Grève aux usines Pennaroya
Notice
Depuis février, les travailleurs immigrés de l'usine Pennaroya sont en grève suite à la mort d'un travailleur. Ils s'opposent à la direction au niveau des salaires, des conditions de travail et des logements.
- Rhône-Alpes > Rhône > Lyon
Éclairage
Le conflit de Pennaroya en mars 1972, mené pendant 33 jours à Lyon par 105 ouvriers spécialisés (OS) Algériens et Marocains contribue à constituer l'immigration en problème. Une série de rapports de l'Inspecteur du travail avait attiré précédemment l'attention de la direction de la Société minière et métallurgique de Pennaroya installée dans le quartier de Gerland à Lyon sur les dangers du saturnisme et l'état déplorable des baraques dans lesquelles étaient logés les ouvriers immigrés : pas de portes aux WC, douches sales, en nombre insuffisant et inégalement réparties pour les ouvriers « européens » et les « immigrés ». L'absence de réaction de la direction avait conduit l'Inspection du travail à communiquer des mises en demeure pour faire respecter la législation sur l'hygiène et la sécurité. A la suite d'un accident mortel du travail, survenu le 19 décembre 1971 à cause d'un appareillage défectueux, signalé auparavant dans des rapports, les ouvriers immigrés déposent un cahier de revendications le 27 décembre, puis un second le 25 janvier 1972. Avant même le début de la grève se constitue un comité de soutien, auquel participent médecins et juristes. Par ailleurs, avec l'aide des Cahiers de Mai (un journal et une association nés en 1968 qui se proposent de diffuser les paroles et les actions ouvrières, animé dans la région Rhône-Alpes par Bernard Fromentin), les grévistes envoient aux autres usines de Pennaroya (en particulier à Saint-Denis) cassettes et lettres ouvertes où sont exposées leurs revendications. A Lyon, des paysans du Centre national des Jeunes agriculteurs (CNJA) de Rhône-Alpes viennent apporter du ravitaillement aux immigrés en grève. Une section CFDT est créée dans l'usine avec les pratiques collectives mises en place par les OS : décisions en assemblée générale, élection des délégués atelier par atelier. Un film est tourné sur la grève par l'équipe des Cahiers de Mai. Des collectes sont réalisées un peu partout en France. La publicité donnée à la grève et les soutiens de tous ordres dont ceux des collectifs militants et de la CFDT explique sa présentation aux Actualités régionales.
A la fin de la grève le 11 mars, presque toutes les revendications sont satisfaites, sauf celles de l'augmentation des salaires égale pour tous dans les usines du groupe. Ces grèves ont contribué, avec les grèves de la faim pour les cartes de travail, à présenter à l'opinion publique la question de l'immigration avant que la crise économique ne devienne perceptible à la fin de l'année 1973. Par ailleurs, elles ont conduit à interroger les choix économiques et sociaux, faits pendant la période dite des Trente Glorieuses, notamment sur les conséquences de l'emploi d'une main d'oeuvre étrangère, abondante et mal payée, dans le bâtiment et les branches taylorisées de l'industrie.