Phiippe MANOURY, Jupiter

1987
02m 25s
Réf. 00032

Notice

Résumé :

Lorsqu'en 1986, j'entrepris la composition de Jupiter, je n'avais guère de modèle à ma disposition. Les systèmes d'interaction en temps réel entre les instruments traditionnels et les synthétiseurs étaient encore balbutiants. Les premiers essais furent faits au début des années 80 par Barry Vercoe et Lawrence Beauregard qui eut l'idée de connecter sa flûte à la machine 4X

Type de média :
Date de diffusion :
1987
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Éclairage

Durée totale: 36'

"Lorsqu'en 1986, j'entrepris la composition de Jupiter, je n'avais guère de modèle à ma disposition. Les systèmes d'interaction en temps réel entre les instruments traditionnels et les synthétiseurs étaient encore balbutiants. Les premiers essais furent faits au début des années 80 par Barry Vercoe et Lawrence Beauregard qui eut l'idée de connecter sa flûte à la machine 4X. On pouvait ainsi imaginer la possibilité de faire suivre en temps réel le jeu instrumental par une machine libérant ainsi l'interprète des contraintes d'un tempo figé et immuable tel que cela se produisait dans la musique pour bande magnétique. C'est la venue de Miller Puckette à l'Ircam en 1984 qui fut finalement déterminante avec l'invention du suiveur de partition et la mise au point de tout l'environnement informatique nécessaire pour la réalisation de cette œuvre.

La première victoire fut donc celle du tempo. Mais fort de cette expérience, je décidais de l'étendre à d'autres éléments afin que la flûte puisse engendrer elle même une grande partie de la musique de synthèse. Suivant un principe qui m'est cher, selon lequel dans toute œuvre mixte l'instrument principal doit être le centre de référence principal de tout l'environnement sonore, j'ai élaboré diverses techniques permettant de déduire des structures sonores du son de la flûte. Cela peut aller des transformations ou dérivations à partir du propre son de la flûte jusqu'au contrôle de l'évolution des sons synthétiques par une analyse des modes de jeux du soliste. Ces principes auxquels j'ai donné ensuite le nom de "Partitions virtuelles" permettent un rapport interactif entre l'instrument et la musique qui sort des haut-parleurs. En d'autres termes, la qualité des sons produits électroniquement est, en partie, fonction de la manière dont le soliste interprète sa partition. Il ne s'agit, en aucun cas, d'improvisation car toute la partition est rigoureusement notée, mais d'analyser la part de liberté qui est à la base même de l'interprétation.

La partition a connu plusieurs versions. Lors de sa création en 1987 par Pierre André Valade (qui participa grandement aux premières expérimentations), Jupiter avait une durée totale de plus de 40 minutes. Une version "courte" de 20 minutes fut également composée pour les besoins d'une diffusion vidéo. Lors du transfert des programmes de la machine 4X à la Station d'informatique musicale de l'Ircam une troisième version fut élaborée ramenant la durée à une trentaine de minutes mais sans que le contenu sonore de l'œuvre en fut changé. Ce n'est qu'au cours du mois de novembre 1996 que je décidai d'établir la version définitive en modifiant de façon substantielle le contenu des programmes de synthèse, opération qui peut s'apparenter à une réorchestration.

La musique électronique en temps réel, du moins telle qu'elle est organisée ici dans sa conception même (Jupiter est, de ce point de vue, la première pièce du genre) a encore quelques difficultés à se frayer un chemin que l'on aurait pu imaginer plus développé. C'est sans doute que, pour le moment, les contraintes technologiques y sont plus grandes qu'ailleurs ainsi que le temps de préparation et de mise au point qui est plus long que la normale. Cependant, malgré la décennie passée depuis la création de cette œuvre, où assez peu d'expériences dans cette direction ont vu le jour, je reste persuadé qu'il s'agit là du changement substantiel le plus conséquent que l'on puisse faire subir à la musique électronique car, en y introduisant l'interprétation, ce sont les données mêmes de la composition qui s'en trouvent bouleversées."

(Philippe Manoury, décembre 1996)