Les années 60 et la recherche musicale
Introduction
Après les années de la découverte et des premières oeuvres expressionistes (1948-1958) un vaste programme de réflexion s'organise, toujours sous l'impulsion de Pierre Schaeffer, pour aboutir en 1966 à la parution du Traité des objets musicaux .
L'essor de la recherche musicale
En 1958 le Groupe de Recherches Musicales (GRM) succède au Groupe de Recherche de Musique Concrète (GRMC). Il a pour objectif de rassembler dans un grand projet de recherches interdisciplinaires l'acoustique musicale, c'est à dire l'étude de la chaîne de transmission "électro acoustique physiologique", à l'expérience esthétique, qui va de la production des objets musicaux à leur intégration dans le domaine de la sensibilité musicale.
Une équipe de chercheurs (compositeurs et spécialistes de différentes disciplines scientifiques) est constituée pour étudier sous tous ses aspects le concept d'objet sonore. Que ce soit au niveau de sa structure interne ou à celui de sa fonction dans la structure générale que constitue l'œuvre musicale.
Dans un souci de généralisation du phénomène musical, on étudie la morphologie des sons, on établit une typologie, on définit les différents critères musicaux, caractères et valeurs, dans l'espoir (schaefférien) de constituer un nouveau solfège : Le solfège de l'objet sonore. Il s'agit de comprendre, après avoir rejeté toutes les idées reçues, avec quel matériau on travaille et comment l'oreille humaine perçoit le résultat musical. L'ensemble de ces recherches est publié en 1966 par Pierre Schaeffer dans l'impressionnant Traité des objets musicaux .
Aux États Unis on assiste aux premiers pas de l'informatique musicale. À New York, aux Bell Laboratories, l'équipe réunie autour de Max Mathews (dont le français Jean Claude Risset) réalise les premiers sons et programmes de synthèse par ordinateur pour aboutir en 1966 au fameux Music 5, programme que bien des studios de par le monde reprendront pour créer leurs propres réalisations de recherche dans ce domaine.
À Paris, au GRM, les œuvres de la première moitié de cette décennie sont représentatives de cet esprit de recherche : Étude aux allures, Étude aux sons animés, Étude aux objets (Pierre Schaeffer, 1958 1959); Étude aux accidents, Étude aux sons tendus (Luc Ferrari, 1958); Orient Occident (Iannis Xenakis, 1960) jusqu'à l'expérience en 1962 du premier Concert Collectif dans lequel dix compositeurs ont échangés leurs séquences musicales pour les recomposer dans un ensemble rassemblant les écritures instrumentales et électroacoustiques.
À l'inverse, dans la seconde moitié de la décennie les compositeurs vont petit à petit "reprendre leur liberté", comme si leur imagination avait été bridée par les années trop sérieuses de la recherche musicale : Hétérozygote (Luc Ferrari, 1964), Violostries (Bernard Parmegiani, 1964), Cantate pour elle (Ivo Malec, 1966), Espaces inhabitables (François Bayle, 1967).
Ivo MALEC, Cantate pour elle
"Aller au-delà de ce que l'on considérait récemment encore comme la limite d'un instrument, voire de la voix, semble aujourd'hui devenir une démarche habituelle et nécessaire. Au lieu de vouloir surprendre, je me suis limité ici à écouter et suivre la très belle leçon qu'on reçoit chaque fois que l'on tourne le dos au "normal" pour s'en aller chercher du côté des cas extrêmes ce que l'on peut faire avec "ce qui n'est pas à faire"
François BAYLE, Espaces Inhabitables
Cette musique est considérée par son auteur comme sa "vraie première œuvre". Les cinq mouvements qui la constituent ont été composés à la suite, et conçus pour former un tout : Jardins de rien ; Géophonie ; Hommage à Robur ; Le Bleu du ciel ; Amertumes.
Quant à l'expression "Recherche musicale" proposée par Pierre Schaeffer à la fin des années cinquante elle aura un bel avenir puisque l'ensemble de la musique contemporaine fera de la recherche musicale, chaque acteur, bien sûr, imaginant dans quelles directions orienter ses propres recherches.
(date de rédaction : 1999)