps une des figures les plus populaires du protestantisme français grâce à son action religieuse et sociale dans le Queyras et surtout dans la vallée de Fressinières, autre vieux refuge protestant.
Plus généralement les protestants de la région jouent un rôle de premier plan dans l'industrialisation et exercent une influence sociale sans commune mesure avec le petit nombre de fidèles. Ils le doivent essentiellement à un investissement précoce dans la formation d'élites scolarisées grâce à des écoles de qualité, ouvertes aux formes nouvelles de pédagogie, et dont les instituteurs sont issus d'écoles normales protestantes. L'école normale de Mens, que l'on voit dans le reportage, en est un exemple remarquable et précoce (1822). On aurait pu aussi en trouver d'autres exemples dans les Hautes-Alpes (Dormillouse), en Ardèche, dans la Drôme (Dieulefit).
Le musée de Poët-Laval près de Dieulefit propose une présentation de cette histoire du protestantisme dauphinois.
Bibliographie :
- Pierre Bolle, Protestants en Dauphiné - L'aventure de la Réforme, Grenoble, éditions du Dauphiné, 2001.